Logo

Régime, relooking et cours de diction : les petits artifices des politiques pour se rendre crédibles

Par
Oriane Olivier
Publicité

La politique est un jeu de dupes. Et parfois, quand parler avec conviction ne suffit plus à faire passer des idées, il faut s’attaquer aux petits détails physiques ou vocaux qui brouillent la compréhension du message et l’empêchent d’atteindre sa cible. Un air trop poupon qui donne le sentiment que vous n’avez pas les reins assez solides pour candidater à une élection et prendre les choses en mains ? Rien qu’une teinture poivre et sel ne puisse arranger ! Et ce n’est pas Laurent Wauquiez qui dira le contraire… Une voix qui part dans les aigus lorsque vous présentez vos futurs projets pour la nation ? Offrez-vous, comme Emmanuel Macron, le coaching d’un baryton pour vous apprendre à respirer.

Voici quelques exemples d’hommes et de femmes politiques qui ont essayé de se réinventer sur les recommandations de leurs conseillers en communication.

CHANGER SON PHRASÉ, POUR GRAPPILLER DES VOIX

Manier la langue avec virtuosité est parfois le moyen le plus sûr de toucher le cœur des Français.es. Mais l’éloquence n’est pas qu’une affaire de bagage lexical. Savoir contrôler son souffle et donner du rythme à ses phrases est souvent aussi important que maîtriser son sujet. Les femmes et hommes politiques font donc souvent appel à des orthophonistes ou des coachs vocaux pour améliorer leur diction. C’est par exemple le cas de Ségolène Royal, qui s’était fait aider par le comédien Philippe Torreton en 2007 pour apprendre à poser sa voix, alors jugée trop nasillarde.

Publicité

Côté accent, hormis Laurent Wauquiez, qui a volontairement choisi de reprendre ses intonations de Haute-Loire, ils sont peu nombreux à oser en faire une marque de fabrique. Charles Pasqua, Jean Lassalle, et Jean Castex sont peut-être les seuls politiques de la Ve République à avoir fièrement assumé leur manière de parler. Et le parcours de François Bayrou en dit long à ce sujet. En effet, c’est l’une des rares personnalités politiques de premier ordre à pouvoir se targuer d’avoir des parents paysans et à parler couramment sa langue régionale. Pourtant, il a très vite choisi d’effacer son accent béarnais…

Pire, si les accents méridionaux qui évoquent l’ovalie ou les champs de lavande ont aujourd’hui un peu la côte, ceux du Nord n’existent tout simplement pas dans le paysage politique français. Alors rien ne dit que Gérald Darmanin, qui a débuté sa carrière à Tourcoing, aurait l’air plus sincère ou sympa en parlant le chtimi. Mais il serait grand temps que la glottophobie cesse, et qu’on puisse rouler les “r” ou mettre des “in” partout sans perdre en crédibilité.

Publicité

CHASSE, PÊCHE AUX VOTES, NATURE ET TRADITIONS

Le costume de technocrate arriviste fonctionne plutôt bien dans les galas et les dîners mondains, lorsqu’on va à la pêche aux donations privées. Mais c’est un fardeau quand on prétend gouverner l’ensemble des Français.es. Pour convaincre les électeurs et électrices qu’ils sont proches de leurs préoccupations et capables de défendre leurs intérêts jusque dans les campagnes, les politiques n’hésitent jamais à mouiller la cravate et se la jouer “terroir”.

Jacques Chirac, pourtant né dans le très chic 5ème arrondissement de Paris, en a même fait sa spécilaité. Parachuté en Corrèze, grâce à une ascendance originaire du coin (des grands-pères venant respectivement de Saint-Ferréol et Brive La Gaillarde) l’ancien énarque, qui ne connaissait pourtant la région qu’au travers de vacances passées sur place, s’est-fait le porte-parole de la ruralité et a joué à fond la carte du bon-vivant. De bains de foule aux salons de l’agriculture, en têtes de veau sauce ravigote dans son fief corrézien de Sarran, l’ancien président a su faire oublier qu’il devait en partie son ascension politique à ses origines bourgeoises et son entregent.

Publicité

Emmanuel Macron, en quête de légitimité auprès d’une grande partie du pays qui le pense totalement déconnecté de la réalité, s’essaye aussi depuis quelque temps à cet exercice périlleux. Avec nettement moins de succès… Car n’est pas Chirac qui veut, et il faut une certaine habileté pour faire passer des mocassins vernis pour des bottes crottées. Interrogé lors d’un entretien à propos de sa vision de l’écologie, le Président a ainsi déclaré qu’il adorait la “bagnole” et qu’il aimait “sentir le moteur”, quand il conduisait. A deux doigts de nous expliquer qu’il a monté des jantes alu sur sa nouvelle Peugeot.

Publicité

Même énergie franchouillarde lorsqu’il siffle une bière cul-sec après une finale de rugby, qu’il déclare préférer “mille fois la mer aux piscines privées” après avoir fait creuser un bassin au fort de Brégançon, ou qu’il prétend dans un restoroute que les cordons bleus sont son plat favori. Mais avec une côte de confiance à seulement 16% auprès des classes populaires (ouvriers et employés) selon le dernier sondage en date, la France de la ruralité et des périphéries semble lui répondre en choeur “tu bluffes Martoni !”

ON AVAIT DIT PAS LE PHYSIQUE…

Avoir les dents qui rayent le parquet peut être un avantage en politique. Mais ça l’est moins lorsque la longueur des quenottes est trop visible à l’écran. Afin d’adoucir son image, le socialiste François Mitterrand s’est donc fait limer les canines. Et en devenant le premier chef d’Etat de gauche de la Ve République, il a peut-être donné raison à son ami Jacques Séguéla qui lui soutenait que son sourire lui donnait l’air menaçant d’un vampire venu suçoter l’épargne des Français.es.

Publicité

Pour se faire aussi grand que ses prédécesseurs à L’Elysée, et prouver qu’il était à la hauteur de ses ambitions pour le pays, Nicolas Sarkozy a investi dans des talonnettes qui ne l’ont pas quittées de tout son mandat à la tête de l’Etat. Pourtant, avec 1m68 au garrot, l’ancien président était plus petit de seulement un centimètre qu’un autre leader – mais d’envergure celui-ci : Napoléon Bonaparte. Qualifié de “coq nain qui bombe le torse” par Barack Obama dans ses mémoires, l’ex champion de l’UMP n’est finalement pas parvenu à leurrer son monde, et à faire oublier ses idées courtes en tentant d’allonger sa silhouette. Depuis le temps qu’on répète que ce n’est pas la taille qui compte…

Publicité

Cible permanente de blagues grossophobes sur son physique un peu arrondi – on se souvient du surnom Flanby, matraqué par les Guignols de l’Info durant des mois – François Hollande a perdu 17 kilos en suivant le très controversé régime Dukan, avant les élections présidentielles de 2012. Était-ce nécessaire ? Pas sûr. Doit-on se plier aux diktats de la minceur pour gagner en crédibilité ? Cela reste à prouver. En tout cas, cette mise à la diète dangereuse ne lui a visiblement pas suffi, puisqu’il a aussi décidé de perdre par quintaux toute crédibilité auprès des électeurs et électrices de gauche dans la foulée.

Pour susciter davantage d’adhésion à ses idées, et donner un nouveau souffle à sa campagne présidentielle en 2012, la cheffe de file écolo Eva Joly avait été sommée de retirer ses lunettes. Trop “maîtresse d’école sévère”, et pas assez “mamie sympa”, d’après ses conseillers en communication visiblement tous fans de comics américains. En effet, qui d’autre qu’un fan de Superman pour croire que l’absence d’une paire de binocles peut soudainement vous rendre méconnaissable ? Malheureusement, malgré ce changement de look de dernière minute, la candidate la plus intègre des élections s’est écrasée en plein vol…

Publicité