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Troisième guerre mondiale ou pas ?
Que se passerait-il si les tensions entre la Russie de Poutine et les pays de l’OTAN, se transformaient en saison 2 de « Nous sommes en guerre ». Me voilà en train de penser à mon charisme dans un treillis kaki à la Rambo, alors que tout le monde sait que je serais plus proche de Forest Gump, sans l’intelligence…
Mais pourquoi je pense à tout ça, moi? Ah oui, peut-être parce que depuis des semaines, je vois ces citations en boucle : « Si l’escalade continue, on risque le plus important conflit terrestre depuis la Seconde Guerre mondiale » (Melinda Haring, directrice adjointe du centre pour l’Eurasie à l’Atlantic Council), « la faiblesse et l’incompétence de Biden créent un risque réel de Troisième Guerre mondiale » (un vieux businessman à la teinture jaune canari), ou plus sobre : « ON VA MOURIR! » (sur Twitter).
Alors, comme je suis le plus grand des anxieux, je me suis demandé, pour vous, s’il fallait commencer à réfléchir à une excuse pour se faire réformer, ou si vous pouviez tranquillement vous recoucher au chaud sous votre couette. Décryptage.
À rester aussi longtemps à la tête d’un pays lorsque l’on est tordu comme la faucille et dur comme le marteau qui l’accompagne, il fallait s’y attendre. Comme ses idoles, Napoléon, Jules César et tous ces mégalos qui ont rêvé un jour de tenir le monde dans la paume de leur main, l’autocrate Vladimir Poutine sent ses dernières années de règne arriver et veut partir dans un dernier coup d’éclat en redonnant à la Russie l’influence de l’ancienne URSS.
Souvent, entre exercice du pouvoir et soif de conquête, il n’y a qu’un pas. Vladimir Poutine sait qu’il perd de plus en plus de terrain, de plus en plus de soutien, et devient soudainement un animal apeuré. Le problème avec les animaux apeurés, c’est qu’ils sont imprévisibles.
QUERELLES ENFANTINES
Tout a vraiment commencé le 10 novembre 2021, alors que Washington exhortait la Russie de donner des explications quant aux mouvements de troupes suspects qui s’agitaient autour des frontières ukrainiennes. Poutine, 69 ans, répond alors, dans sa grande maturité, que c’est les Occidentaux qui ont commencé. Selon lui, les pays de l’OTAN mettent de l’huile sur le feu en « livrant des armes modernes à Kiev et en menant des exercices militaires provocants » près de la frontière.
En réalité, depuis le mois d’avril, Moscou amassait près de 100 000 militaires à la frontière et même « s’il y’a une faible transparence sur ces mouvements de troupes et leurs objectifs, (…) de telles manœuvres ne sont pas inhabituelles », selon Alexandra Goujon conférencière et spécialiste de l’Ukraine.
Peu de temps après, l’Ukraine assure que la Russie a disposé près de 92 000 soldats à ses frontières pour une offensive fin janvier-début février. Toujours dans sa grande répartie, notre bon vieux Vlad répond, ce qu’on pourrait résumer par : « Toi-même! » Pour lui, c’est l’Ukraine qui masse des troupes dans l’Est du pays.
La raison de ces tensions? Une enfantine jalousie russe et une immature colère américaine. Depuis des années, l’Ukraine et la Russie partagent une histoire commune. Fondée par les Vikings au IXe siècle, Kiev représente le berceau de la Russie. Durant toute l’Histoire et jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique, l’Ukraine a toujours, de près ou de loin, était rattaché à la Russie.
En 2014, tout change avec la Révolution ukrainienne. L’Ukraine est tiraillée entre pro-russes et pro-européens. Le 22 février 2014, Victor Lanoukovytch, alors président de l’Ukraine, sera destitué par le peuple, après s’être soumis à Poutine qui (déjà à l’époque) tirait par la manche le dirigeant pour l’obliger à refuser l’accord avec l’Union européenne. Cette soumission au gouvernement russe n’ayant pas plu à une majorité d’Ukrainien, des manifestations éclatent dans tout le pays, dégénérant très vite en bain de sang. Cette terrible crise montrera à tous et toutes que le peuple ukrainien ne veut plus de Poutine, qu’il est séduit par l’Europe et qu’il est déterminé à se battre pour le faire comprendre.
Pour Poutine, l’Ukraine, c’est l’Alsace et la Lorraine de 1914.
Alors peu à peu, les tensions montent et à chaque nouveau mouvement suspect, l’Ukraine se tourne vers papa Occident pour dire que le voisin russe l’a encore embêté. Le voisin russe dément et menace l’Occident en les accusant de leur voler l’Ukraine, qui représente pour la Russie son histoire culturelle. Oui, pour Poutine, l’Ukraine, c’est l’Alsace et la Lorraine de 1914 : il y est attaché, il souhaite juste récupérer cette patrie qui lui a tourné le dos. Bon et puis l’Ukraine, c’est aussi une source d’enjeux économiques et un « pays-bouclier » en cas d’invasion de la Russie…
La plus grande peur de la Russie, c’est celle-là. Poutine voit peu à peu les pays de l’ancien bloc soviétique tourner le regard vers l’Europe. La revendication principale de Poutine est la garantie que l’Ukraine ne rejoindra jamais l’OTAN et exige des États-Unis un écrit officiel le ratifiant. Biden, dans sa grande maturité lui aussi, répond ce qu’on pourrait traduire par : « Tu me diras pas ce que je dois faire! » Pour lui, aucun pays n’a le droit de décréter qui est autorisé ou pas à rejoindre l’alliance.
PÉTARD MOUILLÉ OU VÉRITABLE CONFLIT EXPLOSIF?
Le fait que Poutine amasse des soldats à la frontière ukrainienne n’est donc pas étonnant, cela fait très longtemps que la Russie dispose de près de 55 000 militaires sur place. Ce qui est plus inhabituel, ce sont ces positionnements de véhicules blindés, d’équipements, d’artillerie lourde à la frontière. Pour une raison simple, les tensions étant à leur paroxysme, à la moindre attaque de l’un des camps, il faut que tout l’équipement (très long à mettre en place) soit déjà pré-installé et prêt à être déployé rapidement. Les soldats n’étant pas au front, mais bien au chaud, cette position peut durer très longtemps, car personne ne s’épuise et Poutine compte certainement plutôt jouer sur le mental.
En jouant sur le temps, le président russe peut ainsi continuer les cyberattaques et l’envoi de mercenaires en Ukraine pour organiser des sabotages tout en menaçant l’OTAN de couper les vannes énergétiques vers l’Allemagne et d’autres pays de l’Europe de l’Ouest. Cette menace n’est absolument pas crédible, car certes, beaucoup de pays européens dépendent énergétiquement de la Russie (notamment l’Allemagne, dont 55 % du gaz est russe), mais si cette dernière décide de couper les robinets, alors elle ne percevra en retour plus un centime des recettes de ces transactions, ce qui embêterait beaucoup les comptes de la Russie. Seule l’Ukraine pourrait éventuellement se voir couper les ressources énergétiques.
De l’autre côté, en Occident aussi, on peut faire durer le plaisir en continuant d’envoyer des militaires, des armes anti-chars ou des missiles anti-aériens à l’Ukraine, mais aussi en proposant à la Suède et à la Finlande de rejoindre l’OTAN pour gonfler encore plus les muscles.
Pourtant, ce qui est tristement ironique, c’est que Biden sait pertinemment que l’Ukraine n’est pas près de rejoindre l’OTAN. Même si depuis les années 90, l’Ukraine convoite la très bonne protection militaire qu’offrirait l’OTAN, son entrée et quasi-impossible. Non seulement accepter l’Ukraine à l’OTAN serait une véritable déclaration de guerre à la Russie, mais en plus, trois raisons empêchent son éligibilité.
Deux des plus grandes puissances militaires mondiales se cherchent en rallumant les braises de la Guerre Froide pour une histoire d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN qui n’arrivera probablement jamais.
La première est que contrairement à la Pologne, la République Tchèque ou la Hongrie, l’Ukraine a fait partie intégrante de l’Union soviétique, fondamentalement incompatible avec une alliance militaire occidentale. La seconde est que, selon l’article 5 du traité de l’OTAN, une attaque contre un membre est une attaque contre tous, sauf que très peu de pays signataires sont prêts à s’engager dans une guerre avec la Russie pour l’indépendance de l’Ukraine. Enfin, l’Ukraine ne remplit toujours pas aujourd’hui toutes les conditions nécessaires à l’adhésion de l’OTAN, car le pays doit montrer patte blanche, notamment au niveau de son niveau de démocratisation, de corruption et doit avoir son armée sous le contrôle du civil et enfin savoir s’intégrer aux armées étrangères des autres pays de l’OTAN.
En résumé deux des plus grandes puissances militaires mondiales se cherchent en rallumant les braises de la Guerre froide pour une histoire d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN qui n’arrivera probablement jamais. Tout va bien.
Alors si tous ces grands enfants s’amusent en se chamaillant avec leurs joujoux blindés, et leurs têtes d’ogives nucléaires, leurs soldats de plomb seront de chair et de sang. Comme l’histoire se répète, ceux qui trinqueront, ce seront eux, ces civils envoyés au front ou ces révolutionnaires ukrainiens d’à peine 16 ans qui seront bien déterminés à ne pas laisser leur pays se soumettre à une politique pro-russe.
Heureusement pour tous et toutes, aucun de ces dirigeants n’est motivé à envahir qui que ce soit en partant au front, ce qui coûterait très cher en perte humaine et économique pour chacun des camps. Il n’y a plus qu’à espérer que chacun garde la tête froide, pour ne s’en tenir qu’à une série de bluff et de menaces, et que la partie de poker s’achève bientôt.