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Se faire virer, c’est traumatisant (et ça en vaut la peine)
J’ai connu ma première expérience de licenciement à l’âge vénérable de 33 ans et les rumeurs étaient fondées. Ce n’est pas plaisant.
J’ai la chance (ainsi que l’étrange dépendance) d’être un grand workaholic qui a toujours un minimum de 5 emplois en même temps. Ma douleur n’était donc pas d’ordre économique, mais bien d’ordre émotionnel. Après tout, c’est très dur de se faire mettre à la porte. Même quand c’est justifié et qu’au bout du compte, tout le monde est gagnant dans cette équation, il reste que ça fait mal et qu’il y a tout un processus émotionnel à traverser.
J’ai donc formé un petit groupe de gens avec qui échanger à propos de nos expériences de congé sans solde imprévu afin de mettre en mots ce bagage émotif. Je nous appelle les « à-la-porte-anonymes », mais, à date, personne n’aime ça. Ceci dit, on a tracé un portrait fidèle de ce que ça représente de perdre un emploi.
Comme une rupture amoureuse…
La première et seule fois où on m’a remercié d’un emploi, c’était alors que j’étais pigiste pour un magazine qui faisait des articles sponsorisés. Le genre d’article qui se veut fidèle à ma plume, mais qui doit « subtilement » inclure des mentions d’une quelconque marque de café dans un article qui déconstruit, par exemple : mon dernier épisode dépressif.
Je vous autorise à me juger seulement si vous avez déjà eu des milliers d’euros de dettes.
Bref, je vois vraiment la fin de cette collaboration comme similaire à la première fois que je me suis fait c****** là, et j’insiste sur le fait que dans les deux cas, la décision ne venait pas de moi.
Si vous êtes encore en train de lire ce texte, vous aurez remarqué que j’écris comme je m’exprime oralement. Malheureusement, ce style n’est pas celui qui plaît le plus à une multinationale qui a engagé un magazine pour subtilement décrire son produit.
On m’a donc informé que malgré les bons moments, ça ne fonctionnait plus… et ça m’a blessé.
Aujourd’hui, je vois que ce média et moi ne nous faisions mutuellement plus de bien. Je l’avais pris ainsi parce que c’était mon entrée dans l’écriture rémunérée à une époque où j’avais beaucoup de dettes et peu d’opportunités de vivre de mon art. Quand on m’a renvoyé, j’avais remboursé mes dettes et donc, je n’avais plus besoin de ces contrats qui, en toute transparence, ne me comblaient pas du tout. Je réalise et comprends tout ça maintenant, mais le jour où on m’a dit que mes textes n’étaient plus les bienvenus, ça m’a fait très mal.
Comme dans le cas d’une relation au sein de laquelle plus personne ne se fait du bien et qu’une rupture est la chose à faire, celui ou celle qui se fait laisser se sent rejeté.
On peut vivre une baisse d’estime importante et ne plus sentir la capacité à revivre l’amour… ou le droit de travailler dans la même branche.
Est-on assez adéquat et compétent ? La réponse est souvent oui, mais le sentiment de rejet est une étape à laquelle on n’échappe pas.
L’humilité, ça sauve du temps
On est jamais à l’abri de faire une grosse gaffe (surtout quand on est jeune et perdu) et plus on se montre rapidement responsable de nos actes, plus on trouve facilement un autre emploi.
Quand j’avais 18 ans, j’ai laissé grande ouverte la porte d’une boutique pendant toute la nuit. Je pense que malgré ma tristesse, mon renvoi se méritait la réponse : « Ah ben oui, c’est logique. »
On va inévitablement l’échapper une fois de temps en temps, et c’est important d’assumer quand c’est vraiment de notre faute.
Je connais quelqu’un qui n’entend pas ses alarmes de réveil-matin malgré un volume quand même impressionnant. Sans blague, je lui souhaite que son immeuble ne prenne jamais feu.
Bref, elle a longtemps eu un emploi en télétravail qui impliquait d’activer Microsoft Teams à 9 h tapantes chaque matin et oui, elle n’était pas ponctuelle tous les jours.
C’est dommage, mais cette personne ne sera jamais matinale et elle est tenue de faire la paix avec cette réalité. Cependant, ce n’est pas la faute de son employeur, qu’elle a du mal à se lever.
Il y a une certaine limite à ce qu’une entreprise qui nous paie pour être là soit conciliante à notre réalité individuelle et c’est quelque chose qu’on doit accepter.
Mon amie a donc perdu son emploi et n’en a pas fait un combat visant à prouver que l’employeur avait tort. Ça ne fonctionnait tout simplement pas.
Elle est maintenant à la recherche d’emplois qui lui permettront de contrôler son horaire afin d’être pleinement efficace. Ce genre d’attitude est humble, constructive et responsable. L’inverse aurait été long pour rien. Je sais qu’on est dans une pénurie de main-d’œuvre, mais il restera toujours assez de CVs pour trouver des gens compétents qui sont aptes à respecter l’horaire.
Si le 9 à 5 n’est pas pour vous ou moi, je sais que c’est parfois contre-intuitif, mais plus rapidement on l’accepte et mieux on travaille.
Quand c’est réellement injuste
Vous avez le droit d’être fâché quand vous faites partie d’une flopée de gens qui perdent leur emploi dans le cadre d’une pandémie.
Tout bon psychologue vous le dira. La colère est difficile à rendre constructive, mais c’est une émotion qui a sa raison d’être. Je recommande de ne renverser aucun bureau, mais plutôt d’exprimer votre frustration auprès de gens qui sont prêts à vous écouter. Le plus rapidement ce sera fait, le plus efficacement vous pourrez trouver un nouveau métier.
Une (certaine) remise en question
Oh que je déteste finir mes articles avec une citation digne d’un coach de vie, mais en même temps, je ne peux pas m’en empêcher.
C’est très cliché, mais c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’épreuves qui arrivent sans raison.
Un renvoi veut très souvent dire que vous n’étiez pas à votre place et que vous avez tout à gagner dans une autre compagnie ou parfois même dans une autre branche professionnelle.
Je prends l’exemple de l’École nationale de l’humour (je m’en vais quelque part avec ça, je vous le promets). Entre la première et la deuxième année du programme que j’ai suivi, une ou deux personnes se font renvoyer. Ce n’est pas systématique, et bien que douloureux pour l’individu, c’est toujours dans son intérêt parce que la deuxième année coûte des milliers d’euros.
Mon message est le suivant : tu devrais sauver cet argent-là, parce qu’on constate que tu n’es pas à ta place dans ce milieu professionnel qui sera encore plus exigeant après l’école. La même chose peut arriver dans tous les types d’emplois. Des fois, on n’est simplement pas à notre place.
Donc, quand on se fait renvoyer, le moment est parfait pour se demander ce qu’on attend de notre vie. On peut alors mieux choisir notre futur employeur si on reste dans le même domaine, ou retourner aux études pour essayer autre chose. En plus, un renvoi, c’est un moment où, pour une fois, on vous dit clairement et directement avec quoi vous ne fonctionnez pas. Oui, ça fait mal, mais c’est aussi un précieux moment de tough love.
Je finirai en disant que c’est OK de changer. C’est quand même long une carrière et vous pouvez vous permettre deux, trois essais pour trouver ce qui vous convient vraiment.