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Sexisme bienveillant et galanterie à la française : la séduction qui fait “mâle”

Voilà pourquoi les Françaises ne font pas le premier pas. Entre autres.

Par
Bettina Zourli
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Si vous vous reconnaissez dans le genre féminin, faites-vous le premier pas lors d’un rendez-vous galant ? Selon vous, tenir la porte relève-t-il de la politesse ou d’un héritage sexiste ? Préférez-vous mener la danse, ou trouvez-vous cela normal que l’homme prenne le contrôle ? Et si vous vous reconnaissez plutôt dans le genre masculin, trouvez-vous cela normal qu’une femme soit plus entreprenante que vous ?

Bref : est-ce que la “galanterie à la française” – que j’appelle personnellement le sexisme bienveillant – est en train de se perdre en France ?

Voici quelques-unes des questions auxquelles – entre autres – une étude IFOP pour Love Advisor, publiée le 9 septembre 2021 tente de répondre. Avant toute chose, je tiens à préciser que l’étude porte sur les relations hétérosexuelles, et qu’elle prend en compte uniquement des avis féminins. Elle a été menée auprès de 1001 femmes françaises représentant la population nationale, au mois de juillet dernier.

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Cette étude, sans grande surprise, met en avant un écart générationnel d’attitudes et d’attentes quant aux normes du fameux premier date ! Mais pas que. Décryptage.

Emancipation et prise de contrôle aux rendez-vous …

On va pas se mentir, l’image de la galanterie française, de Paris comme capitale internationale de l’amour (que nos ami.e.s québécois.e.s ont d’ailleurs renommé « capitale des pervers »), en a pris un sacré coup ces dernières années. Nombreuses sont les Françaises qui ont découvert que non, ce n’est pas de la drague, mais bien du harcèlement, ou que non, ce n’est pas un compliment, mais du sexisme dit bienveillant.

Ni une, ni deux, les comportements évoluent donc, et aujourd’hui, 77% des répondantes de l’étude trouvent normal de prendre l’initiative d’un premier date, alors qu’en 1994, nous étions 70%.

Nous sommes aussi 79% a avoir déjà dragué ouvertement une personne dans notre vie (hétérosexuelles et homosexuelles confondues), et, fort heureusement, seulement 18% d’entre nous considèrent que draguer un homme, quand on est une femme, est déplacé.

Si, pendant des siècles, les femmes étaient passives dans les relations amoureuses, voire subissaient la “drague” masculine, aujourd’hui, il semblerait, selon les sondées, que le rapport soit plus équilibré. Toutefois, on ne va pas se mentir, ça reste un effort conséquent à fournir, mais ça permet de mieux filtrer, de mieux choisir, de se positionner en personne active et non passive, et donc aussi de mieux exprimer ses envies, son consentement, tout en se sentant moins redevable. Ainsi, 16% des Françaises de moins de 30 ans préfèrent que les femmes fassent le premier pas.

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… Mais un rapport dominant-dominée qui perdure

Hé oui ! Un chiffre m’a particulièrement interpellé : nous serions quand même 66% à penser qu’un homme doit ouvrir la porte à la femme lorsqu’il entre dans une pièce avec elle, 43% à considérer que c’est à lui de faire le premier pas, et 51% à considérer que c’est à l’homme de payer l’addition lors d’un premier rendez-vous. Si les plus jeunes sont les plus progressistes, ces chiffres révèlent toutefois des rapports encore largement inégaux dans les relations hétérosexuelles.

Pourquoi ? J’ai bien ma petite idée… Les femmes les plus enclines à reproduire des schémas qu’on pourrait parfois qualifier d’archaïques sont les femmes qui se trouvent “très jolies” (62% contre 42% pour celles qui se trouvent “pas jolies” pour reprendre les catégories de l’étude), mais aussi celles qui n’ont jamais fait le premier pas (57% contre 42% pour celles qui sont régulièrement plus entreprenantes que l’homme pendant un rendez-vous). Enfin, plus la taille de bonnet des sondées augmente, et plus cela paraît normal que l’homme règle la note.

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A mon sens, ces trois caractéristiques traduisent, au choix, le fait que les femmes ont encore peu confiance en elles, mais surtout qu’elles restent enfermées dans ce qu’on appelle les stéréotypes de genre : si, depuis toujours, on voit des schémas similaires se reproduire (dans les films, les séries, dans la rue, les bars), il y a peu de chance qu’on prenne assez confiance en nous pour banaliser le fait d’aborder un homme, de payer l’addition, ou bien de faire des petites attentions comme ouvrir la porte, offrir des fleurs, etc.

D’ailleurs, j’ai offert un bouquet de fleurs à mon mari il y a quelques mois, je lui ai fait livrer à son travail (parce que, pourquoi pas ?!) et presque toutes ses collègues (il travaille dans le secteur du soin, un environnement très féminisé) ont halluciné et ont été surprises de ce geste, simplement parce que presque aucune femme ne fait ça !

Il y a également, selon moi, pas mal de sexisme intériorisé (le fait de diffuser des comportements sexistes alors qu’on en est soi-même victime) dans l’histoire : à force de nous faire comprendre que notre physique est notre atout majeur, nous avons intégré l’idée qu’il pouvait aussi nous servir dans nos relations avec les hommes. Oui, ça m’est arrivé de me servir de ma poitrine généreuse pour obtenir quelque chose, et non, je n’en suis pas fière. Car si nous avons envie de faire évoluer les stéréotypes qui collent au genre féminin et masculin, il est parfois tentant, voire plus simple, de draguer comme on l’a toujours fait.

Surtout si c’est pour subir ensuite de la misogynie !

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Parmi les raisons qui empêchent les femmes de draguer, on retrouve, après la timidité et la peur du rejet, la peur d’être perçue comme étant une fille facile, pour 34% des Françaises. Celles qui ont le plus donné cet argument sont les moins de 30 ans (elles sont 43% à penser) cela : un chiffre qui montre que si les choses changent, la société dans laquelle on vit est encore profondément sexiste.

Les femmes peuvent faire évoluer leurs mentalités et leurs comportements, elles seront pendant encore longtemps confrontées à une misogynie systémique et intégrée.