« Je déclare Tire-toi une bûche officiellement ouvert ! », scandaient en cœur Alex Streicher, Augustin Richard et Gaëtan Sanchez devant le 71, rue Bugeaud, dans le 6e arrondissement de Lyon, le 10 novembre dernier.
Du même souffle, les trois jeunes trentenaires découpaient le traditionnel ruban rouge avec émotion, marquant ainsi l’inauguration de leur tout nouveau bar à jeux, un projet auquel ils rêvaient depuis plus de trois ans.
Étant amie avec Alex depuis l’enfance, j’étais extrêmement fière et émue d’assister à ce grand moment. Il faut dire que j’avais fait le trajet Montréal-Lyon pour y être, c’est pas rien !
Tire-toi une bûche, cuisine et bar à jeux
Printemps 2018. Alex, qui a grandi au Québec, est établi en France depuis 12 ans et y travaille comme comédien. Gaëtan est neuroscientifique et Augustin travaille dans le domaine informatique. Si tout semble opposer professionnellement les trois amis, une passion les lie pourtant : les jeux de société.
Un jour, après leur partie de squash hebdomadaire, Augustin pose une question classique à Alex : « Si tu devais arrêter d’être comédien et de travailler en théâtre, tu ferais quoi ? » « Je pense que je ferais quelque chose en lien avec les jeux de société », lui répond naïvement Alex.
« Étant québécois, j’ai tout de suite pensé à l’expression “Tire-toi une bûche”, qui est tellement représentative de cette idée d’inclusion, de convivialité et de rencontre. »
« Ça a manifestement trotté dans la tête d’Augustin tout l’été parce qu’à la fin août, il m’a écrit un mail en disant “Hey! Et si on ouvrait un bar à jeux ?”, en mettant notre ami Gaëtan dans la boucle », m’explique Alex, également formé en cuisine et fils de restaurateur. « Au début, c’était un peu une blague, on en parlait un peu en l’air, mais plus ça avançait, plus on se rendait compte que ça nous faisait tripper. »
Les trois complices décident donc de se donner rendez-vous tous les mardis soirs pour jouer à des jeux, boire des coups et parler du projet. « Au fil des mois, on a réalisé qu’on s’entendait vraiment bien, qu’on avait une vision commune et qu’on avait envie de plonger », raconte Alex.
En avril 2019, le trio décide d’aller passer trois jours dans les Cévennes, dans une petite cabane en bois. Le but de ce week-end : poser les bases de son projet et trouver un nom pour son futur bar. « Il y a quelque chose qui nous parlait autour de l’idée du feu de foyer, du feu de camp en camping, du lieu de rassemblement, de la convivialité, se remémore le comédien de formation. Gaëtan a naturellement lancé l’idée de la bûche. Et moi, étant québécois, j’ai tout de suite pensé à l’expression “Tire-toi une bûche” (ndlr: oui, vous devez cliquer ici pour comprendre), qui est tellement représentative de cette idée d’inclusion, de convivialité et de rencontre. »
Une recherche de local ardue, un bébé pour Augustin, des remises en question, plusieurs défis financiers et une pandémie plus tard, Tire-toi une bûche, cuisine et bar à jeux voit enfin le jour.
Le jeu comme brise-glace
Novembre 2021. C’est soir de fête chez Tire-toi une bûche, qui souligne enfin son ouverture officielle après un mois de soft opening. Le lieu est plein à craquer, les gens mangent, boivent, rient. L’ambiance est chaleureuse et conviviale.
Je me promène dans les 300 mètres carrés sur trois étages qui constituent le magnifique local. Au rez-de-chaussée, un grand bar domine la salle. Aux étages, des tables et des canapés pour jouer, boire des verres et se faire de nouveaux amis. Au sous-sol, des salles de défis de type escape game qui donnent envie de se prendre pour James Bond. C’est moi qui vous le dis.
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« On voit vraiment le jeu de société comme un vecteur de rencontres, un brise-glace exceptionnel, raconte Gaëtan, tout sourire. Vous pouvez venir ici en groupe pour jouer à des jeux, mais vous pouvez aussi venir à deux et nous indiquer que vous souhaitez rencontrer de nouvelles personnes. Et tout d’un coup, vous voilà quatre ou six autour d’un jeu d’ambiance, qui provoque automatiquement la rencontre et facilite les liens sociaux. »
« En général, les gens haïssent lire les règlements des jeux. […] C’est là qu’on intervient ! »
Pour ce faire, les trois compères proposent plus de 200 jeux ainsi qu’un service d’animation personnalisée. « En général, les gens haïssent lire les règlements des jeux, toi la première », affirme Alex, moqueur (preuve qu’il me connait très bien). « Et tu le sais, il y a beaucoup de personnes qui ont un préjugé défavorable envers les jeux, qui pensent que ce n’est pas pour elles. Même si on assiste à un renouveau des jeux de société depuis quelques années, encore beaucoup de gens en ont une image très geek, ou alors une vision qui se limite aux (maudites) parties de Monopoly interminables. »
Afin de redorer l’image des jeux et proposer l’ambiance la plus inclusive possible, des animatrices et animateurs sont présents tout au long de la soirée pour faire découvrir, proposer et expliquer les jeux, pour 4 euros par personne. « C’est un vrai service qu’on offre », explique Augustin, qui travaille au service ce soir-là. « Ce n’est pas un serveur qui explique les règles de tel ou tel jeu s’il a le temps entre deux pintes. On a des gens qui sont affectés à ça. C’est très important pour nous. »
« Ici, les gens retombent en enfance. »
Pendant ce temps au sous-sol, Gaëtan assure la gestion des salles de défis, qui consistent à réaliser le score le plus élevé possible contre les autres client.e.s de la soirée. « Notre but, c’est d’offrir une expérience complète. On peut bien manger, boire, jouer avec ses amis, et descendre dans les salles de défis (payantes) pour s’activer », m’explique-t-il après avoir réceptionné une équipe essoufflée et hilare au sortir de la fameuse « salle des lasers ». « Il n’y a rien que j’aime plus que de voir les gens sortir des salles de défis complètement énergisés, emballés. Surtout ceux qui n’étaient pas sûrs au d ébut. Ici, les gens retombent en enfance. »
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Selon Gaëtan, le jeu a un pouvoir rassembleur incroyable : celui de ramener en enfance. « Si tu es capable de trouver LE jeu qui convient aux gens, c’est tellement agréable de les voir s’investir, être emballés, même crier dans le bar », raconte-t-il, ajoutant que leur sélection contient majoritairement des jeux d’ambiance qui favorisent la rencontre.
Ceci dit, personne n’est obligé de jouer ni de participer aux salles de défis, puisque Tire-toi une bûche est également un bar. « Mais on remarque que quand les gens viennent juste pour boire un verre et qu’ils voient les autres jouer et s’amuser, ce n’est pas rare qu’ils se laissent aussi prendre au jeu », indique Augustin.
À la carte
Si Tire-toi une bûche est un bar à jeu unique en son genre à Lyon, proposant à la fois un service d’animation et des salles de défis, le menu est un élément central du concept. Alex, formé chez Paul Bocuse et fils d’un couple de restaurateurs montréalais d’origine française, tenait à ce qu’on mange bien en ses murs. « On n’avait pas envie de proposer des planches de charcuterie et des frites comme tout le monde, explique le jeune entrepreneur. On a été chercher un chef prometteur, Morgan de Polignac, pour diriger la cuisine. Il faut voir son Instagram, il est incroyable. »
Le midi, l’établissement accueille donc les gens du quartier pour le lunch, avec une carte qui change quotidiennement et au fil des saisons. En soirée, on propose des plats à partager servis dans de petits bols. « Le soir, les gens jouent, alors on ne voulait pas que les assiettes prennent toute la place sur les tables », explique Alex, en précisant que tout est fait maison et majoritairement à partir de produits locaux et bio. « Nos bières et nos soft drinks sont 100 % locaux, aussi » ajoute-t-il fièrement.
« On sert un pulled pork et un mac and cheese, qui me rappellent les bars de Montréal. On a également remplacé le sucre de notre whisky sour par du sirop d’érable. »
Et la place du Québec dans tout ça ? Le bar s’appelle Tire-toi une bûche, après tout. « C’est plutôt des clins d’œil je dirais, affirme le Montréalais d’origine et de cœur. Récemment, on avait un brie rôti à la carte, on y a ajouté du sirop d’érable et des canneberges. Le soir, on sert aussi un pulled pork et un mac and cheese, qui me rappellent les bars de Montréal. On a également remplacé le sucre de notre whisky sour par du sirop d’érable. »
La carte des cocktails, testée et approuvée par moi-même lors de mon séjour à Lyon, a été élaborée de main de maître par Marine, étudiante au prestigieux Institut Paul-Bocuse, une école de management des métiers de l’hôtellerie, de la restauration gastronomique et des arts culinaires située à Écully dans le Grand Lyon. Pour la petite histoire, Marine est également la sœur d’Alex. Vous dire mon bonheur de la retrouver derrière les fûts, armée de son shaker de mixologue.
Si le Québec s’invite sur le menu avec parcimonie, la Belle Province est également présente dans la bibliothèque de jeux. « On a de super jeux québécois à proposer, dont certains en exclusivité », mentionne Alex, heureux de pouvoir les faire découvrir aux Lyonnais.
Bien que Tire-toi une bûche en soit à ses premiers mois d’existence, la dynamique équipe d’entrepreneurs souhaite devenir une référence à Lyon, tant sur le plan de la cuisine que des cocktails et du jeu de société. « Parfois, j’entend des gens qui disent : “J’aime pas les jeux.” Mais c’est très rare qu’on entende quelqu’un dire : “J’aime pas les films”, remarque Alex. On veut contribuer à la démocratisation du jeu et lui redonner ses lettres de noblesse, toujours dans le but de se rassembler, de se rencontrer et de créer des liens humains. »
On ne peut plus pertinent au sortir d’une pandémie mondiale !