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Tote bag, Birkenstock et Mona Chollet : anatomie du performative male

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Depuis plusieurs mois, il est devenu bien difficile d’échapper aux reels qui tournent en dérision la figure du performative male, tant et si bien que se moquer des performative male est devenu un vrai move de performative male. Tu ne sais pas ce que ça veut dire, tu viens de lire cette expression quatre fois et tu commences à te sentir un peu exclu·e ? Pas de panique, on t’explique tout.

Le performative male désigne un jeune homme, généralement dans sa vingtaine ou trentaine, urbain et allié féministe BEAUCOUP TROP revendiqué. Voire féministe autoproclamé pour les plus hardcore. Il est de gauche, hétérocurieux et se trimballe volontiers avec un essai de bell hooks dans la poche arrière du jean (très large pour casser les codes de genre). D’où son nom : performative male – en français, le mec qui performe. Qui surjoue son engagement, sa “déconstruction” et son intérêt pour les luttes féministes afin de se faire bien voir de la gent féminine, et pourquoi pas baiser. Il s’appesantit d’ailleurs énormément sur l’importance du consentement, même s’il lui arrive régulièrement de sortir sans capotes.

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Le performative male en fait des caisses. Il tient absolument à te signifier qu’il va voir un·e psy pour réfléchir à sa condition de dominant et désapprendre les attitudes toxiques que cette société patriarcale lui a inculquées. Dès le premier date, il t’explique par A+B pourquoi tu ne risques rien avec lui, et il fronce les sourcils en signe de compassion quand tu lui décris ton syndrome prémenstruel. Bonus : il te parle du cycle de son ex, qu’il connaissait par cœur.

Le performative male a un dress code bien précis. Les vidéos virales ne mentent pas : le gars s’habille vraiment comme ça. Tote bag (d’un festival ou d’une expo), Birkenstock ou Paraboots, mousqueton dans le passant du futal ou petite chaîne, moustache pour les plus testostéronés, tatouages aléatoires, cuir vintage, bagues en argent sur plusieurs doigts (parfois du vernis) et, selon sa sensibilité, lunettes de soleil Oakley ou Prada vintage. Le performative male lave ses draps chaque semaine, change de slip tous les jours et nettoie régulièrement sa salle de bain, et pour ça, on lui dit bravo.

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L’origine de l’expression est difficile à dater, mais le site de référence Know Your Meme nous donne quelques clés. La première vidéo virale sur le sujet daterait de septembre 2022 : on y voit un trentenaire s’autoproclamer ironiquement “homme féministe”, avec le hashtag #performative. La trend a commencé doucement, avant d’éclater deux ans plus tard avec un tweet aux 4,6 millions de vues : “You can always tell when a man’s mustache is performative and not representative of his true spirit.” En français : “Lorsqu’une moustache est performative et pas réellement représentative de l’esprit d’un homme, ça se voit.

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Et puis cet été, la machine s’est emballée. Les algos Instagram et TikTok se sont remplis de sketchs satiriques sur cette figure ridicule, jusqu’aux archi viraux concours de “best performative males” à New York, au cours desquels de jeunes hommes défilaient avec la panoplie complète (parfois agrémentée d’une guitare sèche ou d’un skate) dans l’optique de décrocher le précieux trophée du blaireau le plus caricatural.

L’état de mes investigations sur le sujet ne m’a pas encore permis de savoir si le performative male est sincère ou s’il adopte une attitude et un style uniquement pour baiser. Je dirais que c’est un peu des deux : après MeToo, il a découvert avec stupeur que les hommes violaient et que Tarantino, c’était pas si bien. Alors il a jeté un œil sur Mona Chollet et il est allé en manif NousToutes. Il a appris à laisser parler un peu plus les femmes autour de lui, et il a réalisé que la plupart avaient besoin de stimulation clitoridienne pour prendre du plaisir.

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Seulement voilà. Cette étape passée, le performative male s’est senti pousser des ailes, et donc au même niveau de connaissances qu’une féministe érudite ou qu’une militante de terrain aguerrie. Aujourd’hui, il n’hésite pas à apporter son petit grain de sel dans la conversation pour montrer qu’il est comme nous et qu’il ne nous fera jamais de mal. Le féminisme est une corde de plus à son arc et un élément supplémentaire de son capital symbolique. Dans le meilleur des cas, il met la féministe hétéro dans son lit. Dans le pire, il continue à tâter le terrain pour retenter une prochaine fois.

J’entends déjà certains s’émouvoir : eh bah alors, vous êtes jamais contentes ! C’est vrai qu’on l’est rarement en système patriarcal. On est tout de même un peu moins agacées quand l’intérêt pour la cause féministe n’est pas performatif. Quand vous savez rester à votre place et écouter. Quand vous avez autant de livres écrits par des autrices que par des auteurs dans votre bibliothèque et autant de films réalisés par des femmes que par des hommes dans votre Letterboxd. Quand vous ne vous appropriez pas des codes queer. Quand vous ne nous sortez pas que “la monogamie est un concept bourgeois et hétéropatriarcal” pour mieux nous tromper. Quand vous n’utilisez pas le prétexte de la libération sexuelle pour baiser toute la ville sans protection. Quand vous êtes des hommes décents, tout simplement. On ne vous demande pas grand-chose, si ce n’est de raser ce vilain mulet.

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