Réélection de Macron : un an de casseroles

Le 24 avril 2022, Emmanuel Macron a été réélu président de la République, battant Marine Le Pen au second tour avec 58,55% des suffrages exprimés et une abstention record de 28% des inscrits. Cela fait seulement un an et pourtant… on a l’impression que cela fait beaucoup plus. Retour sur une année assez… riche en scandales divers et variés.

Emmanuel Macron reconduit son CDD à l’Élysée, et ce ne sont pas les scandales qui manquent à l’appel. Après avoir fait une campagne assez peu reluisante en évitant au maximum de se mouiller, la cellule d’investigation de Radio France révèle que des consultants de McKinsey ont participé à son élection en 2017 de manière “active”, si ce n’est “intrusive”. « Tout ce travail aurait évidemment dû être facturé et déclaré dans les comptes de campagne », estime Florence, ancienne membre du fameux cabinet de conseil qui facture un demi-million d’euros la préparation d’un séminaire.

Alors que son nouveau mandat n’a pas officiellement commencé, Emmanuel Macron décide de réformer entièrement la diplomatie française à coup de décrets et ouvre la porte aux nominations à l’américaine. Cette décision permet ainsi au président de filer des postes d’ambassadeur à ses proches. La France devient ainsi « le seul grand pays occidental sans diplomates professionnels », commente Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux USA. Le Quai d’Orsay est en colère et une grève inédite du corps diplomatique a lieu avec manifestation devant le ministère des affaires étrangères.

Nommé fin mai ministre des solidarités, Damien Abad est accusé quelques jours plus tard de viol ou de tentative de viol par trois femmes qui prennent la parole sur Mediapart. La réaction du parti d’Emmanuel Macron ? Plutôt silencieuse, dans la lignée des scandales Hulot et Darmanin. « Vous mettez à la tête de l’État des hommes accusés de viols et de violences sur les femmes. Pourquoi ? », demandera Laura, une lycéenne du Tarn, à Emmanuel Macron. Des gendarmes lui “rendront visite” dans son lycée le lendemain.

En juin, lors des élections législatives, le parti d’Emmanuel Macron n’hésite pas à renvoyer dos à dos l’union de la gauche et l’extrême-droite. En cas de duel NUPES-RN au second tour, les macronistes ont décidé d’aviser « au cas par cas », oubliant totalement que le président de la République a été réélu grâce aux voix de la gauche il y a quelques semaines. Quid du barrage républicain ? Existe-t-il toujours ? Oui. Mais que dans un sens. D’ailleurs, les députés du Rassemblement national obtiennent deux des six vice-présidences de l’Assemblée nationale…

Au mois de juillet, après un remaniement décevant, une nouvelle affaire éclabousse le président de la République : les Uber Files. Le Monde révèle un “deal secret” entre la société de VTC et Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, et présenté comme un “allié secret” d’Uber au sein du gouvernement. « Emmanuel Macron et son cabinet se démènent pour aider l’entreprise américaine », écrit le journal. Réaction du principal intéressé ? « Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. »

Lors du conseil des ministres de la rentrée, Emmanuel Macron annonce « la fin de l’abondance, des évidences et de l’insouciance ».

Il ne précisera pas pour qui cette prophétie s’applique, évidemment.

(Le budget de l’Élysée a augmenté de 5,5 millions d’euros tandis que le projet de loi de finances 2023 a prévu un recul de 2,3% des dépenses de l’Etat.)

Voulant “rassembler la Nation” et se donner une stature digne de Charles de Gaulle, Emmanuel Macron inaugure en grandes pompes son “Conseil national de la refondation”. Une instance plus ou moins floue où personne ne veut mettre les pieds, ni la NUPES, ni les syndicats, ni LR, ni le RN, ni même Édouard Philippe. L’Élysée promettait une discussion franche et sans filtre, mais le CNR se transforme en bide avec François Bayrou comme seul spectateur.

En octobre, le gouvernement d’Emmanuel Macron marque l’histoire : pour la première fois, un ministre de la justice en exercice est renvoyé devant la Cour de justice de la République. En effet, on accuse Éric Dupond-Moretti d’avoir fait pression sur des magistrats anticorruption. Il est donc poursuivi pour prises illégales d’intérêts. Petit bonus : le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, est mis en examen pour le même motif. « Le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques », déclarait Emmanuel Macron en avril 2017. Alors, quid de ces affaires Dupond-Moretti et Kohler ? Qu’en est-il de la “République irréprochable” ? Aucune réaction du président de la République

Novembre, nouvelle alerte Mediapart : le Parquet national financier ouvre une information judiciaire sur les comptes de campagne 2017 et 2022 d’Emmanuel Macron. Suite à l’affaire McKinsey, le PNF enquête sur des chefs de « favoritisme » et « recel de favoritisme », ainsi que des délits de financement illégal. Pendant ce temps là, les proches du président de la République se trouvent des petits boulots bien placés : Jean Castex à la RATP, Christophe Castaner au Grand Port de Marseille, Agnès Buzyn à la Cour des comptes, Amélie de Montchalin ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’OCDE… Les bons postes font les bons amis.

L’équipe de France se hisse jusqu’à la finale de la coupe du monde organisée au Qatar, mais ne réussit pas à remporter le mondial, tombant face à l’Argentine de Lionel Messi. Sur la pelouse, Kylian Mbappé est inconsolable. Mais Emmanuel Macron en a décidé autrement à coups de petites tapes sur la tête non sollicitées par le joueur français. Un véritable milieu récupérateur.

Nouvelle année, nouvelle bonne résolution pour Emmanuel Macron : réformer les retraites et reculer l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Encore une fois, le président de la République marque l’histoire avec ce projet : 1,12 million de personnes manifestent le jeudi 19 janvier, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, un record depuis 2010. Le chef de l’Etat réussit même l’exploit d’unir la CGT et la CFDT. Une prouesse pour celui qui voulait rassembler la Nation.

Alors que le pays est dans la rue chaque semaine pour dire non à la réforme des retraites, Emmanuel Macron décide en février de s’accorder un peu de bon temps en Afrique. Il décide alors de rencontrer coup sur coup Abiy Ahmed (Ethiopie), Mahamat Idriss Déby (Tchad), Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou-Nguesso (Congo) et Felix Tshisekedi (RDC), soit la crème des dirigeants des pays africains francophiles, dignes héritiers de la Françafrique. Une belle tournée qui s’est terminée avec une bière à Kinshasa en compagnie du chanteur Fally Ipupa.

Des mois que la réforme des retraites est toujours aussi contestée, que ce soit dans la rue ou dans les rangs de l’Assemblée. Alors, Emmanuel Macron décide de dégainer son arme ultime pour passer en force le texte : le 49-3. C’est la 11e fois que le gouvernement engage sa responsabilité, la 100e fois dans l’histoire de la Ve République. La motion de censure déposée dans la foulée par l’opposition passe tout près : 9 voix ont manqué pour un renversement. Est-ce vraiment démocratique de sortir l’artillerie lourde pour cette réforme alors que les manifestations se multiplient et ne faiblissent pas ? « La foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime à travers ses élus », répondra le président de la République.

La réforme des retraites est passée, mais cela ne suffit pas à Emmanuel Macron qui souhaite marquer de son empreinte la scène internationale. Après avoir demandé de « ne pas humilier la Russie », le président de la République a appelé l’Europe à ne pas « être suivistes » concernant les tensions entre Taïwan et la Chine. « Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », a déclaré le chef de l’Etat à Politico, suscitant l’indignation à Bruxelles. Des propos au préjudice « considérable » qui « vont à l’encontre de la volonté européenne » et « mettent en péril les relations transatlantiques » pour l’Allemand Manfred Weber, patron du PPE, premier groupe de députés européens.

Un an de casseroles, et c’est loin d’être terminé…