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Surprise ! L’infidélité se commet à deux

Et pourtant, la majorité du blâme retombe presque toujours sur la maîtresse.

Par
Malia Kounkou
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Durant cette dernière rétrograde, Mercure a fait des heures supplémentaires, nous délivrant un mois particulièrement chargé en scandales d’infidélités. Si ce n’était pas le chanteur des Maroon 5, Adam Levine, coincé en flagrant délit de sexting extraconjugal, c’était alors l’entraîneur des Boston Celtics, Ime Udoka, suspendu une saison entière pour liaison sur son lieu de travail, un péché également commis par Ned Fulmer, membre de la célèbre chaîne YouTube des Try Guys et grand adepte des 28 « I love my wife » prononcés par minute.

Ici, les mathématiques sont en théorie très simples : une infidélité se commet toujours au moins à deux (ou plus, selon les envies et les tailles de lits de chacun.e). Dans les faits, cependant, la société ne fait traditionnellement porter le chapeau qu’à une seule personne : la maîtresse.

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Double peine

Le cas d’Adam Levine en est une illustration flagrante. Lorsque la mannequin Sumner Stroh révèlera sur son compte TikTok l’avoir fréquenté et se sentir à présent « exploitée » par l’artiste qui lui a longtemps assuré être en instance de divorce, la jeune femme de 23 ans récoltera slut-shaming, commentaires culpabilisants (n’a-t-elle pas honte de s’exprimer alors que sa femme attend leur troisième enfant — qu’Adam Levine souhaitait aussi nommer « Sumner », d’ailleurs) et, bien sûr, accusations d’être la briseuse de ménage en chef.

si Sumner Stroh savait Adam Levine encore marié, le chanteur, lui, le savait encore plus qu’elle.

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« Nous ne nous sentons pas désolés pour toi. Tu savais que cet homme était marié et tu as participé. Tu aurais facilement pu ignorer les messages », s’emporte ainsi l’actrice Sara Foster. Deux choses ici. Premièrement, en partageant son témoignage, Sumner Stroh n’a pas semblé demander une quelconque pitié. Il est possible qu’elle ait toutefois espéré n’être jugée que sur la base de ses actions, et non pas aussi sur celles d’Adam Levine. Ensuite, et tout comme le soulignent de nombreux commentaires, si Sumner Stroh le savait encore marié, le chanteur, lui, le savait encore plus qu’elle.

Mais cette part de responsabilité masculine, Sara Foster la balaiera d’un simple « [Adam est] évidemment un porc total », avec juste assez de place dans cet « évidemment » pour contenir le classico-classique « boys will be boys ». Puis elle repartira plus brutalement encore à la charge contre la mannequin, déplorant qu’elle n’ait pas été « assez bien élevée pour dire non », ajoutant qu’elle se devait de « faire mieux » en tant que femme et estimant que ses actions véhiculaient « une mauvaise réputation pour les femmes ». Rien que ça.

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Entre les mailles du filet

La misogynie intériorisée est ici indéniable : une femme accuse une autre femme de tous les maux du monde tandis que dans l’ombre, le véritable virus prolifère. Un cas d’école illustrant cela est l’affaire de tromperie liant Khloe Kardashian, Tristan Thompson (son mari basketteur), et Jordyn Woods (une amie proche de la famille Kardashian-Jenner).

Au cours d’une soirée alcoolisée, Tristan Thompson embrasse Jordyn Woods et signe par la même occasion la mort sociale de la jeune femme qui se retrouve harcelée et humiliée sans relâche sur Internet par le clan Kardashian. « Tu es la raison pour laquelle ma famille est détruite », tweete même Khloe Kardashian. Tristan Thompson, lui, est à peine une poussière au milieu de ce chaos. Et deux ans après, il frappe plus fort encore en concevant cette fois-ci un enfant dans le dos de sa femme.

Un homme qui trompe est un homme que la société laissera tôt ou tard retomber sur ses pieds.

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« Nous ne tenons pas [les hommes] responsables, puis nous blâmons les autres femmes. Nous demandons aux femmes d’adapter leur comportement, au lieu de simplement dire aux hommes qu’ils doivent changer leur comportement. C’est du sexisme, nomme l’actrice et mannequin Emily Ratajkowski. Si tu es la personne qui est dans la relation, c’est toi qui es obligé d’être loyal, donc [cette notion] de l’autre femme à blâmer, c’est mauvais, et c’est littéralement conçu pour séparer les femmes. »

Et cette même séparation permet à l’homme tout aussi fautif de passer entre les mailles du filet. Pour preuve : au sortir du scandale Levine/Stroh, le chanteur ne goûtera pas (ou très peu) au vitriol subi par son amante, mais deviendra plutôt un mème général grâce à ses sextos fuités, ses phrases coquines et absurdes détournées de toutes les manières possibles et imaginables. Quoi de mieux comme porte de sortie? Il lui suffit à présent de tourner la situation en dérision lors d’un talk-show puis de transformer certains de ses messages embarrassants en chandails de merch, et hop : la réhabilitation est complète. Un homme qui trompe est un homme que la société laissera tôt ou tard retomber sur ses pieds.

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La victime coupable

Quelques fois, les mathématiques se font dans l’autre sens. Au lieu que la maîtresse monopolise une attention qui devrait être partagée à deux, c’est plutôt sur la femme trompée que tous les regards se fixent. Plus tôt dans l’année, lorsqu’a grandi la rumeur selon laquelle le joueur de soccer Gerard Piqué a fréquenté une autre femme que la chanteuse Shakira, sa partenaire, Internet a réagi par un questionnement unanime : « Comment peut-on même tromper une femme comme Shakira ? » Même refrain à l’annonce des écarts conjugaux du rappeur Jay-Z, marié à la superstar Beyoncé. « Mais enfin ! C’est Beyoncé, quand même ! Comment peut-on tromper une telle femme ? »

une infidélité n’est méritée que si la femme est perçue comme indésirable.

À première vue, l’homme semble être la première personne condamnée, ici. Jusqu’à ce qu’on se penche sur ce que sous-entendent réellement ces interrogations. À savoir, ceci : une infidélité n’est méritée que si la femme est perçue comme indésirable. La propension d’un mari à tromper dépendrait donc de la beauté de sa femme et du maintien de cette attractivité dans le temps, juste assez pour qu’il n’aille pas chercher une herbe plus verte ailleurs. Quand bien même succomberait-il, les conséquences ne seraient pas si terribles que ça, car ce ne sera jamais à lui que des comptes seront demandés en premier. Et une fois encore, la faute est déplacée.

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Les temps changent

Mais depuis #MeToo, les consciences s’éveillent. Ce qui était considéré comme irrévocable hier passe maintenant à travers le filtre de notre sens critique. Tout cela engendre une chaîne de réactions nouvelle qui, petit à petit, rééquilibre le tableau.

« Je ne comprends pas pourquoi nous continuons à blâmer les femmes pour les erreurs des hommes, surtout quand vous parlez de femmes d’une vingtaine d’années qui ont affaire à des hommes en position de pouvoir qui ont le double de leur âge », argumente ainsi Emily Ratajkowski, des paroles qui pourraient aussi bien s’appliquer à l’affaire d’Adam Levine qu’à celle plus ancienne de l’ex-président Bill Clinton et de sa stagiaire de l’époque, Monica Lewinsky.

Et cette dynamique de pouvoir inégale a également été évoquée concernant l’aventure de Ned Fulmer avec son employée, Alex Herring. Un grand pas, lorsqu’on sait qu’avant, la conversation n’aurait pas dépassé le stade du « elle est majeure, vaccinée et consentante » ou encore « ils étaient amis bien avant cela ». Petit à petit, le curseur du blâme se recentre.

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