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Show Bis milite pour la création de théâtres 100% recyclés en Afrique

Coup de projecteur sur un projet solidaire ambitieux.

Par
Emmanuelle Dreyfus
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Des projecteurs, des tables de mixage, des fauteuils, des câbles, des kilomètres de câbles, des costumes, des rideaux… Les réserves des théâtres français subventionnés croulent bien souvent sous des tonnes de matériels promis à la déchetterie alors que leur cycle de vie pourrait encore se prolonger. Des nouveaux budgets votés, et c’est la mort anticipée d’une console ou d’un système d’éclairage pour un nouveau forcément meilleur.

Dans ce renouvellement incessant dicté par le progrès technologique, les laissés-pour-compte sont nombreux ! L’empreinte écologique ne fait qu’augmenter tandis que de l’autre côté de Gibraltar, les artistes du spectacle vivant peinent à se produire. Ce n’est pas entre côté cour et côté jardin qu’ils travaillent mais entre les décombres de lieux désaffectés.

Forte de son expérience en tant que chargée de mission culturelle dans différents pays africains (Tchad, Mali, Cameroun, Angola) puis comme journaliste culturelle en France, Claire Nini souhaite donner une seconde vie à tous ces équipements qui font tellement défaut en Afrique. Le but ? Équiper et accompagner des structures vers l’autonomie de gestion et de création. Ce petit geste pour la planète devient un geste immense pour des talents qui n’attendent que d’être sous les feux des projecteurs, sans vendre au préalable leur corps ni trahir leurs valeurs. Sur le continent africain, la culture artistique demeure encore souvent l’affaire des anciens colons. Vivier artistique quasi vierge d’infrastructures, l’Afrique a très peu de salles de spectacles à offrir à ses artistes. Sans vouloir faire de généralités ni de raccourcis, les seules structures qui offrent la possibilité d’une diffusion ou d’une résidence sont les Instituts français ou le Goethe Institut.

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Dès lors, difficile pour les compagnies qui ne figurent pas dans les petits papiers de tels ou telles directeurs.trices – souvent parachutés – qui valident ou invalident les programmations. C’est le constat de l’ancienne chargée de mission à l’Institut français du Tchad, qui a cotoyé les coulisses d’un système qui, s’il a le mérite d’exister, ne permet pas d’assurer l’émergence et la pérennité d’une scène africaine plurielle. « Un artiste qui n’est pas reconnu par l’Institut n’a pas d’alternative, il ne peut pas demander de subventions. Même s’il existe des initiatives privées comme celle du regretté collectionneur d’art contemporain Sindika Dokolo, cela reste compliqué de vivre de son art. 70 ans après les indépendances, il n’y a toujours pas de lieux très actifs concernant les questions culturelles. Ce sont encore les anciens colons qui décident qui est artiste ou ne l’est pas. Ces institutions gérées par les affaires étrangères ont le monopole. C’est de l’ingérence culturelle et c’est malsain car cela se substitue aux ministères de la culture des pays africains. »

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Pour s’affranchir de ces instituts, l’indépendance passe d’abord par l’équipement technique. C’est en 2015 que l’ancienne journaliste spécialiste de la danse a le véritable déclic. Invitée au festival de hip hop à Suresnes, Olivier Meyer, le directeur du Théâtre Jean-Vilar, annonce lors du discours inaugural le renouvellement de l’ensemble des fauteuils (encore en excellent état). C’est le point de départ d’une réflexion sur la deuxième vie du matériel des salles de spectacle. « Ayant travaillée et vécue en Afrique, j’ai vu la difficulté des artistes pour avoir ne serait-ce qu’un seul projecteur pour faire une représentation dans des quartiers où il n’y a pas de lumière. » Cultivant un lien intime et familial avec le continent aux 54 pays, cette descendante de grands-parents tunisiens embarque dans cette aventure circulaire, le chorégraphe camerounais Jean Boog, à la tête de la compagnie nomade Di Sak, avec qui elle confonde Show Bis.

La Breakerie, centre chorégraphique en devenir installé à Douala, au Cameroun, sera le premier lieu à être équipé par l’association. Ce premier projet ambitieux sert de coup d’essai au duo qui propose non seulement un service de recyclage mais oeuvre aussi pour la visibilité des artistes africains en France. Show Bis accompagne ainsi la venue des danseurs de Jean Boog dans le cadre de la saison Africa 2020, reportée en 2021, qui présenteront en juin la création Faire miroiter l’autre.

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Créée en 2019, l’association a déjà séduit des institutions réputées comme le Centre national de la danse de Pantin, le Théâtre national de Chaillot ou encore la Maison des Métallos. Grâce à leurs précieux dons, ces institutions ont déjà contribué à remplir un container, qui n’attend plus qu’une accalmie de la pandémie pour voguer sur les flots de la Méditerranée.

L’association épaulera ensuite la Breakerie pendant un an avant de laisser le lieu prendre seul son envol. A termes, la structure associative souhaite créer un réseau et les premiers retours sont encourageants. « On a déjà été contactés par plusieurs artistes ou compagnies. Au Tchad, des comédiens auraient besoin de costumes et de décors, un collectif de conteurs béninois nous a sollicités, des danseurs du Congo… Mais, il y a aussi de très bons retours même du côté des associations comme ArtStock à Toulouse qui souhaitent mettre en place des partenariats, ou des particuliers qui nous appellent pour faire des dons. J’ai ainsi rencontré Bernard Gray, un ancien danseur du Casino de Paris âgé de 100 ans, qui nous a donné des costumes de sa collection personnelle. Nous n’avions pas envisagé que des particuliers pourraient être partie prenante du projet. »

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Pour rendre possible l’ouverture du premier théâtre 100% recyclé d’Afrique, des fonds sont encore nécessaires pour envoyer un container. Pour un petit coup de pouce, c’est par là.