Surfer régulièrement sur les réseaux sociaux implique d’être exposé.e à une constante vague de publicités. Sur mesure, elles témoignent des centres d’intérêt que l’application attribue à notre profil type et de ceux que lui chuchotent directement à l’oreille nos données personnelles. Et ainsi apparaissent progressivement une chemise carrelée entre deux stories Instagram, des chaussettes à étoiles entre deux posts Twitter, une paire de bottines sur son fil Facebook et des culottes de règles… eh bien, à peu près partout.
le concept est très beau, très bio, très bon.
Ces derniers temps, je ne peux pas faire cinq minutes sur Instagram sans être immédiatement sollicitée par quatre marques de sous-vêtements différentes me proposant l’exact même produit. Mais s’il me faut être honnête, le concept pique beaucoup trop ma curiosité pour que je m’en plaigne véritablement. J’en avais déjà entendu parler il y a deux ans sans m’y intéresser plus en profondeur. À présent que ces culottes magiques connaissent un retour en force, l’occasion est rêvée pour me pencher sur les miracles qu’elles promettent.
Culottes de règles 101
À savoir : celui de garder un tissu fin, mais suffisamment absorbant pour toute sorte de flux menstruel, léger comme abondant. Celui aussi de rester confortables et imperméables durant toute la durée de leur utilisation. Celui encore d’être en coton bio et fabriquées localement — du moins, pour la plupart. C’est d’ailleurs cet aspect écoresponsable qui justifie leur prix assez élevé, disons-le. Toutefois, une culotte peut se garder jusqu’à six ans et certaines absorbent l’équivalent de quatre tampons par utilisation. Sur la durée et selon le budget de chacun.e, l’investissement peut paraître rentable.
Assez intéressée, je clique donc sur l’une de ces publicités, profitant que l’une d’elles apparaisse sur mon fil d’actualité. Grave erreur. Les culottes menstruelles en elles-mêmes sont très bien — le concept est très beau, très bio, très bon. L’avalanche publicitaire qui m’attend les jours suivants, en revanche ? No bueno.
Les règles ne sont absolument pas mon moment glamour du mois. Il n’y a rien de hollywoodien dans les contractions utérines qui me clouent chaque fois au lit.
De quelques culottes menstruelles apparaissant ici et là sur Instagram, je me retrouve à présent coursée sur Facebook, Twitter, Google et autres plateformes-espionnes par des boxers, des shortys, des cyclistes, des maillots de bains, des culottes tailles hautes, des culottes tailles basses, des tangas, des strings… wait. Des strings menstruels ?
RAs-LE-BOL SANGUIN
Rien qu’au nom, j’ai l’impression d’être face à la plus grande contradiction de l’année 2022 — et nous ne sommes qu’en février. Ou à la plus grande farce. Car lorsqu’on a ses règles, la dernière chose qui nous vient à l’esprit est de prendre le plus infime morceau de tissu présent dans notre placard pour nous en revêtir. Or, voici que ce même microscopique triangle de dentelle est à présent packagé comme une alternative « sexy » pour rester « glamour » même en période de règles.
Je n’ai pas envie d’être sexy. Je n’ai pas envie d’être féminine.
Je ne sais pas pour vous, mais de mon côté, les règles ne sont absolument pas mon moment glamour du mois. Il n’y a rien de hollywoodien dans les contractions utérines qui me clouent chaque fois au lit ni dans le brouillard désagréable qui ralentit mon corps et dicte négativement mes émotions. La seule chose dont j’ai besoin, pendant que Dame Nature me poignarde l’abdomen, c’est de me sentir le plus confortable et enveloppée possible.
Je n’ai pas envie d’être sexy. Je n’ai pas envie d’être féminine. Je n’ai pas envie d’un string pour me raccrocher à une idée d’élégance alors que mon corps se vide de tout son stock mensuel d’hémoglobine. J’ai juste envie de vivre mon hémorragie interne en paix.
Un corps appartenu par d’autres
Ce sont ces petites choses qui me rappellent qu’on ne laisse jamais une femme vivre sans injonctions parasites extérieures. Il lui faut toujours être apprêtée et présentable pour le regard de l’homme dont le fantasme féminin erroné finit invariablement par nous conditionner. Ce même regard auquel la société se plie au point de refuser de montrer du sang rouge dans les publicités françaises pour serviettes hygiéniques. Cet exact regard qui, des siècles plus tôt, nous a forcées à accoucher en position couchée plutôt qu’assise ou debout, car, ainsi placées, nous étions moins « impudiques » et « bestiales ».
Je me doute bien qu’un string n’a pas la capacité absorbante d’une nappe phréatique et qu’il n’est donc pas à utiliser au pic de son cycle.
Peut-être vais-je loin, ou peut-être nous en demande-t-on un peu trop. Peut-être que ces moments douloureux, mais constitutifs à la vie d’une femme, se retrouvent beaucoup trop souvent court-circuités par des exigences d’élégance en toute circonstance. Mais une femme, par nature, n’est pas élégante. Une femme est tout simplement une femme.
Malia VS. Le marketing
À vrai dire, je suis beaucoup plus en vendetta personnelle contre les slogans qui accompagnent ces produits que les sous-vêtements en eux-mêmes. Je me doute bien qu’un string n’a pas la capacité absorbante d’une nappe phréatique et qu’il n’est donc pas à utiliser au pic de son cycle. Je comprends aussi qu’en toute fin de règles, porter un string ou un tanga menstruel peut être plus pratique que de gaspiller une à deux protections hygiéniques pour trois gouttes individuelles de sang.
Il est juste dommage de réduire une alternative safe aux serviettes, tampons et autres vecteurs de chocs toxiques (ou aux cups, dont l’utilisation n’est souvent pas très intuitive) à l’obligation éternelle d’être désirable. D’être une femme sur qui tout est projeté, sauf la réalité de son existence. Juste pour cette semaine rouge, laissez-moi ne rendre de compte qu’à moi-même.