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La tendance est au bien-être, pour le meilleur et pour le pire. De nos jours, avouons-le, le bien-être et le self-care ont le dos large. Si bien qu’on est maintenant rendus à l’autre extrême, à culpabiliser et faire de l’anxiété parce qu’on n’est pas assez heureux.
À force de voir des gens flamber des milliers de dollars en formations de toute sorte pour développer une spiritualité mise en scène et partagée sur Instagram à coup de #gratitude, je suis devenue critique, voir sceptique de tout ce qui concerne le fameux wellness.
C’est pourquoi quand Gwyneth Paltrow a annoncé sa série documentaire The Goop Lab, ma face ressemblait à ça :
L’entreprise Goop
Fondée il y a plusieurs années par Paltrow elle-même, l’entreprise Goop a pour mission d’encourager les gens à prendre de saines habitudes de vie. Là où ça se corse, c’est qu’elle est aussi célèbre pour de multiples scandales liés à de fausses vérités que sa compagnie aurait répandues ou vendues à gros prix.
On se souviendra de l’oeuf de jade qui aidait supposément les femmes à avoir une meilleure « énergie féminine » dans tous les sens du terme (a.k.a. de meilleurs orgasmes) si elles se l’inséraient dans le vagin.
On se souviendra de l’oeuf de jade qui aidait supposément les femmes à avoir une meilleure « énergie féminine » dans tous les sens du terme (a.k.a. de meilleurs orgasmes) si elles se l’inséraient dans le vagin. Cette pierre de jade se détaillait à 66$. Les gynécologues sont rapidement intervenus pour dire que cette théorie était sans fondement. Résultat, Goop a dû payer 143 000$ d’amende.
Une démarche qui semble louable
Du coup, j’ai écouté quelques épisodes du Goop Lab pour me faire une idée. Comme son nom l’indique, la série est un laboratoire. Gwyneth et ses employés se prêtent à 1001 expériences parfois communes, parfois saugrenues, et nous donnent leurs impressions. Tout ça entrecoupé, bien sûr, d’entrevues avec des experts sur le sujet.
Je ne serais pas prête à appeler ça une « série documentaire ». C’est produit par Goop et Gwyneth Paltrow elle-même, et les découvertes qu’ils y font s’inscrivent un peu trop bien dans la philosophie bien-être new age de l’entreprise.
Plusieurs médecins et spécialistes à travers le monde émettent toutefois un bémol sur ce que la série propose comme traitements alternatifs : ce sont des sujets complexes explorés en 30 minutes qui ne prennent pas le temps de mentionner les risques de certaines thérapies. Aussi, je ne serais pas prête à appeler ça une « série documentaire ». C’est produit par Goop et Gwyneth Paltrow elle-même, et les « découvertes » qu’on y fait s’inscrivent un peu trop bien dans la philosophie de bien-être new age de l’entreprise.
Les thèmes explorés sont souvent intéressants, voire même utiles et positifs pour la société. Mention spéciale à l’émission sur le plaisir féminin qui tente de déconstruire plusieurs mythes liés à la sexualité féminine tout en véhiculant une image positive de TOUS les sexes féminins #vulvapositivity.
Le culte de la jeunesse
Il y a un toutefois un sous-texte qui m’a beaucoup dérangé dans l’épisode sur la vieillesse. Dans celui-ci, Gwyneth et ses acolytes font un test pour savoir si leur âge biologique correspond à leur âge chronologique. Le message de l’épisode est que pour vieillir sainement, mieux vaut prendre soin de son intérieur autant que de son extérieur. La jeunesse, ça passe aussi par ce qu’on mange.
Le médecin-chercheur interviewé croit que la nourriture devrait être prise plus au sérieux par le corps médical. Il avance qu’une saine alimentation peut ralentir le processus de vieillissement intérieur et extérieur du corps. Les femmes essaient trois diètes : une qui s’apparente au jeûne pendant cinq jours, une diète végane pendant 21 jours et une diète à base de poisson (mais sans produits laitiers, donc v égane + poisson) pendant 21 jours.
Le médecin prend même le temps de mettre les gens en garde contre les fameux jeûnes en disant qu’il faut éviter d’en faire trop pour trop longtemps et continuer d’ingérer un minimum de nutriments. Sinon, on perd les bienfaits et on diminue nos fonctions métaboliques à long terme.
Une partie de moi a vraiment hâte que les influenceurs wellness qui vendent des jeûnes et des diètes de jus détoxifiant écoutent cet épisode.
Le problème de l’épisode
On perpétue la croyance qui dit que vieillir sainement c’est surtout vieillir en beauté. Pourquoi est-ce qu’il faut avoir l’air jeune?
Puis pour travailler leur extérieur, les femmes subissent plusieurs interventions comme de l’acupuncture faciale et des chirurgies minimes. Là, j’en arrive au malaise. Au début, on a un message relativement sain, puis paf!, on tombe dans la superficialité. On perpétue la croyance qui dit que vieillir sainement c’est surtout vieillir en beauté. Pourquoi est-ce qu’il faut avoir l’air jeune? Pourquoi faut-il encore encourager les femmes à subir des traitements excessivement coûteux pour qu’elles maintiennent leur visage de 45 ans?
Ironiquement, tout au long de l’épisode, les trois femmes passent leur temps à dire qu’elles sont contre le botox et la chirurgie plastique. Mais un facial de vampire – un genre de microdermabrasion à base de ton propre sang – ça passe ?
Des solutions pour les privilégiés et du whitewashing
L’autre problème avec le Goop Lab, c’est que ce sont des expériences qui peuvent uniquement être vécues ou essayées par des gens financièrement privilégiés. Le prix d’un facial de vampire? Autour de 1000$ par traitement! Plusieurs critiques sur internet ont aussi accusé la série de faire du whitewashing avec des savoirs qui existent dans d’autres cultures depuis des lustres.
Par exemple, dans le premier épisode, ils vont faire une thérapie de groupe pour guérir des traumatismes. Cette thérapie à base de champignons magiques a lieu dans un décor enchanteur en Jamaïque. Là où on me perd, c’est quand on parle de retraites spirituelles qui promeuvent des « savoirs anciens » tenus par des Américains blancs. Je ne dis pas qu’ils ont tout faux, je dis simplement que j’ai un petit malaise avec ce genre de néocolonialisme.
À consommer avec un oeil critique
Est-ce que Goop Lab vaut la peine d’être regardé? Il y a quand même quelques bonnes idées qui valent la peine d’être au centre d’une discussion sociale. Cela dit, à mon avis, il faut faire preuve de beaucoup de sens critique et faire attention de ne pas tout gober le contenu sans le remettre en question. Après tout, même le New York Times affirme qu’il s’agit d’une propagande de six épisodes pour l’entreprise Goop.