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Retour au bureau : comment on fait du « small talk », déjà ?

« Keep calm and small talk. »

Par
Constance Cazzaniga
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Les vacances loin du bureau, ça rouille un peu sur le plan social. Et surtout depuis qu’on travaille de plus en plus de la maison, pas de petites discussions avec les collègues en allant se chercher un café juste avant, rarement des introductions qui dépassent le « comment ça va ? » et pas de petites pauses pour ventiler à ses ami.e.s de bureau parce que Gilbert a encore dit quelque chose durant le meeting qui nous a fait rouler des yeux jusqu’à en voir notre boîte crânienne.

Alors, retrouver ces petits moments au travail après les vacances, ça devrait nous faire plaisir, non ? Pour plusieurs, ça sera sûrement le cas, mais pour bien d’autres, ça pourrait devenir une source de stress, parce que pour faire du small talk, il faut une certaine habileté, qu’on peut avoir le sentiment d’avoir perdue.

« J’ai l’impression qu’il y a des gens qui vont être un peu chargés sur le plan émotionnel à cause de tout ce qu’ils ont vécu [pendant la pandémie], avance le Dr Gaëtan Roussy, vice-président de l’Association des psychologues du Québec. Quand ils vont se revoir, ils vont se sentir bizarres et ils ne sauront pas par où commencer. Sans que ce soit majeur, il y en a qui vont avoir davantage besoin qu’on vienne les chercher, qu’on entreprenne la conversation. »

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Comment on fait du small talk, docteur ?

Si le Dr Roussy estime que le retour au bureau — que ce soit en présentiel ou en mode hybride — devrait généralement bien se passer, il a tout de même quelques conseils pour ceux et celles qui sont plus inquiets à l’idée de reprendre les petites conversations du quotidien.

« Même les gens qui ont l’air très à l’aise socialement, des fois, ils repensent à leurs conversations et ils peuvent être préoccupés. »

« Il faut prendre ça graduellement, comme ça vient. Comme une engelure qui dégèle : ça peut donner des drôles de sensations, mais quand ça fait mal un peu, c’est parce que ça guérit ! », lance-t-il en insistant sur le fait que tout le monde se retrouve dans la même situation, à différents degrés. « Même les gens qui ont l’air très à l’aise socialement, des fois, quand ils sont seuls, ils repensent à leurs conversations et ils peuvent être préoccupés. »

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Rester naturel.le, y aller à son rythme et garder en tête qu’on n’est pas seul.e dans cette situation, comme le préconise le psychologue, ça peut aider à être zen. Mais concrètement, si on veut parler d’autre chose que de la météo à notre interlocuteur ou interlocutrice, on dit quoi ?

Là-dessus, Thara Tremblay-Nantel, présidente et fondatrice de Thara Communications, a plusieurs suggestions. Thara, c’est une entrepreneuse dont l’équipe est passée au travail en mode hybride depuis déjà quelques mois — une transition qui s’est très bien déroulée. Comme beaucoup de personnes qui travaillent en relations publiques, elle est verbomotrice et a le contact facile avec les gens, en plus d’être familière avec des techniques de vente qui aident à rendre l’autre à l’aise. En quelques mots, c’est une vraie queen du small talk.

« Les réseaux sociaux permettent d’avoir relativement accès à des informations pour démarrer une conversation avec les gens, souligne-t-elle. Ça dépend du niveau de proximité, mais si on parle de collègues ou de partenaires d’affaires, on se suit sûrement sur LinkedIn, Twitter, Facebook ou Instagram, et c’est sûr qu’il va y avoir eu une photo si quelqu’un a eu un enfant, si la personne s’est mariée, a déménagé, a eu un nouvel animal ou est allée en vacances, ce qui fait quand même cinq bonnes pistes de sujets. » Preuve de l’efficacité de cette technique, on a commencé notre échange en parlant de son nouveau chien… que j’avais vu dans ses stories Instagram !

« Il y a aussi des sujets de l’heure. “Qui a regardé Koh Lanta ?”, ça te démarre une conversation le matin !»

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« Il y a aussi des sujets de l’heure. “Qui a regardé Koh Lanta ?”, ça te démarre une conversation le matin ! », lance Thara avant de proposer également d’aborder l’actualité ou de complimenter la personne devant soi sur ce qu’elle porte, tant que c’est fait avec sincérité. « Je pense que la base des relations, c’est de s’intéresser à l’autre. Il faut le faire avec fondamentalement une bonne intention, parce qu’on n’est pas dupes : la personne doit sentir qu’on l’écoute. »

Ce dernier point est aussi préconisé par le Dr Roussy : « Il faut s’intéresser à ce que l’autre a à dire et ne pas se précipiter pour nous-même dire ce qu’on a vécu. On aura le temps, tôt ou tard, de parler. Si tout le monde parle en même temps, ça n’ira pas bien ! »

Gare par contre à avoir l’air d’avoir stalké l’autre — si vous n’êtes pas ami.e.s Facebook, n’abordez pas votre collègue en lui parlant d’une photo de sa grand-mère qui y a été publiée, diantre ! — et à tomber dans des thèmes trop sensibles. « C’est toujours un peu glissant d’aller dans des sujets d’opinions, estime Thara. Il y a eu des vagues de dénonciations, mais c’est un peu touchy ! Même chose pour les questions de nationalité, de religion, etc., parce que les esprits peuvent s’échauffer. »

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Aider les moins habiles

Les gens qui maîtrisent le small talk peuvent aussi utiliser des techniques pour mettre l’autre à l’aise et ainsi rendre la conversation plus fluide, tant selon le Dr Roussy que selon Thara Tremblay-Nantel. « Si on est devant quelqu’un qui est moins à l’aise de commencer une conversation, c’est de demander à l’autre comme il va, de préciser qu’on est content de le revoir », propose le psychologue, qui rappelle que ces échanges « améliorent le tissu social ».

« Il faut dire aux employeurs de laisser les gens respirer, de ne pas être trop stricts sur les heures de pauses, au moins les premiers jours. »

« Souvent, les gens vont se sentir à l’aise avec des gens qui leur ressemblent, explique de son côté Thara. Donc de s’aligner avec la personne est une idée. Par exemple, si la personne parle plus bas ou plus lentement, on peut prendre notre temps et prendre son ton. Ça va la mettre dans un meilleur climat. Il y a des stratégies comme ça. »

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Les deux s’entendent aussi pour dire que l’employeur peut agir et favoriser les conversations entre ses employé.e.s. Pour le Dr Roussy, ça passe par davantage d’ouverture : « Il faut dire aux employeurs de laisser les gens respirer, de ne pas être trop stricts sur les heures de pauses, au moins les premiers jours, pour que les gens puissent reprendre contact et décompresser. On ne veut pas mettre du stress supplémentaire. »

Thara suggère une approche plus ludique : « Il y a des jeux qui existent ! On en a fait un récemment parce qu’on accueillait une nouvelle personne dans l’équipe. C’était super intéressant, parce que tout le monde piochait des questions à tour de rôle. C’est quoi ta plus grande fierté depuis que t’es à l’agence ? On peut compter sur toi pourquoi ? Ça a donné des conversations significatives. » Dans le même ordre d’idée, une activité de team building ou même un bon vieil afterwork, peuvent contribuer à « délier les langues ».

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Si on garde en tête qu’on est tous et toutes dans le même bateau, qu’on prend son temps sans se mettre de pression, qu’on reste soi-même et qu’on applique quelques trucs pour connecter avec les autres, on peut dire que ça va aller…