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Sylvester Stallone : du rêve américain aux plaisirs pop corn

Le documentaire « Sly » présente le succès comme une tempête à travers laquelle naviguer.

Par
Benoît Lelièvre
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J’aime les films de Sylvester Stallone.

Mes raisons ne sont pas nécessairement toutes artistiques ou même rationnelles, mais la carrière du teigneux septuagénaire New Yorkais parle néanmoins d’elle-même. Sans jamais être le plus beau, le plus charismatique ou même le plus talentueux de sa profession, Sylvester Stallone a réussi à devenir une icône. Tout le monde sait qui il est. Même ceux qui n’ont jamais vu ses films. Et, même s’il ne risque pas d’emporter de prix d’interprétation, plusieurs autres acteurs oscarisés n’auront jamais la reconnaissance culturelle dont il bénéficie aujourd’hui.

Objectivement, on ne peut pas le qualifier de grand interprète et, à part pour quelques exceptions (le premier Rocky, Cops Land), c’est difficile d’affirmer sans avoir l’air complètement con qu’il fait du cinéma de qualité supérieure. Les films de Sylvester Stallone font partie de ce que j’appelle « les plaisirs pop corn », qui sont conçus pour provoquer un plaisir viscéral, immédiat et avec toute la profondeur philosophique d’un trio MacPoulet.

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Sauf que personne n’oublie les films de Stallone. Dans ma vie, j’ai regardé des centaines de films d’action à propos desquels j’ai tout oublié, mais je peux reproduire dans les moindres détails des scènes entières de Rocky, Rambo, Cobra, Over The Top, Demolition Man et autres. Pourquoi donc les films de Sylvester Stallone sont-ils si uniques et mémorables ? C’est la question qu’il s’est lui-même posée dans le documentaire Sly, disponible sur Netflix depuis une semaine.

Le prochain Robert De Niro (ou pas)

Un des souvenirs ensevelis les plus fascinants soulevés par Sly est la réaction populaire et médiatique au succès de Rocky. Pour ceux et celles qui l’ignorent, Rocky est presqu’immédiatement devenu un phénomène culturel dès sa sortie, en 1976. Il a fait plus de 200 fois son budget au box office et récolté trois Oscars, dont celui du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur montage. Stallone, lui, s’est vu mettre en nomination pour les statuettes de meilleur interprète masculin et de meilleur scénario.

Il est devenu, du jour au lendemain, “le” nom à Hollywood.

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C’est le genre de validation consensuelle que tout le monde souhaite recevoir dans sa vie. Passer d’inconnu à celui qu’on appelle « le prochain De Niro », c’est le rêve américain pour tous les jeunes acteurs. Sauf que cette reconnaissance vient avec une pression et des attentes qui nous dépassent. Quand le public et les critiques tombent en amour avec un artiste pour une raison particulière (par exemple, le rôle d’un laissé-pour-compte qui obtient la chance de sa vie), ils s’attendent à l’aimer pour cette raison précise à jamais.

Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Stallone a enchaîné Rocky avec F.I.S.T. et Paradise Alley, des films plus difficiles, on ne peut plus différents de l’histoire du balafré qui se dresse devant le destin l’ayant rendu célèbre. Il est donc passé d’inconnu à superstar à déception dans l’œil du public à l’intérieur d’une période de deux ans.

Comment réagir à pareille montagne russe émotionnelle? Dans Sly, Stallone explique qu’il s’est replié sur la trajectoire l’ayant mené jusqu’à Rocky : faire des choix en fonction de ses forces et de ses intérêts. Ne pas prendre de décision en rapport à sa cote de popularité ou de l’attrait financier d’un projet. Ça peut vous sembler quétaine et évident, mais Stallone s’est choisi lui et, malgré qu’il n’ait jamais été à la hauteur des attentes qu’on avait initialement placées en lui, il a quand même écrit une histoire de succès à son image.

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Par exemple, avec Rambo, Stallone a su créer une nouvelle manière de raconter. Le film est devenu un véritable modèle d’un cinéma d’action hyperkinétique, où le dialogue est relégué au second plan. L’histoire y est racontée principalement de façon non-verbale. Plusieurs l’ont imité depuis, mais personne ne l’a jamais fait exactement comme lui.

L’art de se créer

Un autre aspect touchant de Sly, souvent incompris lorsqu’on fait référence à sa carrière, c’est qu’on ne lui donnait pas de rôles avant qu’il se mette à en écrire pour lui-même.

Trop petit, partiellement paralysé du côté gauche du visage depuis la naissance, on lui donnait des rôles de petits vauriens sans envergure. Après avoir réalisé l’ampleur de son talent pour l’improvisation et le dialogue sur le plateau de The Lords Of Flatbush en 1974, Stallone se met à l’écriture, et par la suite, à la réalisation. Il signera ou co-signera pas moins de 46 scénarios tout au long de sa carrière, dont ceux de Cobra, Over The Cop, Cliffhanger, la série Rocky et toutes les suites de Rambo. Il réalisera aussi douze films. Majoritairement les siens, mais aussi Staying Alive avec John Travolta.

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Stallone a, très tôt dans sa carrière, cessé d’attendre qu’une instance tierce reconnaisse son talent et s’est mis à manufacturer lui-même ses opportunités. C’est pour ça que sa présence à l’écran est aussi singulière. Il évolue à l’intérieur de son propre imaginaire, de ses propres paradigmes hyperviolents, taillé sur mesure pour ses talents atypiques.

Sylvester Stallone s’est inventé créativement afin de pouvoir s’inventer professionnellement.

L’histoire de Sly est inspirante. C’est l’histoire de quelqu’un qui s’est demandé qu’est-ce que le succès représentait pour lui avant d’aller à sa poursuite et qui a accepté que pour être aimé pour qui il est, il allait devoir se passer de l’amour d’un paquet d’autres gens. Que vous soyez déjà conquis par l’œuvre de l’homme ou simplement à la recherche d’un peu de motivation et d’un point de vue différent sur le succès, vous pourriez faire pire de votre weekend que d’accorder 90 minutes à un homme qui n’a jamais attendu que la chance passe.

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