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Se sentir en sécurité en tant que femme

« C’est épuisant, honnêtement, d’être souvent aussi inquiète. »

Par
Marie-Hélène Racine-Lacroix
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Il y a quelques semaines, je rentrais seule d’une soirée dans un parc avec des ami.e.s. Le parcours en autobus s’était bien passé et je suis arrivée à l’arrêt le plus près de chez moi vers minuit. Le chemin jusqu’à mon appartement est court et je m’y sens habituellement en sécurité. Je vis en face d’un institut public où il y a des travaux en ce moment, donc des gardes de sécurité y sont présents toute la nuit.

Alors que je marchais en face du bâtiment, un gardien de sécurité est sorti de la pénombre pour me parler. C’était étrange, mais je me suis dit qu’il devait se promener un peu pour se désennuyer. Vu que je marche avec une canne, je ne suis pas surprise quand un gardien de sécurité ou un policier me demande si ça va.

Il m’a d’abord demandé si je travaillais en face, et je lui ai répondu que non. Puis, il m’a demandé si je vivais proche. On était presque devant chez moi, mais j’ai menti. Je commençais à me sentir mal à l’aise. Il m’a demandé si j’avais quelqu’un dans ma vie et, maintenant inquiète, je lui ai dit que mon copain m’attendait à la maison. (Le mensonge préféré de la lesbienne célibataire que je suis.)

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Il m’a répondu que c’était dommage et que j’étais belle, en essayant de réduire la distance qui nous séparait. Il m’a demandé à nouveau si je vivais proche. J’étais déjà en train de m’éloigner, mais il me suivait. Quand j’ai bredouillé une excuse et que j’ai réussi à m’esquiver, je me suis retournée un peu plus loin pour voir s’il m’avait suivie, et il était au centre de la rue. Il me regardait.

J’étais maintenant devant chez moi, mais j’avais l’impression qu’il me surveillait pour savoir où j’habitais. Je suis donc allée jusqu’au prochain coin de rue et je me suis cachée derrière un buisson. J’ai tenté d’appeler mon voisin pour qu’il vienne me chercher, mais je suis restée sans réponse. Je suis donc rentrée chez moi en catimini quand j’ai estimé que j’étais cachée depuis assez longtemps.

Ça m’a quand même pris deux jours avant de ressortir de chez moi. L’idée de le croiser me faisait paniquer.

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Le lendemain, j’ai porté plainte à l’employeur du gardien de sécurité et j’ai été prise au sérieux, heureusement. Ça m’a quand même pris deux jours avant de ressortir de chez moi. L’idée de le croiser me faisait paniquer. Quand j’ai finalement dû sortir parce que je participais à une soirée d’humour, j’ai pris un taxi pour rentrer. J’avais peur de refaire le même trajet dans le noir.

C’est loin d’être la première fois qu’il m’arrive quelque chose qui fragilise mon sentiment de sécurité. Il n’est pas super solide à la base; je suis une grande anxieuse, et j’ai commencé tôt dans ma vie à imaginer les pires scénarios. Ça s’est empiré avec certains événements traumatisants qui m’ont montré que, des fois, mon anxiété avait raison. J’ai beau travailler ma confiance en moi et en mon environnement en thérapie, ce genre d’événement est suffisant pour me ramener au pire de mes angoisses.

Pourtant, ce qui m’est arrivé n’est pas spécial ou unique. Presque toutes les femmes que je connais ont des histoires impliquant un ou plusieurs hommes les ayant fait se sentir en danger.

L’été passé, j’étais sur la terrasse d’un café proche de mon ancien appartement quand un vieil homme s’est approché. Il semblait sympathique et m’a même demandé si j’avais « un copain ou une copine ». Contente que sa question sorte de l’hétéronormativité, je lui ai répondu que non, je n’avais pas de copine. Son visage a alors changé et il a commencé à m’insulter à cause de mon homosexualité. Il me criait que j’étais un mauvais exemple pour les enfants et que je gaspillais ma fertilité. Personne n’est intervenu et je me suis réfugiée dans le café jusqu’à ce qu’il parte.

Une partie de moi veut se débarrasser de cet état, j’aimerais pouvoir être insouciante, mais je me dis aussi que j’ai raison de m’en faire autant.

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C’est épuisant, honnêtement, d’être souvent aussi inquiète. C’est fâchant aussi, d’avoir l’impression que plusieurs de ces hommes ne sont même pas conscients de l’impact qu’ils ont, qu’ils s’en foutent ou même qu’ils y prennent plaisir.

Une partie de moi veut se débarrasser de cet état, j’aimerais pouvoir être insouciante, mais je me dis aussi que j’ai raison de m’en faire autant. Dans un monde où les violences envers les femmes et toutes formes de diversité se multiplient, n’est-ce pas juste réaliste de m’inquiéter pour ma sécurité ? Il doit exister une balance, que je n’ai tout simplement pas encore trouvée, un mélange de paix d’esprit et de vigilance.

Quand j’ai parlé de ce qui est arrivé avec le gardien de sécurité à ma thérapeute, elle m’a félicitée d’avoir réagi comme je l’ai fait. Selon elle, c’était exactement ce qu’il fallait faire.

C’est vrai, je m’en suis sortie et j’ai dénoncé l’homme en question. Mais est-ce que c’est assez ? Devrais-je me satisfaire de savoir que je sais réagir de la bonne manière et que, de toute façon, il est impossible de prévoir les dangers ?

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