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Toute la saga « Mon petit renne » pour ceux qui n’ont pas eu le temps de suivre
Ça fait maintenant un mois que la série britannique Mon petit renne est sur Netflix, mais tout le monde en parle encore. Les sept épisodes étaient disponibles depuis le 11 avril dernier, mais les rebondissements en temps réel n’en finissent plus de finir.
Basée sur une histoire vraie (en tout cas jusqu’ici), la « comédie » raconte l’histoire d’un jeune humoriste écossais pas spécialement drôle qui travaille comme barman à Londres pour subvenir à ses besoins. La vie de ce dernier bascule lorsqu’une cliente instable s’éprend de lui après qu’il lui ait offert une tasse de thé gratuite. Je dis bien « comédie » parce que je n’ai pas ri une seule fois. C’est bon, là… mais c’est pas exactement drôle.
Si Mon petit renne fait autant parler, c’est parce que les internautes ont (sans surprise) retrouvé la dame ayant inspiré la protagoniste au tempérament obsessionnel de la série et cette dernière a atterri sur la chaîne YouTube du commentateur britannique déchu Piers Morgan pour qualifier de tissu de mensonges le contenu de la série.
Que se passe-t-il ? Est-ce que Netflix se serait fait avoir par un fabulateur ? Voici ce qui se trame.
La version de Richard Gadd
Un détail qu’on doit comprendre à propos de Mon petit renne, c’est que les événements racontés sont arrivés à l’humoriste Richard Gadd, qui y interprète son propre rôle. En quelque sorte. Le personnage principal se nomme Donny Dunn et se veut une extrapolation de Gadd dans un univers fictionnel ? C’est pas clair. Anyway, la série est une adaptation de son one man show du même nom paru en 2019.
Il en assume pleinement le contenu ou, du moins, il en a l’air.
« C’est dramatisé, mais très autobiographique », a-t-il affirmé en interview, il y a quelques années.
Gadd affirme que Martha, la femme qui s’est mise à le traquer obsessivement après qu’il lui ait spontanément démontré de la gentillesse, lui a fait parvenir pas moins de (tenez-vous bien) : 41 071 mails, plus de 350 heures de messages vocaux, 106 pages de lettres, 744 tweets et 46 messages Facebook publiés via 4 comptes différents. Elle pouvait lui envoyer jusqu’à 80 mails par heure. C’est plus qu’un par minute, ça !
L’histoire ne dit cependant pas si Gadd possède encore tous les courriels qu’il a reçus (j’imagine que oui, ou, du moins, partiellement), mais Netflix en a certifié l’authenticité dans une publication Instagram.
Lorsqu’une histoire est présentée comme « basée sur des faits réels », la ligne entre lesdits faits et diverses libertés créatives est toujours un peu floue. Ça fait partie des charmes du concept. Normalement, je vous dirais qu’on s’en fout, du degré de vérité de Mon petit renne, saaaaaaauf que…
La version de Fiona Harvey
L’Internet étant ce qu’il est, quelqu’un, quelque part a cru qu’il ’était d’intérêt public de retrouver Fiona Harvey, la femme ayant inspiré le personnage de Martha. En quoi était-ce une bonne idée de traquer l’identité d’une traqueuse obsessive professionnelle ? C’est pas clair, mais les détectives du web ont réveillé quelque chose de malsain.
Harvey a tout d’abord donné une entrevue au tabloïd britannique The Daily Mail dans laquelle elle affirmait que c’était elle, la victime de l’obsession de Richard Gadd. Puis, le journaliste Neil Sears a écrit, une semaine plus tard, qu’il était lui-même devenu la cible du harcèlement de Fiona Harvey.
Malgré cette levée de drapeaux rouges, personne n’a cru bon de s’arrêter pour dire : « C’est peut-être dangereux, de donner de l’attention médiatique à cette personne. » Plutôt, la prochaine étape logique était vraisemblablement de l’inviter à donner sa version des faits sur la chaîne YouTube de l’animateur déchu Piers Morgan.
Bien sûr, Harvey nie en bloc le portrait que Baby Reindeer fait d’elle. Elle avoue cependant avoir rencontré Richard Gadd et trébuche plusieurs fois dans son récit.
Elle affirme d’entrée de jeu à Morgan que Mon petit renne est une fiction pour ensuite dire qu’il s’agit d’une hyperbole majeure de ce qui s’est réellement passé. Harvey jure ensuite qu’elle n’a jamais contacté Gadd en ligne… ou peut-être juste quelques fois. Elle chiffre leurs interactions à environ 18 tweets et 10 mails. Il est toutefois à noter ici que des tweets, ça s’efface.
Qui dit vrai ? Il n’y a qu’à creuser un peu pour trouver des patterns obsessionnels chez Fiona Harvey. La presse écossaise rapportait, aussitôt qu’en 2002, des échos d’une campagne de harcèlement menée contre un ancien employeur ayant mené à une ordonnance restrictive de la cour. La dame a clairement des problèmes et cette exploitation collective qu’on en fait pour notre divertissement ne va en aucun cas améliorer la situation.
Mon petit renne est une série où Richard Gadd raconte les ravages du harcèlement psychologique et sexuel qu’il a vécus. Il le fait à travers une dramatisation de sa propre expérience à propos de laquelle il est plus que transparent. C’est une série difficile à regarder, mais qui frappe l’imaginaire. Pourtant, le public s’entête à se concentrer sur l’agresseur et non sur la victime même si le message est très clair.
Ce fiasco médiatique en dit plus sur notre relation obsessive avec notre divertissement que sur Gadd ou, même, sur Harvey. Quand notre vie devient un produit de consommation, elle ne nous appartient plus. Âmes créatives, tenez-vous le pour dit.