.jpg)
Rentrer chez soi pour les fêtes, cette grosse galère
Habiter à l’étranger implique souvent un choix cornélien : celui de rentrer pour les fêtes ou non. Vivant depuis moins d’un an à Montréal, eldorado des émigrés belges et français, j’ai fait le choix de ne pas rentrer cette année. Une décision pour laquelle je me suis félicitée de nombreuses fois en entendant les mésaventures de mes amis, collègues ou voisins. Car si le dilemme revient tous les ans, il est particulièrement compliqué cette année, à cause d’un virus dont on connaît trop bien le nom. Pour URBANIA, j’ai discuté avec celles et ceux qui galèrent à rentrer fêter Noël en famille.
« Les tests Covid n ’étaient pas vraiment prévus dans le budget… »
« Quand on travaille en entreprise, ça met toujours un peu de temps de savoir exactement quand on pourra prendre congé pour les fêtes, explique Mathilde qui a décidé de rentrer en France cette année. Quand j’ai regardé les prix fin août, alors que je n’étais pas encore vraiment certaine de mes dates, le prix des billets d’avion était entre 1100 et 1200 dollars canadiens (entre 766 et 836 euros). C’était déjà cher, mais je ne pouvais pas encore les prendre. » Mi-septembre, le temps de valider ses vacances avec ses employeurs, Mathilde a finalement payé 1220 euros – soit pas loin du double – pour un aller-retour, du 19 décembre au 4 janvier. « Je ne voulais pas rentrer aussi longtemps. Mais entre Noël et le Nouvel An, c’était tout simplement impayable. »
Et la note de frais ne s’arrête pas là, car récemment, les mesures Covid ont changé. « Ce qui était annoncé depuis le début, c’était un test PCR obligatoire avant de partir de la France pour retourner au Canada. Aujourd’hui, il faut aussi en faire un pour arriver. Ici, un PCR c’est entre 150 et 200 dollars (entre 100 et 140 euros). C’était vraiment pas prévu dans le budget, poursuit Camille. Honnêtement, en parlant autour de moi, beaucoup de Français pensent à annuler leur retour pour les fêtes depuis cette annonce, ça devient beaucoup trop cher. »
Du Québec à la France, en passant par le Maroc
Pour Mathieu, qui vit depuis plus de deux ans à Montréal, les fêtes en famille sont sacrées et rester à l’étranger durant cette période de l’année n’est pas une option. Il ne s’attendait cependant pas à ce véritable branle-bas de combat pour rentrer au pays. Aujourd’hui, il ne sait d’ailleurs toujours pas s’il passera le réveillon avec ses proches ou dans son pays d’accueil. « J’ai dû prendre mon billet le 15 novembre, avant c’était trop compliqué, explique-t-il. Je travaille dans le milieu brassicole et je devais attendre de connaître les congés des brasseurs avant de décider quand partir. Rendu à cette date, les vols directs étaient totalement impayables. Le billet le moins cher que j’ai trouvé était à 1226 euros, avec une escale de 8h à Casablanca, au Maroc. » Seulement voilà, le 10 décembre dernier, le Maroc a annoncé qu’il fermait son espace aérien et qu’il annulait dès lors tous les vols vers la France. Une situation qui a rendu le voyage de Mathieu encore plus cher et incertain. « Il y a quelques jours, j’espérais encore partir. Mais là j’ai dû trouver un nouveau vol en vitesse, sans même être sûr que je vais être remboursé du premier », se désole le jeune Auvergnat.
Coincé au Maroc jusqu’à nouvel ordre
À Rabat (Maroc), de l’autre côté de l’Atlantique, Martin ne peut pas rejoindre sa famille pour les mêmes raisons. Alors qu’il avait prévu de fêter Noël avec ses proches pour la première fois depuis quatre ans, le variant Omicron en a décidé autrement.
« On a un système d’approbation des congés très complexe car je travaille pour une entreprise qui tourne tous les jours et quasiment 24h sur 24, donc c’est très laborieux, explique cet ingénieur en construction. C’est pour ça que cette année je m’y étais vraiment pris à l’avance pour rentrer en Belgique à cette période, donc du 23 décembre au 2 janvier. » Malheureusement, c’est ce même et malheureux verdict qui a condamné ses vacances. « Donc le 10 décembre, ils ont annoncé qu’il n’y avait plus de vols vers la Belgique. On pouvait se faire rapatrier si on le désirait, mais sans aucune assurance d’obtenir un vol retour. Inutile de préciser que mon entreprise a refusé de prendre ce risque, ne sachant absolument pas quand l’espace aérien allait rouvrir. »
Finalement, Martin passera Noël avec les étrangers qui sont tous coincés au Maroc. « En fin de compte, on est tous dans la même galère, donc ça nous console un petit peu. Mais j’avais prévu de revoir toute ma famille pendant les fêtes et aussi de leur présenter ma copine. Ça fait quatre ans que je vis à l’étranger, donc c’est un peu un coup dur pour moi. »
Le jeune Belge espère rentrer en janvier ou en février, quand les frontières rouvriront.
Des autotests entre les visites chez les amis et les grands-parents
En cinq ans de vie à Montréal, Laura n’est jamais rentrée en Belgique au moment des fêtes. Pour elle, rentrer à ce moment est trop coûteux. Mais cette fois-ci, la jeune Belge a ressenti l’envie d’être avec ses proches pour Noël, « et c’était peut-être pas la meilleure période », rigole-t-elle. Tout juste détentrice de sa résidence permanente pour vivre au Canada, Laura doit patienter quelques mois avant d’avoir sa carte en poche. En attendant, elle n’a plus vraiment de visa matériel et le Covid n’arrange pas les choses. « Les délais pour recevoir ce document sont beaucoup plus longs depuis le début de la pandémie. Une fois en Belgique, je vais devoir me rendre dans le bureau d’immigration canadien et le plus proche est… à Paris. Si je n’ai pas le bon document à temps, donc en deux semaines, je ne vais pas pouvoir rentrer tout de suite et je devrais retarder mon retour ici au Canada. Entre le Covid et les congés de Noël, il y a de grandes chances que ça arrive. » Au final, Laura aura payé son billet d’avion 700 euros, sans bagage et avec escale. À côté, elle peut ajouter le prix d’une batterie de tests covid : avant le départ, pour aller à Paris et puis pour rentrer au Canada. « C’est vraiment une nouvelle manière de voyager au final. Toutes les activités sont plus chères car on prend l’assurance annulation pour tout, et puis c’est beaucoup d’argent pour finalement arriver et devoir faire très attention. Par exemple, moi je veux voir mes grands-parents, mais tous mes amis aussi donc je crois que je vais me promener partout avec des autotests… Il faut s’adapter, en gros. Cette année je le fais parce que j’en ai vraiment envie mais je comprends que face au budget et aux conditions, certains soient réticents. »
5000 euros et une quarantaine de l’enfer
Et bien que la situation soit critique pour les ressortissants présents en Amérique du Nord, on est loin du scénario qui a lieu depuis maintenant deux ans à Hong Kong. Depuis le début de la pandémie, Côme n’a pas pu rentrer en France. Une décision qu’il a faite pour éviter une addition plutôt salée… accompagnée d’une quarantaine de trois semaines en total isolement.
« Depuis le début, la quarantaine a été mise en place ici, et ce de manière très stricte, explique-t-il. Toute personne qui arrive à l’aéroport est placée dans un minibus et emmenée à l’hôtel où elle fera sa quarantaine pendant trois semaines, isolée dans une chambre. » Et si par le plus grand des malheurs, une personne est testée positive pendant cette quarantaine, c’est tout l’étage qui est envoyé à Penny Bay, sorte de prison d’isolement pour les cas Covid. « Ici, beaucoup d’étrangers ne rentrent pas chez eux pour des raisons financières d’abord, car en plus des billets cette quarantaine est très chère. Pour rentrer pendant les fêtes avec ma copine qui vit aussi ici, on avait calculé et la note s’élevait à 10 000 euros pour nous deux. Et puis, il y a aussi les raisons psychologiques. Je ne veux pas vivre cette quarantaine. Certaines personnes autour de moi l’ont vraiment mal vécue. Il y a l’isolement mais aussi le manque d’air car on ne peut pas ouvrir la fenêtre, le manque de lumière, d’interaction sociale, etc. » Bref, on comprend pourquoi les ressortissants du pays sont plutôt refroidis à l’idée de fêter Noël en famille.
Finalement, une fois arrivé.e.s auprès de leurs proches, Mathilde, Mathieu, Laura et – on l’espère un jour – Martin et Côme oublieront sûrement leurs galères de voyage, et c’est tout ce que je leur souhaite. Mais ces témoignages ont le don de soulever la question du voyage en temps de crise et donnent surtout l’envie de postposer le Noël familial en avril, histoire de faire ça plus tranquillement et de voler en basse saison.