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Riopelle pour les nuls

Par
Nathalie Lesage
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Cher ami français. Combien de fois t’ai-je écouté, cil battant et sourire béat, t’épancher sur cet artiste gé-ni-a-lis-si-me (tu sépares toujours les syllabes) dont je n’avais évidemment jamais entendu parler ? Je t’envie d’avoir grandi dans ce vivarium culturel où les plaques de machin-super-célèbre-ayant-vécu ici sont aussi nombreuses que les érables et les mouches noires de mon chez moi canadien. Autres contrées, autres richesses. Je tente de rattraper mon retard à coup de vernissâââges, cours au Louvre et lecture de Connaissances des Arts écornés de salle d’attente. Avec le temps, je me suis résignée à devoir manger le poids de l’égo de Booba en croûtes de roquefort, avant d’accoter ton savoir.

*soupirs*

Te dire mon effarement, de te voir passer devant cette actualité culturelle MAJEURE avec le même désintéressement de Messi face à l’offre des saoudiens. J’en ai presque perdu mes eaux (que je n’ai pas, donc ceci explique cela). Riopelle ? Le centenaire ? Le happening worldwide ? Ton battement de cils et ton regard fuyant ne mentent pas : tu ne sais pas qui est Riopelle, aka l’un des plus importants artistes du 20e siècle. Oui bon OK, c’est à des années-lumière d’ici, mais aux vues de ton t-shirt Guns and Roses et ta passion (que je ne comprends toujours pas) pour Johnny, j’en déduis que tu kiffes Nostalgie comme bibi. Toi, qui cours les nocturnes et convies tes dates Tinder dans les jardins de Rodin, tu ne connais par le grand peintre Ri-o-pelle (moi aussi je sais le faire). Pour reprendre le terme préféré de ma collègue Gen Z: j’hallucine.

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Il incarne tout ce que tu affectionnes : un québécois pur jus, anticonformiste, chasseur-pêcheur-blagueur, ayant choisi ta France pour habiter, fêter, et créer des œuvres monumentales pendant 40 ans de sa vie. Il en aurait pondu 7000 : peintes, sculptées, dessinées, gravées. Un peintre poids lourd dont son Vent du Nord, que je te défie de réaliser en puzzle, s’est envolé à 5,1 millions d’euros, faisant d’elle la 2e œuvre d’art la plus chère vendue au Canada. Je dis ça, je dis rien.

C’est simple, sa vie et son influence sont tellement dingues que j’attends la série Netflix. Et les t-shirts.

Un homme hors norme pourrait-on dire. Du genre à jouer un tableau de valeur au tir au poignet, à habiter dans un bateau, ou à transporter ses toiles dans un corbillard. Ses chums de gars se nomment Beckett, Giacometti et Breton (Giaco-qui demande ma collègue Gen Z). Il cosigne deux manifestes historiques, Ruptures inaugurales en France et le Refus global au Québec, qui ont contribué d’une certaine façon à ta liberté d’expression . Même le grand Karsh l’immortalise en photo, qui plutôt que de lui arracher sa cigarette comme pour le cigare de Churchill, le fait fumer clope sur clope pendant des jours. J’en tousse.

Attends, j’ai pas fini.

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Pour venir à Paris, il se fait palefrenier sur un bateau puisqu’à cette époque, on charriait du cheval vers la France, la guerre ayant presque décimé la population. Cette allumeuse de Paris roule évidemment des hanches, si bien que la Seine et la lumière de la tour Eiffel lui tapent dans l’œil puis au cœur. La génialissime peintre Joan Mitchell aussi, avec sa relation dite tumultueuse (pas autant que Depp & Amber quand même) est si détonnante qu’on la raconte en exposition. Il retourne Montparnasse et St-Germain à coup de vin blanc et Black Velvet. La nature est sa muse. De la couleur, de l’épaisseur et de la fureur dans le geste, disent les experts. Les galeristes du monde s’enflamment, dont la même qu’un certain Miro.

Son leg est colossal. Dispersé dans plus de 60 villes, 18 pays et 6 continents. Je pense même avoir lu qu’on trouvait du Riopelle sur la Terre de Pandora.

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Je t’arrête de suite : pas la peine de chercher son Insta. Un Riopelle repu d’une vie à mille à l’heure repose en paix au Québec à l’Ile-aux-Grues, un bout de terre tout-en-vent situé en plein milieu du fleuve St-Laurent qu’il affectionnait particulièrement. Google ça pour ta future expédition canadienne et envoie une carte postale STP, j’ai le mal du pays.

Du coup (!), tu comprendras que les festivités de son 100e se célèbrent avec le même panache que sa carrière. Si elles ont déjà bien commencé au Canada avec du cirque (7 doigts de la main), du théâtre (Robert Lepage), ou du cinéma (FIFA) – entre autres – au tour de la France de lancer les honneurs avec l’élégance dont elle a le chic. L’occasion de (re)découvrir cet artiste monstre, se gâter les yeux, et ramener des ti-coussins de lavande de Provence ! Le coup d’envoi sera donné ce 1er juillet 2023 (accessoirement la fête du Canada, partyyy !) à la chic Fondation Maeght, située à Saint-Paul-de-Vence, au pays de la lavande. Un choix provençal qui n’a rien à voir avec Van Gogh au cas où tu te questionnais, Papa Maeght et Riopelle ont étroitement collaboré par le passé, genre cul et chemise si tu me permets l’expression.

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L’exposition événement Jean Paul Riopelle — Parfums d’ateliers, vaut clairement l’épreuve du wagon huileux de la SNCF.

Déjà pour découvrir le lieu qui contient l’une des plus importantes collections d’Europe avec 13 000 œuvres d’artistes phares, dont Chagall, Calder, Braque, Giacometti. De quoi récolter du like à gogo. L’exposition consacrée à Riopelle présentera plus de 180 œuvres toutes aussi folles qu’inédites grâce à l’immensurable travail de fourmi de sa fille, Yseult, qui recense et diffuse le travail de son père depuis 25 ans par son Catalogue raisonné. Respect.

À Paris, c’est à Pompidou que ça se passe, oui oui, avec du Riopelle présenté dans la collection permanente vers la fin de l’année 2023. Faut dire que le musée avait déjà consacré une expo à l’homme en 1981, l’âge de pierre pour toi qui sait.

Bonus : Balade-toi rue Durantin à Montmartre, puis arrête-toi au 52 où il avait son atelier pour take a pose. La rumeur veut que le réalisateur du film à succès Les choristes l’habite maintenant. Si d’aventure il te reste du gaz à ton retour de l’Ile-aux-Grues, passe par le 4089 De Lorimier à Montréal pour voir sa maison d’enfance construite par son père.

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Dans l’éventualité probable où tu aurais la flemme de bouger, dors en paix, TV5Monde te propose le meilleur du meilleur de ses entrevues – du bonbon — ainsi que pléthore d’émissions spéciales. Prépare ton pop-corn et ton pilou pilou !

Je terminerai mon laïus sur cette ultime bafouille qui vient direct d’un ponte de la culture qui ne saurait avoir tort, Monsieur Xavier Rey, Directeur du Centre Pompidou : Jean Paul Riopelle fut une figure constitutive de la scène artistique française d’après-guerre, et demeure aujourd’hui encore comme un trait d’union essentiel entre les cultures canadiennes et françaises.

Boom.

La programmation complète du centenaire : www.fondationriopelle.com/centenaire