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Un remake de Harry Potter, un autre de Twilight, la suite du Diable s’habille en Prada, la nouvelle saison de la Star Ac, la série Culte qui revient sur les origines de Loft Story… Les annonces culturelles se suivent et se ressemblent : les années 2000 reviennent. Que nous dit cette tendance à la régression vers des œuvres et des univers que l’on connaît déjà ? Décryptage.
Des œuvres cultes pour toute une génération
En juin dernier, la chaîne HBO détaillait la nouvelle adaptation de la saga Harry Potter en série, prévue pour 2026, en présentant sa principale showrunneuse, Francesca Gardiner, (aussi derrière Succession). Depuis, la nouvelle saison de la Star Academy bat son plein, une suite du Diable s’habille en Prada a été annoncée, et And just like that, la suite de Sex and the City, a été renouvelée pour une troisième saison.
Est-ce un pari risqué ? Pas vraiment, pour la docteure en études cinématographiques et audiovisuelles Maureen Lepers : “Quand les productions misent sur des succès d’époque avec une fanbase, le public est déjà sécurisé. Ce n’est pas le propre de toutes les productions audiovisuelles du monde, c’est une logique hollywoodienne, de consensus, qui doit rapporter le plus possible. Ce genre de format familial avec un gros capital culturel ne prend aucun risque, dans une industrie qui cherche, justement, à limiter les risques.” À la télévision comme sur les écrans, les producteurs l’ont bien compris, recycler le vieux pour faire du neuf fonctionne. Le public cible de ces œuvres est celui qui les consommait déjà plus jeune, avec l’idée de jouer sur la nostalgie et le fantasme d’une époque cocon, où les crises de l’époque semblaient moins graves que celles de nos jours. L’idée de retrouver des personnages avec qui l’on a grandi, détient un pouvoir particulièrement réconfortant, avec la sensation d’évoluer en terrain connu.
Le petit écran roi
Pour Estelle Ndjandjo, journaliste médias et culture chez Arrêt sur Image, les années 2000 sont un âge d’or dans les productions audiovisuelles. “Les créateurs et créatrices qui vont créer la pop culture des années 2000 ont grandi dans les années 80. La télé est présente partout, on commence à avoir des ordinateurs, mais très peu, les producteurs TV vont être les rois. Il n’y a pas encore le streaming, pas encore les réseaux sociaux.” Une époque marquée, donc, par l’omniprésence des télévisions dans tous les foyers, mais aussi par un développement de grandes sagas populaires à l’écran, créant des logiques d’univers pour les studios. C’est le cas avec les productions Marvel, mais aussi la trilogie du Seigneur des Anneaux, la suite de Star Wars ou encore les films Harry Potter. L’idée de proposer des reboots, des préquels, des spin-off (histoire avec d’autres personnages du même univers) ou des suites avec des univers étendus répond parfaitement à la contrainte des producteurs de limiter les risques.
Et si certaines productions se sont faites connaître au cinéma, c’est aujourd’hui vers la télévision que ces franchises choisissent de revenir. “Aller vers la série plutôt que le cinéma est plus intéressant financièrement. Une série est plus rentable, car elle n’a pas besoin de faire un nombre d’entrées pour rentrer dans ses frais. Dans l’industrie du cinéma actuelle, les films ne sont pas rentables tout de suite, il faut une très grosse sortie de salle puis une exploitation vidéo. Pour les plateformes, une fois que tu es abonné, c’est plus simple” note Maureen Lepers. Les nombreuses crises de l’époque et l’inflation qui se ressent aussi sur le billet de cinéma invite au repli chez soi, derrière son écran de streaming. Selon une étude en 2022 de l’Association des cinémas d’art et d’essai, 12% des abonnés des plateformes ne se rendent plus du tout au cinéma.
Un pari pas toujours gagnant
Mais si la recette semble fonctionner pour nombre de séries ou films de retour sur les écrans, le pari n’est pas forcément gagnant, comme l’explique Estelle Ndjandjo “l’annonce d’une suite de Le diable s’habille en Prada n’a pas du tout bien été accueilli par les fans. Le film est une pépite d’humour et de style qui marque parfaitement son époque. Est-ce une bonne idée de vouloir lui donner une suite ? Les fans ont raison de s’insurger face à ce manque de créativité de la part des producteurs”.
Les reboots de série cultes des années 2000 comme Gossip Girl, Un Dos Tres ou encore le retour de Secret Story n’ont pas rencontré leur succès d’antan, et n’ont pas été renouvelés. “Il faut se rappeler que les années 2000 restent une époque problématique, promouvant la blancheur, la maigreur, les abus. C’est une belle vitrine qui cachait un gros côté sombre” rappelle Estelle Ndjandjo. Conscientes de ces biais qui se reflétaient dans les œuvres, les productions ont cherché à les lisser, perdant par la même occasion tout leur ADN. Comme le détaille la journaliste, certaines œuvres sont destinées à rester des madeleines de Proust de leur époque, problématiques depuis notre point de vue actuel, avec un public qui les revisionne en tout état de cause.