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URBANUIT: la petite histoire du Magic Wand d’Hitachi, «la Cadillac» des vibrateurs

Le populaire vibrateur tient une place importante dans l'histoire du féminisme!

Par
Audrey PM
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Ce qui est fascinant avec l’histoire de la sexualité, c’est à quel point on est en déni de son pouvoir et de son importance, au point où on (par «on» je veux dire la mautadine société) n’est même pas capable d’appeler une chatte une chatte.

Le meilleur exemple que j’ai trouvé à date, c’est l’histoire et la symbolique du «vibromasseur pour le cou» Magic Wand de la compagnie japonaise Hitachi. TOUT le monde sait qu’il est principalement utilisé pour la masturbation, mais la compagnie qui le fabrique refuse de le reconnaître! Pourtant, cet appareil tient un rôle non négligeable dans l’histoire du féminisme et de la libération sexuelle. Des générations de femmes vantent ses mérites et on l’appelle même «la Cadillac» des vibrateurs.

Le Magic Wand célèbre cette année son 52e anniversaire et son histoire est plus que fascinante. C’est pourquoi je me propose de vous en raconter les grandes lignes.

Vieux comme ton père

La compagnie d’électronique Hitachi a lancé le Magic Wand aux États-Unis en 1968, en tant que vibromasseur pour le cou. Il était alors vendu dans les grands magasins, dans les rayons des petits électroménagers.

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La forme et le design ont peu changé depuis. Il s’agit d’une grosse baguette de 12 pouces de long, surmontée d’une boule vibrante de la taille d’une balle de tennis. L’engin est relativement lourd (pour un jouet sexuel): plus de 500 grammes. Pour vous dire, mon ex appelait le mien «ma mailloche». Et j’aimerais prendre une photo de la face de mes amants chaque fois que je le sors pour vous montrer leur expression parfois inquiète, parfois apeurée à la vue de ce gros gadget.

Les premiers modèles de vibrateurs Hitachi. (Crédits)

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Il est affublé d’un cordon électrique d’1.80 mètres de long et possède deux degrés de vibrations: low et high (notez qu’aujourd’hui, une version rechargeable existe, avec plusieurs degrés de vibrations et de «patterns» de vibration).

L’avènement des sex shops sex-positive ouverts aux femmes

À peu près à la même époque à New York, l’éducatrice sexuelle américaine Betty Dodson commençait à donner des ateliers appelés Bodysex Workshops, destinés à enseigner aux femmes diverses techniques de masturbation. La révolution sexuelle était déjà en cours et Dodson souhaitait montrer aux femmes comment prendre contrôle de leur propre plaisir sexuel. Alors qu’au début de ses ateliers elle utilisait diverses marques et modèles de vibrateurs, le Magic Wand est vite devenu son outil favori, ce qui a grandement contribué au succès des ateliers et de l’appareil.

Dans les années 70, le Magic Wand a brièvement été rebrandé The Workout (Crédits)
Dans les années 70, le Magic Wand a brièvement été rebrandé The Workout (Crédits)
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Une autre éducatrice sexuelle, Dell Williams, qui avait assisté à un atelier de Dodson en 1970, était allée dans un Macy’s pour s’acheter un fameux Wand, mais avait eu une mauvaise expérience avec le vendeur qui lui avait demandé d’un air creepy qu’est-ce qu’elle allait faire exactement avec ça.

C’est à cause de ça que Williams a décidé de fonder en 1974 Eve’s Garden, le tout premier sex shop pour femmes, rendant ainsi le Magic Wand accessible aux femmes, sans le sex-shaming de l’époque.

En 1977, le sex-shop Good Vibrations, fondé par Joani Blank, a ouvert à San Francisco avec parmi ses produits le fameux Hitachi, facilitant son accès à encore plus de femmes.

On dit aussi qu’un des facteurs du succès du vibrateur auprès des femmes était justement le fait qu’il était construit comme un électroménager, autrement dit: il n’avait pas de forme phallique (ce qui a renforcé l’idée que les femmes n’étaient pas dépendantes du phallus ou du pénis pour obtenir du plaisir) et il était construit de façon robuste et durable.

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Le comeback kid des années 2000

Fast forward jusqu’aux années 2000, où la compagnie Vibratex prend en charge la distribution américaine du Hitachi et où en 2002, un épisode de Sex and the City remet à la mode ce classique grâce à cette scène qui rappelle un peu celle vécue par Dell Williams dans les années 70:

Fast forward encore jusqu’en 2012. C’est ici que je dois préciser que la compagnie Hitachi se réveille soudainement et réalise UN TOUT PETIT PEU EN RETARD que son masseur à cou est devenu malgré lui un jouet sexuel. Gasp! Indignation! Hitachi refuse que son nom soit associé à l’industrie du sexe, et ce, malgré l’immense popularité de l’appareil.

C’est son distributeur américain Vibratex qui a réussi à convaincre la compagnie japonaise de poursuivre la production et la vente du Magic Wand en modifiant son identité visuelle et en faisant disparaître complètement le nom Hitachi de l’emballage et de l’appareil.

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Ancien et nouvel emballage. (Crédits)

Clitoris, prostate et gadgets

Étant fière propriétaire depuis quelques années (j’ai la version sans fil rechargeable), je suis personnellement très satisfaite de la durabilité de ma mailloche. Ça change des vibrateurs à batteries à 10 euros qui pètent après 15 minutes.

Aujourd’hui, le Magic Wand représente 75% des ventes de son distributeur américain Vibratex (FYI, c’est aussi le distributeur du fameux Rabbit) . J’ai brièvement placoté avec Véronique Campeau, une sympathique sexperte et gérante de sexshop. Selon elle, même avec la popularité grandissante des stimulateurs clitoridiens à pulsation d’air comme le Womanizer, le Magic Wand reste un classique populaire. «On en vend beaucoup autour de Noël et de la Saint-Valentin. Les clients sont souvent des filles curieuses, mais il y a aussi des hommes qui en achètent pour utiliser avec leurs amantes», me confie-t-elle.

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De plus, il existe maintenant différents embouts vendus séparément (et provenant d’autres compagnies) qui permettent de combiner vibrations et pénétration vaginale et anale. Parce que si ce n’était pas déjà le parfait jouet sexuel pour les personnes avec un clitoris, il s’avère que la «mailloche» peut aussi faire du bien à la prostate!

Pour l’usage, Véronique Campeau conseille d’y aller doucement au début, parce que mettons que le jouet est reconnu pour ses vibrations assez intenses. Le placer par-dessus les sous-vêtements peut aider à adoucir les sensations. «Mais si t’es pas satisfaite et que t’en veux plus, alors je te recommande de t’acheter une Harley», me dit-elle en riant.

J’ai aussi demandé à mes amis ce qu’ils pensaient du Magic Wand et de ce côté aussi, l’appréciation est sans équivoque. «C’est le troisième membre de mon couple» est d’ailleurs le commentaire le plus éloquent qu’on m’a envoyé.

Étant fière propriétaire depuis quelques années (j’ai la version sans fil rechargeable), je suis personnellement très satisfaite de la durabilité de ma mailloche. Ça change des vibrateurs à batteries à 10 euros qui pètent après 15 minutes. Et c’est pas étonnant, ça se veut un électroménager, c’est donc construit solide.

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J’ai donc de quoi me divertir le clitoris pour loooongtemps. Oh, et comme le disait une amie, «ça fait des merveilles pour le torticolis aussi».