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Tout ce que vous avez besoin de savoir sur l’exode vers Bluesky

Ce néo-Twitter pas si neuf a plusieurs attraits, mais son principal est de ne pas appartenir à Elon Musk.

Par
Benoît Lelièvre
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Tout ça a commencé le 27 octobre 2022, quand l’homme le plus riche au monde Elon Musk est entré dans les bureaux de Twitter armé d’un évier en s’exclamant : « Let that sink in! » (2/10 pour le jeu de mots).

Il venait de débourser 44 milliards de dollars pour faire l’acquisition du réseau social dont il n’avait pas vraiment besoin, mais c’est le genre de chose qu’on peut se permettre quand on a de l’argent. Trop d’argent.

Elon était en désaccord avec la façon dont l’ancien propriétaire Jack Dorsey gérait son entreprise. Pour lui, bannir les utilisateurs au discours haineux constitue une forme de fascisme et une atteinte à la liberté d’expression.

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Les utilisateurs non nazis de X ont alors fait ce que ton amie qui passe l’entièreté du brunch du dimanche à râler sur son mec qui laisse sa vaisselle sale traîner dans l’évier jusqu’à Noël et pense que « cunnilingus » est une sorte de nuage : ils ont dit qu’ils allaient partir et ne l’ont absolument jamais fait.

Mais voilà que depuis le 6 novembre dernier, plus d’un million de personnes ont rejoint le RÉSEAU SOCIAL Bluesky.

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Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi maintenant ? Et surtout, c’est quoi Bluesky ?

L’utopie de Jack Dorsey

Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, Bluesky n’est pas du tout un nouveau réseau social. Il existe techniquement depuis 2019, mais il n’est disponible au grand public que depuis le 6 février dernier. Auparavant, il fallait y être invité.

Bluesky, c’est l’invention de Jack Dorsey, soit l’ancien patron de Twitter, qui souhaitait s’éloigner des modèles d’incitatifs rigides de son premier bébé. Pour avoir du succès sur Twitter, il suffisait de juger tout et tout le monde en une ligne et l’entrepreneur souhaitait offrir une plateforme plus divertissante pour le commun des mortels. Bluesky, c’est une plateforme décentralisée et depuis 2022, c’est aussi une public benefit corporation. On n’a pour l’instant pas d’entreprise qui épouse ce modèle au Canada (sauf en Colombie-Britannique), mais en gros, c’est un engagement corporatif à essayer d’améliorer la société au lieu de juste empiler du cash.

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Dans l’optique de se démarquer de la compétition et d’être en alignement avec ses valeurs d’inclusion, Dorsey a engagé comme PDG Jay Garber, une jeune ingénieure informatique de 33 ans. D’ailleurs, sachez que Lantian, le nom de baptême de celle-ci, signifie « ciel bleu » en mandarin.

En gros, Bluesky, c’est l’équivalent informatique de laisser la Terre aux barbares (Twitter/X) et de déménager sur une nouvelle planète pour essayer de recommencer à mieux vivre ensemble, sans abuser de nos ressources ou même de l’un, l’autre.

Est-ce une utopie ? Un peu. Depuis sa création, la plateforme avait des airs de cimetière.

On pouvait y crier toute la journée sans que personne ne nous entende, ce qui avait mené la plupart de ses utilisateurs à délaisser leur compte.

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Sauf que sur le web, les choses peuvent rapidement changer. Les mouvements de foule sont soudains et passionnels. Rappelez-vous la naissance de Threads, l’an dernier, alors que Twitter éprouvait des problèmes techniques. En 12 heures à peine, 25 millions d’adeptes s’y étaient inscrits avant que le réseau ne bascule dans l’oubli. Les gens voulaient juste un espace pour passer le temps en attendant que Twitter se remette en marche.

L’exode de masse vers Bluesky a commencé cette semaine alors que le quotidien anglais The Guardian a annoncé la fermeture de son compte X, déménageant leurs activités vers des cieux plus cléments. Puis, comme vos collègues introvertis qui attendent juste un premier départ pour quitter un afterwork profondément emmerdant sans avoir l’air trop bête, les autres utilisateurs de X ont suivi la parade.

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Pourquoi est-ce que ça pourrait être différent ce coup-ci

Le 5 novembre dernier, les États-Unis ont décidé que tout le monde devait entrer dans la DeLorean de l’extrême droite et de réélire Trump, un homme qui a été reconnu coupable d’agression sexuelle, de fraude, d’avoir fomenté un coup d’État et qui fantasme ouvertement avec l’idée de devenir un dictateur, aux côtés de qui on retrouve l’ex de Grimes.

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Les gens qui n’étaient pas d’accord avec le triomphe idéologique du technocrate sud-africain ont pris leurs valises, direction Bluesky. Et contrairement à l’éclosion de Threads l’an dernier, plusieurs personnalités publiques se sont fait un devoir de rendre cette transition publique et délibérée. Depuis l’annonce du résultat des élections de nos voisins, on voit apparaître sur les différents fils sociaux de vos personnalités publiques préférées l’annonce de la création de comptes Bluesky. On y retrouve, entre autres, Lizzo, Flavor Flav, John Cusack et Guillermo Del Toro.

Au Québec, on retrouve des personnalités comme l’ancien power user de Twitter Guy A. Lepage et l’autrice India Desjardins.

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Au-delà du différend idéologique, les exilés y recherchent une meilleure modération et un espace où échanger sans être antagonisé, un problème qui gagne en importance sur toutes les autres plateformes.

Remarque, c’est sans doute pour ça que c’est plus tranquille. L’utopie de Jack Dorsey est-elle vouée à l’échec comme toutes les autres tentatives d’ébranler le monopole des géants du web? Maintenant que Donald Trump a récupéré les clés de la Maison-Blanche comme une personne bannie d’Airbnb qui s’est créé un nouveau compte avec un nouveau courriel et qu’il en fera bénéficier son pote Elon dans un tout nouveau poste responsable d’éliminer les dépenses superflues du gouvernement, on se doute que la fanfaronnade risque de continuer et la grogne aussi.

Mais pour l’instant, le ciel semble vraiment bleu pour Bluesky.

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