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URBANUIT : POURQUOI LES MUSICIENS FONT DES FACES D’ORGASME QUAND ILS JOUENT ?

On tente de démystifier la science de l'orgasme guitaridien.

Par
Audrey PM
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Si vous fréquentez les shows de musique, vous avez déjà probablement remarqué que certains musiciens affichent parfois de drôles de grimaces quand ils jouent. Moi en tout cas, il m’est souvent arrivé, alors que j’observais un guitariste en plein solo, de me demander s’il faisait le même genre de face quand il jouissait. C’est parce que ces expressions de délice, de satisfaction, de concentration et parfois même de délivrance, ressemblent beaucoup aux genres de grimaces qu’on fait quand on baise.

C’est pas moi qui ai l’esprit mal placé, Carlos Santana lui-même le confirme: « C’est comme avoir un orgasme. Je ne connais pas grand-monde qui fait une belle face quand il jouit. Et si t’as pas d’orgasme, peut-être que t’es juste pas assez concentré dans ce que tu es en train de faire.»

L’auteur-compositeur-interprète Louis-Philippe Gingras est d’accord. Il affirme même que c’est plus répandu qu’on ne le pense:

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« Tous les instrumentistes peuvent, en moment de grande intensité musicale, avoir des mimiques faciales qui s’apparentent à celles produites lors d’un orgasme. Pensons au batteur énergique, ses veines de cou saillantes et sa bouche ouverte en un cri guerrier semblant dire « Oh my god, oui, je viens de me fouler un testicule». Mais ils sont derrière la scène et derrière leur batterie, on parle moins d’eux.

Aussi, plusieurs instruments empêchent le visage de se lancer en phase orgasmique. Le violoniste, par exemple, a le menton écrasé sur son instrument; il ne peut que jouir du front. Le trompettiste et autres vents jouissent les yeux fermés et jouissent en mode « fellation vraiment motivante ».

Le bassiste, peut-être à cause du registre grave de son instrument, n’atteindra jamais l’orgasme mais participe grandement à l’obtention de celui-ci en instaurant le groove, son visage se campant davantage dans le «ça va aller, on lâche rien! ». Le chanteur prend beaucoup son pied de la face, mais comme il y a des mots qui sortent quand il ouvre la bouche, ça le rend plus élégant, donc moins cochon.

C’est alors le guitariste, avec sa place au-devant de la scène, un faciès dégagé et une vaste tessiture tout au long du manche permettant accès aux notes suraiguës d’un bel orgasme vaginal, qui devient le grand champion de la face de «ah ouais, juste là, ah ouais ».

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LA SCIENCE DE L’ORGASME GUITARIDIEN

Je me demandais donc si, au-delà de nos impressions et de celles des musiciens concernés, il existait réellement un rapport entre jeu de guitare et plaisir sexuel. Ben attachez votre tuque avec des strings de guitare: il semblerait que OUI! Une neurologue canadienne, Dr. Valérie Sim, affirme que des zones similaires du cerveau sont sollicitées quand on joue d’un instrument ET quand on fait l’amour! Selon elle, les deux activités requièrent de la concentration, de l’énergie et un relâchement des inhibitions. Si on perd le «flow», oupsie! Désolée chérie c’est la première fois que ça m’arrive. Mais quand on réussit, les zones de plaisir du cerveau sont actives, on perd la notion du temps, de l’espace et on flotte dans la joie du moment présent.

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Ça ressemble un peu à ce que Louis-Philippe Gingras me disait: « En fait, à part le buzz musical exaltant qui vient avec un bon solo de guit, y a surtout le fait que je peux arrêter de respirer pendant vraiment longtemps quand je suis à l’apogée de mon envolée mélodique. Ça m’arrive de temps en temps de finir mon solo en regardant ma bassist et de ne plus voir ma bassist, mes yeux pognés dans le rouge.

Pis si tu me posais la question, la palme d’or des faces d’orgasmes sur guitare au Québec : Rémi Boucher, guitariste classique de renom»

Il n’a pas tort:

La copine de Louis-Philippe est là pour confirmer toute la patente: « Il fait des faces d’orgasmes, mais pas des faces d’orgasmes à lui. Ça veut dire que ses orgasmes de guitare sont pas les mêmes que ses orgasmes de pénis.»

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Même son de cloche chez l’humoriste et musicien Julien Corriveau, que j’ai aussi consulté sur le sujet : « Peut-être qu’il y a une sorte d’abandon qui est similaire…. Et c’est pas pour rien que la guitare est à la hauteur de la ceinture, ON EST TOUT LE TEMPS BANDÉS! »

LES DIFFICULTÉS COGNITIVES ÉTAMPÉES DANS FACE

«Les gens devraient tenter d’approfondir davantage leur maîtrise de l’instrument et transcender sa construction», explique Carlos Santana dans une entrevue avec le magazine Guitare Player en 2005. «Pour y arriver, il faut faire des faces laides, serrer les fesses et aller chercher cette note. Il faut intégrer différents niveaux de force brutale dans notre jeu.»

Carlos Santana a vraiment beaucoup réfléchi à ce sujet et dans sa tentative de rationaliser et déconstruire ce phénomène, il aborde un aspect de l’équation que la science commence tout juste à explorer: à quelles zones cognitives du cerveau est reliée la maîtrise d’un instrument de musique.

«L’APPRENTISSAGE ET L’EXÉCUTION DE LA MUSIQUE SONT DISTRIBUÉS PARTOUT DANS LE CERVEAU, INCLUANT LE CORTEX MOTEUR. GRÂCE À LUI, ON EFFECTUE BEAUCOUP DE RÉFLEXIONS COGNITIVES, MAIS C’EST AUSSI LUI QUI CONTRÔLE LES MUSCLES FACIAUX.»

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Ethan Hein, un professeur de musique de l’Université de New York, a déclaré au magazine Louder Sound: «L’apprentissage et l’exécution de la musique sont distribués partout dans le cerveau, incluant le cortex moteur. Grâce à lui, on effectue beaucoup de réflexions cognitives, mais c’est aussi lui qui contrôle les muscles faciaux. C’est pour ça qu’on va froncer les sourcils ou sortir la langue quand on est concentré sur une tâche. Jouer d’un instrument est très demandant cognitivement, donc ç’a du sens que notre corps illustre cet effort.»

PIS LES ÉMOTIONS LÀ-DEDANS?

Il y a aussi la possibilité que ces faces soient une façon de vivre et d’exprimer les émotions du musicien par rapport au morceau qu’il joue.

Une étude récente a même démontré que quand les spectateurs peuvent voir les expressions faciales des musiciens et chanteurs, ils sont plus touchés émotionnellement que s’ils ne voyaient pas leur visage.

Et on ne se cachera pas qu’une belle série de grimaces donne l’impression qu’on est en train d’assister à quelque chose d’unique, difficile à exécuter, et le musicien a de facto l’air plus doué.

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Tout comme Elvis et son bassin frétillant, ou Britney pis son move de langue weird, c’est pas la première fois qu’on rassemble instinctivement musique et sexe dans la performance.

LES MUSICIENNES AUSSI!

Jusqu’ici, les exemples donnés ne concernaient que les hommes. Mais les musiciennes aussi font des grimaces quand elles jouent. L’exemple le plus connu est Este Haim, la bassiste du groupe pop Haim:

J’ai aussi demandé son avis à l’autrice-compositrice-interprète et prolifique guitariste Marie Claudel. Voici sa réflexion sur le sujet:
«Comme me disait mon père quand il voyait un musicien faire des faces bizarre : « Y mange ses notes ». Celui qui m’a le plus marqué en termes de face intense c’est le guitariste Simon Godin. Chaque fois qu’il jouait, il gonflait les joues en regardant par en haut et c’était fou. Sans le connaître, on savait que le gars trimait à jouer de la guit. Il donnait tout ce qu’il avait. Les drummers et les guitaristes sont les musiciens que je vois le plus forcer de la face. Je pense que c’est vraiment différent pour chaque personne, mais c’est clair que c’est la musique qui nous procure cette genre de transe faciale. Autant il en a qui font des faces parce qu’ils savent que leur solo s’en vient et qu’ils ne veulent pas se tromper, autant pour quelqu’un ça aide à la dextérité des doigts forcer du visage! »

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Et elle, comment décrit-elle son rapport entre son corps et son instrument quand elle joue?
«En fait, la raison principale pour laquelle je fais souvent des faces étranges quand je joue, a beaucoup avoir avec le fait que je joue davantage avec mon corps qu’avec mes mains. Ce que je veux dire par-là, c’est que chaque note entraîne une réaction qui est un mélange d’émotions et de surprises. Ça peut paraître drôle à dire mais comme on ne sait jamais exactement ce qu’il va ressortir de notre instrument (même si on a déjà joué ces chansons-là 1000 fois), il y a toujours une petite anticipation qui précède les coups de guitare. Aussi, avoir une guitare collée sur moi, que je sens vibrer ça me donne des frissons et ça fait parler mon visage!»

Au final, on peut dire que ce genre de contorsion faciale fait partie intégrante de la performance, que ce soit voulu ou non. Comme avec le sexe, si on veut avoir du fun, il faut s’abandonner au moment présent et avoir confiance que notre partenaire (ou nos spectateurs) saura apprécier notre authenticité et notre vulnérabilité.

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Et comme le résume bien Julien Corriveau: «Un des plaisirs de jouer de la musique c’est qu’on est autant créateur que spectateur de notre propre musique, et des fois on se surprend à vraiment aimer ce qu’on joue, d’où certaines faces!»