Lorsque j’ai commencé mes recherches pour mon dernier article sur Britney Spears, j’ai pu constater une fois de plus que le monde des vedettes américaines est un univers rempli de paillettes, mais aussi de zones d’ombres. On y baigne dans l’extrême. L’extrêmement public, mais aussi l’extrêmement tabou. Car avec le pouvoir de la popularité vient le pouvoir d’étouffer ce qu’il y a à cacher. Alors je me suis frayé un chemin à travers les #pizzagate #savebritney, et #Epstein qui dominent internet en ce moment et j’ai été happée par un autre phénomène qui commence à faire jaser : le satanisme.
À quoi pensez-vous après avoir lu le mot? Probablement à un groupe hard core qui performe des hymnes au Diable dans des catacombes.
Et si on vous disait que c’était peut-être plus proche de nous? Je ne parle pas des théories du complot qui veulent prouver qu’il y a un 666 caché dans le logo de Walt Disney.
Alors quoi? Qu’est-ce que c’est exactement? D’où ça vient, le satanisme? Pourquoi est-ce si présent dans la culture populaire du moment et surtout, les valeurs que ça véhicule sont-elles dangereuses?
l’arbre généalogique de l’enfer
Le satanisme a autant de définitions que d’origines. On en parle dans la théologie chrétienne comme on en parlait au Moyen Âge où les adorateurs de l’Être suprême se voyaient menacés par un monstre aux tragiques et titanesques proportions. Mais comme les hommes ont souvent donné au mal un visage différent, ce n’est pas une mince tâche que de retracer les premiers pas de ce courant.
Si le mal est partout, notre très cher Charles Baudelaire conclurait en disant : «La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas.»
Aujourd’hui, beaucoup voient cette adoration de Satan comme une opposition à la religion : le noir à la place du blanc, la croix renversée, la valorisation de valeurs proscrites par l’Église. Jean-Paul Cardinal en 1999 définissait le satanisme comme étant une idéologie de radicale « éristique », mot tiré d’Eres, la déesse grecque de la discorde et du conflit. Alors, si le mal est partout, notre très cher Charles Baudelaire conclurait en disant : « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas. »
ON ne met pas tous les satans dans le même panier
En juin dernier, l’animatrice et musicienne Éloïse Bois a publié une vidéo dans laquelle elle analysait les différents vidéoclips de stars américaines pour y trouver un pattern « satanique ». C’est donc son podcast « Elo veut savoir » qui a éveillé ma curiosité.
Avant de continuer cependant, je crois ici qu’il faut marquer une différence entre le satanisme de l’industrie du divertissement et l’organisation sataniste à laquelle plusieurs adhèrent, le temple de Satan.
Selon les administrateurs du site internet, le Temple «encourage la bienveillance et l’empathie, rejette l’autorité tyrannique, prône le bon sens pratique, s’oppose à l’injustice et entreprend de nobles poursuites.»
Il existe une organisation créée aux États-Unis et qui s’étend rapidement au Canada en ce moment. Le temple de Satan va plutôt à l’encontre des idées préconçues qu’on se fait sur le satanisme. Tout d’abord, ils clament ne pas croire en l’existence de Satan ou du surnaturel ni faire la promotion du mal. Au contraire. Pour beaucoup, le Temple est une façon de s’ancrer dans ce qui est réel, rationnel et basé sur les connaissances scientifiques, à l’inverse des religions « archaïques » traditionnelles. C’est donc une façon pour beaucoup de gens de s’échapper du moule religieux dans lequel ils ont grandi. Le Temple de Satan utilise alors la figure de Lucifer comme un symbole de liberté. Selon les administrateurs du site internet, le Temple « encourage la bienveillance et l’empathie, rejette l’autorité tyrannique, prône le bon sens pratique, s’oppose à l’injustice et entreprend de nobles poursuites. » Assez différent de ce que vous aviez imaginé n’est-ce pas?
Alors quand on parle de Satanisme dans la culture populaire, de quoi on parle?
Pop satanisme
Pour comprendre d’où vient le satanisme populaire, il faut regarder du côté de l’Église de Satan. Ça devient trop compliqué? Ce qu’il y a à retenir de cette organisation dont se dissocie complètement le Temple de Satan, c’est que son créateur, Anton Szandor Lavey était une célébrité locale à San Francisco dans les années 60 qui organisait de grosses fêtes et promenait une panthère en laisse dans les rues. Il a commencé à tenir des réunions hebdomadaires et c’est là qu’on retrouvait des rituels sataniques plus occultes qui rejetaient les fondements judéo-chrétiens de la société. Fondée en pleine contre-culture par ce personnage marginal, l’Église de Satan a donc naturellement plus attiré les stars d’Hollywood.
C’est donc à partir de là, mais quand on parle de satanisme dans la culture populaire aujourd’hui, on parle de Satan dans son sens le plus propre : l’incarnation du mal. Et ça, ça passe par tout ce qui est tabou, poussé à l’extrême. De la pédophilie au cannibalisme, c’est la recherche de toujours plus, plus de pouvoir, plus d’interdits. Katy Perry qui regarde une assiette pleine de membres d’enfants à la fin de son vidéoclip « Bon appetit », c’est banal ça à votre avis?
Dans le podcast « Elo veut savoir » on retrouve énormément d’exemples de l’apparition de ces thèmes-là dans la musique pop : la messe satanique de Nicki Minaj aux Grammys en 2012, le vidéoclip de « Where are Ü now » de Justin Biebier, l’artiste Poppy dont le personnage est très diabolique ou encore les œuvres performatives de Marina Abramović où des stars ont été invitées à manger un gâteau en forme de corps humain.
Le problème avec l’apparition grandissante de ces thèmes reliés au mal dans les chansons que nos ados écoutent c’est la banalisation d’idées assez glauques comme la dépravation, l’hyper sexualisation et la violence.
Elle dénonce également Netflix qui essaye de rendre cool l’image de Satan, dans la série « Lucifer » par exemple où Satan est un bel homme riche qui a tout pour lui, ou dans la très occulte série pour ado « the Chilling adventures of Sabrina » où la protagoniste ne fait rien d’enfantin. Le Temple de Satan a d’ailleurs poursuivi Netflix pour cette dernière série, les accusant de « s’approprier notre monument protégé par le droit d’auteur pour promouvoir leur fiction satanique de panique. »
Le problème avec l’apparition grandissante de ces thèmes reliés au mal dans les chansons que nos ados écoutent c’est la banalisation d’idées assez glauques comme la dépravation, l’hyper sexualisation et la violence.
Est-ce qu’on peut appeler ça du satanisme? Est-ce vraiment relié à Satan parce que ça incarne tout ce qui est mal? C’est certainement une façon de voir les choses. Maintenant, reste à savoir si c’est le genre de message que l’on veut véhiculer par la plus grande puissance du monde, qui plus est, consommée par des jeunes.
Tout est sous contrôle
Encore une fois, ce sujet est propice à des extrapolations de la part du public et une théorie circule en ce moment sur le web énonçant qu’une secte satanique contrôlerait le monde du divertissement américain actuel. Selon eux, cela expliquerait que les artistes parlent aussi souvent d’avoir vendu leur âme au diable ou qu’on retrouve autant de tabous dans le milieu. Ça expliquerait aussi pourquoi le thème est si souvent répété qu’il en deviendrait banal, comme pour tous nous convertir (mouahaha). Vous comprendrez donc que, par souci journalistique, je ne m’aventurerai pas dans cette voie-là.
Je me contente donc de vous laisser méditer sur la phrase de Baudelaire, car selon lui, si vous ne croyez pas à l’existence du diable, c’est qu’il doit avoir gagné!