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Ville de la semaine: Gap

Please, mind the Gap !

Par
Agathe Beaudouin
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Les plus pressés ont tendance à l’ignorer ostensiblement, lunettes de soleil sur le nez et voitures bien trop chargées en prenant à Tallard la (mauvaise) direction des stations hivernales, Vars, les Orres, Serre-Chevalier et bien d’autres. Même scénario l’été, puisqu’il faut rejoindre au plus vite ses pénates ensoleillés après de longs kilomètres sur l’autoroute des vacances bondée. Mais ceux qui savent… savent.

À ce point précis, il faut bien sûr aller tout droit pour rejoindre Gap ! Aucun lien de parenté avec la marque californienne homonyme, que l’on voit à peu près partout dans le monde. C’est même tout le contraire. Ce Gap-là n’investit pas dans des panneaux publicitaires à coup de millions de dollars, et n’en jette pas plein la vue, du moins pas dès le départ. Le boulevard Jean-Jaurès, c’est pas vraiment l’avenue des Champs-Élysées.

Comme personne ne vous a jamais dit d’aller faire un tour à Gap, vous ne pouvez pas imaginer qu’on y trouve l’une des places les plus « just wait and see » du sud de la France. Un bon mix entre les places d’Aix-en-Provence (jolies mais trop m’as-tu vu) et d’Avignon en période de festival, le monde en moins. Ici, place Jean-Marcelin, la boboitude n’est pas encore arrivée. Donc, vous vous posez et vous plongez dans cette ambiance mi-montagnarde, mi-provençale que seule Gap peut se vanter de posséder. Difficile à décrire mais en gros, il faut quelques bistros pour le café ou l’apéro, c’est selon, de la chaleur (Gap = 300 jours d’ensoleillement par an), un minuscule manège rétro qui a vu passer des générations et générations de mini-montagnards (les mêmes qui ont, des années durant, animé le fameux Corso de Gap), zéro voiture, et une cadence bien mesurée, ni trop speed ni trop au ralenti, une rythmique que les Gapençais pure souche détiennent naturellement dans leurs gènes, et qui s’adopte assez facilement.

Place aux tourtons

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Vous êtes bien ? Et vous n’avez encore rien vu ! Car c’est ici qu’apparaissent les fameux tourtons. Aux patates, fromage de chèvre, épinards, ou pommes, pruneaux si vous les préférez sucrés. Les tourtons de Gap, qu’on appelle aussi les coussins du Petit Jésus, c’est toute une histoire à part entière. Une parenthèse dans la ville. Les tourtons, dont l’origine se situe plus exactement dans la vallée du Champsaur, sont devenus l’emblème local par excellence de Gap. Un site internet leur est même entièrement dédié ! Les tourtons, pour sûr, c’est cochon mais tellement bon ! Plus que le Chapeau de Napoléon où l’on vient faire les réserves de champignons pour l’hiver (mais chut, il ne faut pas l’ébruiter), plus encore que Sébastien Ogier, six fois champion du monde de rallye automobile, c’est d’abord le tourton qui fait la fierté de tout un département. « Il serait d’usage d’en avoir cinq dans l’assiette mais fut un temps, les anciens Champsaurins pouvaient, paraît-il, pousser jusqu’à quinze. » C’est le Dauphiné, le quotidien local du coin (oui oui ça se lit encore la presse écrite et ici, vous le trouvez dans tous les cafés !) qui le dit, une institution presque aussi inébranlable que les Rapaces, l’équipe de hockey locale.

Les Rapaces

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Là encore, un autre pilier de Gap. Vous n’aimez pas le hockey ? Peu importe, mais les Rapaces, c’est les Rapaces. Le club possède l’un des palmarès le plus riche de l’histoire de hockey français, avec au compteur 29 titres nationaux, deux participations à la coupe d’Europe, une coupe des As, 22 joueurs ayant porté le maillot tricolore senior en compétition officielles. Bref, ils savent mettre tout le monde d’accord, les Rapaces. Et grâce à eux, la ville s’est dotée d’une super patinoire – qui porte le nom du fondateur du hockey gapençais, un certain Roger Brown -, et d’une réputation qui dépasse les frontières montagneuses de la ville. Donc, vous ne trouverez pas grand monde pour en dire du mal. On s’accorde toujours sur les Rapaces.

Des barbecues… publics

Finalement, la seule rivalité qu’aiment bien entretenir les Gapençais concerne leur identité « wallepine », qui doit aussi pouvoir s’écrire « wouallpine », nous n’avons pas trouvé le terme dans le Petit Robert. Les Alpes de Haute-Provence (Manosque, Forcalquier…) n’ont qu’à bien se tenir. Gap se revendique plus que jamais montagneuse, avec un caractère qui résiste à toutes les épreuves. Comment la contredire ? On y trouve les plus belles montagnes à vingt minutes d’où vous aurez une vue magnifique… sur le lac de Serre-Ponçon. Attractivité hyper prisée des touristes, mais honnêtement, la vue d’en haut est magnifique. Un contraste de blanc et de turquoise saisissant en toute saison. En plus, ils ont eu ici la même idée que partout au Canada : mettre des barbecues publics, disponibles à tous. Imaginez les pique-niques d’été dans des criques aux pieds des montagne ! Si ça, c’est pas le paradis !

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En passant, petit rappel historique : le lac de Serre-Ponçon est grand lac artificiel situé entre Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence, engendré par la construction du barrage sur la Durance, à la fin des années cinquante. L’aménagement de cet immense plan d’eau impose alors le déplacement de nombreuses familles avec leurs minots (plus de mille personnes dit-on), et la destruction de plus de 400 bâtiments (maisons, fermes…). Deux villages entiers disparaissent sous les eaux, Savines et Ubaye (ce dernier n’a pas été reconstruit), ainsi qu’un hameau de Rousset. Une partie de la population expropriée trouvera refuge… à Gap justement.

Le rallye de Monte Carlo

On y revient : Gap, c’est 40 000 habitants au dernier recensement. Soyons honnêtes, ce n’est pas ici que vous trouverez les plus mémorables soirées étudiantes, quoique… Le fun vient d’ailleurs, du sport visiblement pour cette cité qui a obtenu en 2013 le titre de ville la plus sportive, et qui l’avait déjà reçu en 2007. Ici, tout le monde court, pédale, randonne, escalade, ou bien danse… Un vrai pouvoir d’attraction. Le tour de France a bien du mal à ne pas y revenir chaque année, et l’hiver, place au rallye de Monte Carlo. C’est ainsi. Nous, on se contente d’aller farnienter à la super piscine l’été, et en toute franchise, vous trouverez rarement une piscine publique (pardon, on dit stade nautique désormais) de cet acabit, avec de très vastes pelouses arborées où vous passerez la journée à faire la limace ; ou à jouer avec vos émotions du haut du tremplin de 5m.

« Mind the gap »

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Mais en réalité, pour découvrir la vraie nature de Gap, allez-y plutôt un 30 décembre en soirée, car c’est bien sur les vieux pavés du centre historique qu’est née une tradition visant à célébrer la nouvelle année avec un jour d’avance. Aïe aïe aïe… Sacrément traître cette idée on ne vous le fait pas dire, mais elle est tenace depuis quelques temps ! Une fiesta en plein air par -5 degrés : on vous prévient, les « wallepins » ont le sens de la fête. Oubliez vos robes à paillettes et talon aiguille de la Saint-Sylvestre, doudounes et gants seront de rigueur. Vous croiserez des bandas, des fanfares et des fêtards de tout âge. Ça danse, ça picole, ça rigole, ça mange des tourtons… et ça peut finir jusque tard dans la nuit.

Une idée farfelue mais drôlement chouette qui reflète assez bien l’esprit du lieu. « Mind the gap », comme on dit dans le métro londonien, autrement dit « Attention au trou ». Oui c’est vrai : méfiez-vous de Gap, c’est un trou où il fait sacrément bon vivre !

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