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Suis-je la milliardième personne à avoir écouté «In The End» de Linkin Park sur Spotify ?

Ode à une chanson qui défie les gardiens du bon goût depuis presque vingt ans.

Par
Benoît Lelièvre
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Linkin Park n’a jamais fait l’unanimité. Même à l’époque où le nu metal avait un peu plus la cote, leur gueules de chérubins, leur style agressivement coloré et leur petit côté vulnérable leur ont toujours valu leur lot de critiques plus ou moins justifiées. Mes respects à feu Chester Bennington, mais c’est vrai qu’ils étaient parfois difficiles à prendre au sérieux :

En 2021, on se rappelle de Linkin Park pour des raisons bien précises : principalement leurs choix vestimentaires tragiques et la chanson In the End. Ils ont eu d’autres succès. Entre autres One Step Closer, Crawling, Numb et l’excellente Don’t Stay, mais In The End a toujours eu une place spéciale dans le coeur des amateurs du genre (et de celles et ceux qui en font un plaisir coupable). Sceptique ? Les chiffres, eux, ne mentent pas. Le site Loudwire annonçait lundi qu’In The End est la première chanson nu metal à dépasser le milliard d’écoutes sur Spotify. Elle est non seulement la chanson la plus populaire du groupe, mais elle est la chanson la plus populaire de toute une époque.

Ce n’est pas que j’aime particulièrement cette chanson, je ne m’imagine même pas l’écouter juste comme ça, à la maison.

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Je voudrais bien vous dire que je suis au-dessus de tout ça, mais ce serait faux. Hier, en pleine canicule, je suis allé courir avec mes écouteurs sur les oreilles et In The End a joué deux fois plutôt qu’une (j’avais oublié de démarrer mon appli de course, donc je l’ai remise au début). Ce n’est pas que j’aime profondément cette chanson, je ne m’imagine même pas l’écouter juste comme ça, à la maison. Elle a cependant une particularité que la musique de Sunn O))), Sleep ou tous les autres bands « de bon goût » que j’écoute pour le plaisir n’ont pas : elle me fait trop bien courir.

Qu’est-ce que cette chanson-là a donc que les autres n’ont pas ?

La structure

Une des caractéristiques distinctive Linkin Park dans le paysage musical du début des années 2000 est qu’ils n’avaient pas peur d’afficher leur côté plus vulnérable et introspectif. Même si on les associe au même mouvement musical, ils offraient quelque chose de complètement différent de Limp Bizkit. Alors que les p’tits mal élevés floridiens parlaient de péter des affaires et des gueules, Linkin Park chantaient leur anxiété et leur mal de vivre à pleins poumons.

Bâtir de l’anticipation vers son refrain, ça rend une chanson de plus en plus plaisante après chaque écoute.

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Du loop de piano angoissé qui accompagne les mots de Mike Shinoda pendant les couplets aux murs de guitare qui font écho à la voix de Chester, il y a une tension qui se libère à chaque refrain. Ils ne sont vraiment pas les premiers à avoir utilisé ce genre de structure. Nirvana le faisait très efficacement quelques années plus tôt. Ozzy Osbourne l’a beaucoup employé durant sa carrière solo. Bâtir de l’anticipation vers son refrain, ça rend une chanson de plus en plus plaisante après chaque écoute. C’est assez vague pour que tout le monde s’y reconnaisse et dans le cas qui nous occupe, c’est porté par les performances émotives de ses deux interprètes.

Musicalement, Linkin Park n’a jamais été très complexe ou avant-gardiste. Une évidence me direz-vous. Leur force réside plutôt dans la création de refrains mémorables à l’intérieur de structures simples et accessibles qui rejoint le plus grand nombre.

LES PAROLES

À mon avis, c’est là qu’In The End prend tout son sens.

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C’est une chanson qui parle d’un échec amoureux, mais qui ne monte jamais sur ses grands chevaux. Elle ne verse pas dans l’amertume ou dans le pathos « je vais mourir parce que t’es pas là ». Non, In The End dit plutôt : « J’ai essayé. J’ai essayé du mieux que j’ai pu et ça n’a pas marché ». Qu’on trouve la chanson ridicule ou non, ça rejoint pas mal de monde.

Une admission de défaite. Quelqu’un qui fait le choix conscient de sortir d’une relation parce que ça ne fonctionne juste pas. Encore là, c’est d’une simplicité désarmante.

Pour moi, courir est une façon de purger mes émotions négatives. De relâcher la tension accumulée lors des deux ou trois journées précédentes. C’est pour ça qu’elle me fait courir. Elle me rappelle chaque fois que lorsque je me sens coincé quelque part, je peux toujours faire le choix de tourner les talons et partir dans le sens contraire. Je pense aussi que c’est pour ça que malgré la réputation mélodramatique de la chanson, elle est si populaire sur Spotify.

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Évidemment, comme me le rappelle mon collègue David, c’est impossible de savoir si je suis la milliardième personne à avoir écouté In The End. Avec un nombre si important d’écoutes, on était probablement des centaines à l’écouter en même temps. Si on fait le calcul : un milliard d’écoutes divisées sur dix ans (Spotify a été créé en 2011), c’est environ 273 000 écoutes par jour!

Qu’on aime, qu’on déteste, qu’on la trouve ridicule ou qu’elle nous laisse indifférents, je ne suis manifestement pas tout seul à trouver mon compte avec cette chanson.