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Trois incarcérations avant de retenir la leçon
Dans mon quartier, juste en bas de chez moi, il y a un grand réseau de stupéfiants. La tentation fut trop grande pour ne pas essayer de faire comme les autres. Mais, manque de pot… ça ne s’est pas passé comme prévu. Il y a eu des peines de prison.
Ce qui me motivait, c’était l’argent. Je gagnais à une vitesse… Quand je guettais, je touchais 3 000 euros par mois. Quand j’étais le dealer, 6 000. Quand j’ai géré, 10 000. J’économisais cet argent pour ma vie après le trafic, pour quitter le quartier au plus vite, commencer une nouvelle vie.
J’ai fait beaucoup d’erreurs dans mon passé, eu des mauvaises fréquentations… Je me suis mis à guetter assez simplement. Je connaissais les horaires du réseau de stupéfiants et celui qui gérait. Je suis allé le voir et il m’a donné son feu vert.
« Tu comptes te ranger ou continuer ? »
J’ai commencé à 15 ans. Puis, j’ai franchi les échelons. J’ai commencé à guetter pour être le dealer. Après, j’ai ramené la drogue au dealer, et j’ai fini par gérer le trafic.
Ma première peine de prison est venue à mes 18 ans. J’ai pris quinze mois ferme. J’ai fait treize mois et suis ressorti. Trois potes sont venus me chercher à la prison de Nanterre. Ils m’ont accompagné chez moi. Je suis resté un peu avec ma famille, puis on est parti manger. Un de mes potes venu me récupérer m’a demandé : « Tu comptes te ranger ou continuer ? » Lui-même participait au réseau. Vu mon jeune âge, il a réussi à entrer dans ma tête et, en moins d’une semaine, je gérais encore le trafic dans ma cité. Encore plus impliqué qu’à ma première incarcération !
Toujours dans le même environnement, sans aucun suivi
Quand je dis « plus impliqué » : je vivais trafic, je dormais trafic, pas le temps d’avoir une vie de couple. Les heures de trafic, c’était de 12 heures à 1 heure du matin. La tentation était si grande : 10 000 euros par mois à 19 ans, sans travail, sans diplôme, et toujours avec la même bande d’amis, ce n’est pas négligeable.
Par manque de vigilance, dix-huit mois après être sorti, je suis tombé pour la deuxième fois. Cette fois-ci, j’ai écopé de six ans et demi de prison. J’ai fait quatre ans ferme. Je suis ressorti à mes 24 ans. Ma petite amie est venue me chercher pour me déposer chez moi. Je suis revenu dans mon quartier, mes amis avaient pris de l’âge. Certains avaient pris le droit chemin avec le travail, d’autres avaient grandi dans l’illégalité et étaient passés au commerce à l’échelle internationale.
Lors de ma deuxième incarcération, je suis sorti avec un bracelet de fin de peine pour huit mois. Toujours dans le même environnement, avec les mêmes fréquentations et sans perspective d’avenir ni aucun suivi. Mes journées typiques étaient : je descendais voir mes amis et nos conversations tournaient toujours autour des activités illégales. Donc, en soi, le bracelet ne m’a pas calmé, c’était juste une pause.
L’avenir se trouve partout, mais pas en prison
Toujours en ayant les mêmes fréquentations, je me suis remis à faire comme eux. Et vint la troisième incarcération. Le déclic m’est venu pendant ces cinq ans. Je ne voulais pas passer toute ma vie à faire des aller-retour en prison. J’ai une vie à construire et je veux être un exemple pour les petits de chez moi. Je ne veux pas les voir prendre le même chemin. La prison, ce n’est pas une vie et, si tu n’es pas fort mentalement, ça détruit un homme, ça déchire des familles. L’avenir se trouve partout, mais pas en prison.
Trois mois après ma sortie, quand mon bracelet a été retiré, j’ai trouvé un appartement et j’ai pu emménager avec ma petite amie. Cela m’a permis de changer de quartier, de m’éloigner de mes anciennes fréquentations. J’y retourne pour voir mes parents et, par la même occasion, je vois les petits. Je n’hésite pas à leur faire des mini rappels : « La rue, la cité, le réseau, c’est pas un “avenir”. »
Junior, 28 ans, en recherche d’emploi, Seine-Saint-Denis.