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Regretter son choix de carrière à cause du salaire

La passion, ça paye pas le loyer.

Par
Constance Cazzaniga
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J’ai fait mes études en cinéma, en sciences des religions et en histoire. Autant vous dire que je n’avais pas en tête l’argent que je pourrais faire une fois diplômée ! Si je ne suis pas la seule qui s’est inscrite à l’école sans penser à sa future paie, pour certaines personnes, c’est devenu un regret, parfois au point de changer de carrière pour exercer un métier mieux rémunéré.

C’est le cas de Jennifer Martin, qui a mis de côté le milieu de la petite enfance, un domaine où elle a atterri par hasard, après 19 ans comme éducatrice. « J’ai adoré ce métier, mais je ne le faisais pas pour l’argent », raconte-t-elle.

Camila* a été moins patiente. Après plusieurs diplômes obtenus en musique, elle n’a eu besoin que d’un an pour réaliser que son rêve de vivre du chant classique était financièrement difficile à atteindre.

Vivre de sa plume

Quant à Julia*, elle travaille toujours en rédaction et traduction, ses domaines d’études, mais elle pense qu’elle n’aura « pas le choix » de changer de carrière un jour, pour des questions salariales. « Les tarifs qu’on me donne sont les mêmes depuis toujours, dit-elle. Si je décide d’avoir des enfants, je me demande comment je vais y arriver. »

« Si je le faisais, je devrais être sûre que ça va marcher par après. Mais je n’ai pas l’énergie pour recommencer. »

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Sur papier, elle est pourtant une success story, comme elle a atteint son objectif premier : devenir journaliste. « Quand j’étudiais, je ne pensais pas que je réussirais à devenir journaliste, mentionne-t-elle. Il y avait la crise des médias et dans nos cours, on se faisait dire qu’on n’aurait pas de job. En plus, comme femme noire, je n’avais aucun modèle. » Mais voilà, même si elle peut se féliciter d’avoir réussi, le salaire n’est pas à la hauteur.

Si Julia n’a pas bifurqué vers un autre métier comme les deux autres, c’est qu’elle aime ce qu’elle fait, mais aussi qu’elle estime que c’est la seule chose dans laquelle elle excelle vraiment. En plus, pour faire un retour aux études, il faut en avoir les moyens. « Si je le faisais, je devrais être sûre que ça va marcher par après, estime Julia. Mais je n’ai pas l’énergie pour recommencer. »

Retour aux études

Il faut l’avouer : ça prend une bonne dose de confiance en soi et de motivation pour se rediriger professionnellement. Pour Camila, c’est effectivement venu avec un retour aux études. Un certificat à HEC (Montréal) lui a permis de décrocher ses premiers boulots en marketing. Sept ans plus tard, elle est directrice de comptes pour une agence de publicité et son salaire frôle les six chiffres.

« J’ai toujours su que c’était un métier instable, mais je pensais que les contrats arriveraient plus facilement et que ça serait mieux payé. »

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Avant son changement de carrière, Camila touchait moins de 22 000 euros par année, comme bien des musicien.ne.s classiques. Mais ce qui l’a prise de court en sortant de l’école, c’est la quantité de frais associés au démarrage de sa carrière : il faut payer pour les auditions, les démos, les robes de récital, les répétitions avec pianiste, les déplacements et tout le foin-foin.

« La réalité de la carrière m’a vraiment rattrapée, explique-t-elle. J’ai toujours su que c’était un métier instable, mais je pensais que les contrats arriveraient plus facilement et que ça serait mieux payé. » C’est pour ça qu’elle a regardé les salaires moyens des gens qui travaillaient en marketing avant de s’y inscrire. « Finalement, c’est un milieu qui me convient plus ! »

Changer de carrière

Mais le retour aux études, ce n’est pas un passage obligé pour changer de métier. Fatiguée de se battre pour faire augmenter le salaire des éducatrices, Jennifer a décroché un poste de spécialiste des réseaux sociaux et de création de contenus dans une boîte de tourisme.

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« Je n’aurais probablement pas fait le changement de carrière si ça avait impliqué un retour à l’école », admet-elle. À la place, elle a fait valoir son expérience avec le blogue qu’elle a cofondé, Folie urbaine, et qui lui a permis d’apprendre les bases de son nouveau métier sur le tas.

« Quand j’ai fini ma licence et que j’ai eu mon premier job en rédaction, je gagnais moins qu’au commerce de détail ! »

Jennifer soulève qu’il est plutôt « aberrant » qu’elle soit mieux payée à gérer des réseaux sociaux qu’à « élever des enfants ». Julia a d’ailleurs vécu sensiblement la même chose en finissant ses études : « Quand j’ai fini ma licence et que j’ai eu mon premier job en rédaction, je gagnais moins qu’au commerce de détail ! »

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Les options

Tout ça montre bien que les emplois qui nous passionnent ne sont pas nécessairement ceux qui aident à payer les factures. En même temps, qui veut d’un métier détestable juste pour rouler sur l’or ?

Selon Jennifer, il faut trouver l’équilibre : « J’inviterais les gens à faire des recherches quand vient le temps de penser à leur domaine d’études et à leur futur travail. Il faut vraiment peser le pour et le contre et voir si c’est un travail qui est avantageux pour soi en fonction de nos besoins et de nos projets. »

« Si on n’est pas bien où on est dans la vie, on ne devrait pas hésiter à faire le changement, croit aussi Camila. On ne veut pas vivre dans le regret et dans la précarité. Et si tu es dans un domaine qui te plaît, mais que tu ne te sens pas apprécié à ta juste valeur dans l’entreprise, c’est ok d’aller voir ailleurs. »

*Les noms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des personnes.