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Ville de la semaine : Brest

Brest-même pour être précis.

Par
Daisy Le Corre
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Je n’ai pas l’habitude d’écrire de longues déclarations d’amour. Je l’ai fait une fois, pour Montréal (je ferais n’importe quoi pour cette ville, c’est vrai). Mais depuis que je vis ici, au Québec, il ne se passe pas une semaine sans que je repense à elle, sans que je regrette de ne pas lui avoir avoué plus tôt mes sentiments, et ce déchirement quand j’ai dû la quitter. Brest, voici combien je t’aime.

Après avoir étudié à Rennes 2 (entre 14 grèves et 85 blocages) pour obtenir ma licence en lettres modernes, j’ai largué les amarres et mis le cap sur Brest sans trop savoir ce qui se tramait derrière tout ce soit-disant crachin breton. On m’avait dit : c’est gris, c’est moche, c’est carré, c’est froid, c’est triste et les gens sont chelous/alcooliques/cassos, etc. N’IMPORTE QUOI. Laissez-moi vous dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Brest-même, ti-zef et Yannick

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D’abord, il y a Brest et Brest-même. Ce n’est pas DU TOUT pareil. Soit tu vis au coeur de Brest, soit tu crains un peu. Recouvrance? Ça passe encore. En réalité, c’est plus complexe que ça en a l’air. C’est surtout de rive gauche VS rive droite qu’il est question. Dans le fameux Télégramme de Brest (on en reparlera), Steven Le Roy nous replonge dans l’histoire pour élucider le mystère de ce “brestisme”: “Longtemps, la ville-centre s’est organisée autour de la rive gauche de la Penfeld, la rivière qui scinde la cité et se jette dans la rade. Vivaient là les fameux Ti Zefs, parlant souvent français et réputés urbains, alors que l’autre côté du fleuve arrivaient des troupes rurales et bretonnantes qui formaient le bataillon des Yannicks et alimentaient les besoins humains de l’Arsenal. Les premiers, se poussant sûrement un peu du col, se réclamaient de “Brest-même” et non pas de l’autre Brest des Yannicks. Et puis quoi encore ?”. Retenez donc que votre ami.e qui vit sur la rive gauche intra-muros est un.e ti-zef et celui/celle qui vit à Recouvrance est un.e Yannick. Et souvenez-vous, il y a juste un pont entre vous, c’est pas la mer à boire non plus. Allez plutôt faire la chouille ensemble, tonnerre de Brest!

Ouest-France VS Le Télégramme de Brest

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Vivre à Brest, c’est s’habituer à voir traîner des titres de journaux locaux sur un coin de table ou de bureau, en salles d’attente, au bar du coin, aux toilettes, etc. Là-bas, Ouest-France et Le Télégramme se partagent le même terrain de jeu avec, entre autres, les mêmes savoureux faits-divers brestois. Alors évidemment, si on peut mettre un petit “râteau” à la concurrence ( = balancer une info/un scoop avant l’autre), c’est toujours mieux. Mais c’est de bonne guerre, et il n’est pas rare de croiser ses confrères/consoeurs en reportage sur le terrain avant de finir au café/bar du coin en cherchant à les faire parler. Les Brestois les plus chauvins vous diront qu’il n’y a que Le Télégramme de Brest qui vaut la peine d’être lu, d’autres avoueront que le sacro-saint Ouest-France n’est pas mal non plus… Qu’importe le papier, pourvu que les faits-divers soient bons.

Dialogues

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Impossible de parler de Brest sans évoquer sa librairie culte qui porte si bien son nom: Dialogues. On ne sait jamais avec combien de livres on en ressortira. Sur place, les passionné.es sont aussi invité.es à rester et à s’asseoir pour dévorer les bouquins de leur choix. Un petit café est disponible en cas de fringale. Des ateliers, rencontres et séances de dédicaces sont aussi régulièrement organisés… Bref, peut-être l’endroit le plus reposant de la ville après les bords de mer.

UBO

On ne présente plus l’Université de Bretagne Occidentale (UBO). J’ai eu la chance d’y passer deux magnifiques années d’études et d’y suivre mon Master Métiers du livre et de l’édition qui, désormais, n’existe plus. J’ai l’impression d’être un dinosaure qui a connu une ère dont seuls les plus de trente ans se souviennent… À l’époque (!), étudier à l’UBO c’était quand même LE bon plan de tout l’hexagone: des loyers d’appartements aux prix de ceux de certains loyers de parkings parisiens (je payais 300euros tout compris en coloc par exemple), la mer à portée de vue en sortant de cours, des happy hours tout le long de la rue de Siam, un bar gay friendly digne de ce nom (coucou Happy Café), les marins des quatre coins du globe qui se baladent dans la ville, ses faits-divers hilarants (tant qu’on n’est pas dedans), etc. Bref, je reprends mes études à Brest demain s’il faut.

Le pont de Recouvrance et celui de l’Iroise

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Il est culte, le fameux pont levant de Recouvrance. De jour comme de nuit, on s’y aventure en zieutant la vie qui se trame en dessous, à savoir celle de l’arsenal et du port militaire. La dernière fois que j’y suis allée, c’était le bordel avec les Gilets jaunes qui bloquaient l’accès du tramway en squattant au milieu du pont, un spectacle intrigant et festif où les drapeaux bretons (Gwenn ha du) flottaient au rythme des chants anti Macron. Et que dire du Pont de l’Iroise: en l’apercevant sur la route au loin, au volant de ma 306, je savais que j’arrivais bientôt “à la maison” et qu’il fallait que je respecte les limitations de vitesse à cause de ces foutus radars (rarement bâchés). Et puis, plus loin Océanopolis se profilait à l’horizon… Ça fait du bien d’arriver à bon port. On se prend une mousse au Tour du Monde?

Le téléphérique et les Capucins

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Je n’ai pas eu la chance de profiter du téléphérique – ni de me retrouver bloquée dedans – quand je vivais à Brest car il n’était encore qu’un vague projet. Qui a dit que c’était encore un vague projet? Je vous entends. Mais je l’ai testé (pour passer au-dessus des Gilets jaunes, du coup) et mon âme d’enfant a kiffé, je dois l’avouer. C’est un peu comme prendre un tout petit avion Playmobil pour aller voir ce qui se passe aux Capucins. Les Ateliers des Capucins qui, eux non plus, n’existaient pas quand j’étais Brestoise. Et c’est bien dommage car j’aurais adoré errer là-bas et passer des heures/jours au fond de la médiathèque avant de reprendre mon téléphérique pour rentrer tranquillement chez moi ou pour aller prendre un verre en bas de la rue de Siam. Dans une autre vie, peut-être.

La douceur de vivre brestoise

Une vidéo vaut mille mots, merci Steven Le Roy pour ça:

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Les crêpes, le kig ha farz et le beurre qui va avec

À Brest, on mange des CRÊPES et des bonnes, voire les meilleures de Bretagne. Pas de chauvinisme ici, juste de la lucidité et puis j’ai souvent raison (comme Loïc). Et oui, j’ai aussi habité Rennes alors je connais la concurrence en matière de crêpes/galettes-saucisses mais je n’en démords pas. Brest fait dans la dentelle avec ses crêpes. D’ailleurs, si vous n’avez encore jamais testé Latitude Crêpe, votre vie vaut encore la peine d’être vécue. Ne serait-ce que pour le goût de leur fameux kig ha farz: je ne vous explique pas ce que c’est, vous irez tester par vous-même (envoyez-nous des photos). Diwali? Oui c’est très bon aussi.

Les plages et autour… la pointe du Petit Minou

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Oui, il y a des plages à Brest, la preuve ici. Je me souviens surtout de celle du Moulin Blanc où je venais m’échouer après mes journées à travailler à la rédaction de Ouest-France (coucou team de feu!). Et puis, quand j’avais envie de m’évader encore un peu plus au bout de la terre, direction Plouzané où, la pro-clito que je suis avait du mal à cacher son enthousiasme à l’idée d’aller se la couler douce au… Petit Minou. Comme expliqué ici, “l’origine bretonne, « min » pourrait signifier bouche, embouchure. Min devient Minou au pluriel. En matière de toponymie, sachons garder quelques prudentes réserves. A l’entrée du goulet se situent la pointe du Grand-Minou et celle du Petit-Minou, au creux duquel se situe l’embouchure, rendant plausible cette origine. Le phare du Petit-Minou a été construit sur une roche à terre sur la pointe du Petit-Minou.” Voilà, tout, vous savez tout sur le minou.

Miossec

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Le meilleur pour la fin: Miossec et ses paroles/mélodies dépressives qui, bizarrement, peuvent avoir un effet “coup de fouet” – ou alors je suis plus névrosée que je le crois. En tout cas, son “Brest of” est magnifique et cette chanson encore plus :

Est-ce que je me déteste d’avoir pu un jour quitter Brest? La rade, le port, ce qu’il en reste, le vent dans l’avenue Jean Jaurès… Oui parfois, surtout en plein hiver, à 7000 kilomètres d’elle. On se reverra. Kenavo!

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