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The Boys: entre super héros explosifs et réflexions profondes

À ne pas confondre avec LES Boys.

Par
Benoît Lelièvre
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Fut une époque où costumes moulants et super pouvoirs n’avaient pas la cote auprès des douze ans et plus. À l’époque, on kiffait les acteurs plus que sur les concepts. Si Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger ou Sylvester Stallone étaient à l’affiche, tout le monde était au rendez-vous. Peu importe si le film était à propos de mercenaires qui combattent des extra-terrestres ou d’un gars qui fraude l’impôt.

On ne dit pas que c’était pas mieux ou pire qu’aujourd’hui. C’était juste différent.

Bien sûr, l’omniprésence culturelle des super héros au XXIe siècle s’explique. La génération qui a grandi avec les Batman, Spider-Man, Thor et Captain America de ce monde, c’est nous. C’est donc normal de les avoir pris plus au sérieux et d’avoir été plus réceptif aux adaptations hollywoodiennes.

La génération qui a grandi avec les Batman, Spider-Man, Thor et Captain America de ce monde, c’est nous. C’est donc normal de les avoir pris plus au sérieux.

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Depuis bientôt une décennie, les films de super héros sont en quelque sorte la norme. Lorsqu’on dit «culture populaire», les Avengers c’est souvent le genre de film qui nous vient en tête, tout dépendant de la place qu’occupe Star Wars dans vos préoccupations quotidiennes. Ce qui était au départ le travail de créatifs passionnés est devenu un monolithe hyperprofitable qui accapare une industrie tout entière.

Ce n’est plus cool d’aimer les super héros, c’est la norme. Ça ne vous rend pas plus spécial de les détester ou les boycotter non plus. Tout le monde a le droit d’avoir une opinion sur un phénomène culturel de masse. On est plus là. On ne se débarrassera pas de Marvel, DC Comics et compagnie plus vite que vous vous planifiez vous débarrasser de votre vieux t-shirt de Metallica avec des tâches de Nutella sur le col, qui date du tournant du siècle.

La série The Boys (de retour sur Prime Video) vous propose de déchirer ce vieux t-shirt et d’en faire des guenilles. Vous ne verrez plus jamais vos personnages préférés de la même façon et vous n’aurez plus jamais les mêmes conversations à leur sujet.

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Super héros et mortalité

Une série comme The Boys était inévitable.

L’idée derrière est simple: Hughie Campbell (interprété par Jack Quaid) est un nerd sans histoire qui travaille dans un magasin d’électroniques et qui sort avec probablement la femme de sa vie (Jess Salgueiro) jusqu’au jour où… elle se fait accidentellement exploser par A-Train (Jessie T. Usher), une version bon marché de Flash Gordon. Il la bouscule à une vitesse tellement grande qu’il la pulvérise, laissant le pauvre Hughie avec les mains de sa douce comme seul souvenir.

La relation entre super héros et humain normaux est, par convention, un peu floue.

Déjà là, on a quelque chose de nouveau. La relation entre super héros et humain normaux est, par convention, un peu floue. Ils protègent un monde «pur et innocent» de la dictature du mal, ce qui entraîne invariablement des bagarres épiques qui doivent tuer des innocents qu’on ne voit bien sûr jamais. Les êtres humains représentent une idée pour eux et non pas une réalité. Rares sont les films et séries où les gens normaux ont des noms, des désirs (autres que de leur plaire ou leur être utiles) et des histoires qui n’impliquent pas directement leurs sauveurs en lycra. Hughie n’en avait rien à foutre d’A-Train avant qu’il ne transforme sa blonde en confettis organiques.

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Terrassés par la tragédie, les avocats du conglomérat de super héros The 7 (dont A-Train fait partie) lui offrent 45 000$ en guise de dommages et intérêts afin de dégager leur client de quelconque responsabilité dans l’affaire. Cependant, l’ancien agent de la CIA Billy Butcher (joué par le toujours excellent Karl Urban) arrive avec une proposition pas mal plus séduisante: prendre responsabilité de ce qui lui arrive et se venger d’A-Train.

Vous l’avez surement déjà compris, The Boys c’est le genre de série où des gens complètement relativement normaux assassinent des super héros en leur insérant des bombes dans différents orifices…. mais c’est aussi beaucoup plus que ça!

Pouvoir et éthique

Ce qui rend The Boys si efficace et savoureuse, c’est son questionnement sur la place des super héros dans un monde qui n’est pas uniquement conçu pour eux. Peut-on vraiment vivre avec quelqu’un qui peut nous faire exploser à tout moment sans jamais en subir les conséquences? La réponse des créateurs Garth Ennis (idéateur et écrivain de la bédé sur laquelle The Boys est basée) et Erik Kripke est sans équivoque: PAS DU TOUT.

Pour Homelander, un grand pouvoir n’entraîne pas nécessairement de grandes responsabilités, mais plutôt d’excellentes occasions d’affaires.

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Le meneur de The 7, un croisement entre Super Man et Captain America nommé Homelander, a fait de ses pouvoirs un métier… mais il a incorporé ses collègues et monnaie savamment ses interventions. Il n’est pas du tout intéressé à faire la bonne chose s’il ne trouve pas de compensation monétaire appropriée au bout de la ligne. Pour Homelander, un grand pouvoir n’entraîne pas nécessairement de grandes responsabilités, mais plutôt d’excellentes occasions d’affaires.

Vous me direz que c’est pas un problème. Que ce qu’il fait de son corps ne le regarde que lui. Oui, sauf que…

Lorsqu’on offre une puissance paramilitaire illimitée au plus offrant, les considérations morales prennent le bord et les pauvres gens qui se trouvent dans leur chemin (comme le pauvre Hughie et ce qui reste de sa blonde) sont laissés à eux-mêmes. Le cocktail toxique de célébrité et politique que représentent Homelander et ses collègues reflètent non seulement l’impossibilité d’utiliser autant de pouvoir de manière éthique, mais aussi une problématique qui nous est malheureusement très familière depuis novembre 2016.

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Maîtriser la base

Si un tel niveau de réflexion est possible dans une série comme The Boys, c’est parce qu’elle maîtrise la base.

Elle nous offre non seulement des personnages intéressants, mais qui évoluent de façon dynamique et transcendent les clichés du genre. Le jeune geek au coeur tendre Hughie s’endurcit et prend sa place au fil des épisodes. Le dur à cuire Billy Butcher révèle les raisons derrière sa quête de vengeance et une vulnérabilité atypique pour son type de personnage. C’est pas un doux qui s’ignore, mais pas la brute sanguinaire qu’il semble d’abord être.

Pour qu’une histoire soit intéressante, elle doit raconter un changement psychologique important chez ses personnages. C’est ce qui manque souvent aux films de super héros et ce que The Boys fait si bien.

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Une chose est sûre, que vous écoutiez la télé pour réfléchir ou pour distraire, The Boys a quelque chose à vous offrir et vous avez maintenant deux saisons à vous mettre sous la dent!