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Ramadan et fête de l’Aïd-el-Fitr en (dé)confinement: «C’est comme passer Noël seul…»

Témoignages.

Par
Daisy Le Corre
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Le confinement n’empêche pas le ramadan, même si cela change quelque peu la donne. La preuve avec Hassina et Ouissem, tous deux pratiquants et confinés mais bien décidés à traverser sereinement ce mois dit “béni”. On a discuté un peu avec eux pour voir comment ils s’organisaient au quotidien chacun de leur côté.

«Je suis actuellement confinée chez mes parents où nous vivons avec mes deux frères et ma sœur. Cette configuration étant la même tout au long de l’année, le confinement venu, j’étais même heureuse de savoir que j’allais pouvoir passer plus de temps avec les miens», raconte simplement Hassina pour qui la crise n’a pas changé grand chose à la dynamique quotidienne de la vie de famille. «À mon échelle, j’ai pris le confinement comme une opportunité d’introspection, de ressourcement, de ralentissement et de retour à l’essentiel, cette circonstance n’a fait que me conforter dans cette démarche déjà bien entamée», raconte la jeune femme, consciente du privilège qu’elle a de voir les choses sous cet angle.

J’ai l’habitude d’aller à la mosquée, et au début, le fait de ne plus pouvoir y aller a été un peu perturbant dans ma routine spirituelle.

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Cette année, confinement oblige, il y a des routines, des recommandations religieuses/prophétiques et des traditions qui ne peuvent avoir lieu en période de ramadan. Ouissem, confiné seul à Marseille dans un “petit T3 de 42 m2”, rapporte qu’il y a deux grands changements majeurs. «Le premier c’est qu’il n’y a pas de prières à la mosquée. J’ai l’habitude d’aller à la mosquée, et au début, le fait de ne plus pouvoir y aller a été un peu perturbant dans ma routine spirituelle. Et normalement, pendant le Ramadan, les mosquées se remplissent chaque soir pour les prières nocturnes qui doivent cette année se faire à la maison. L’autre changement c’est qu’on ne peut pas se rassembler. Normalement, après la prière nocturne, on a l’habitude de se retrouver en famille, entre cousins pour des soirées où on refait le monde. Il y a énormément de monde d’habitude dans les rues de Marseille où l’on peut se retrouver le soir autour d’un café, et cette année ce n’est plus possible.»

Heureusement, la technologie vient à la rescousse et un ramadan 2.0 a vu le jour dès le début de l’événement. «Grâce aux écrans, on peut créer chez soi des rassemblements: on s’appelle, on s’échange nos méditations, les conférences et lectures qui nous ont marquées ainsi que nos recettes, des photos de ce qui fait notre journée. Mais ça ne remplace évidemment pas l’effervescence ni l’énergie d’une véritable rencontre ni l’atmosphère si caractéristique qui peut régner lors de ces retrouvailles», confie Hassina avant d’ajouter que plusieurs organismes associatifs et mosquées organisent aussi des lives de récitations, d’invocations, d’exégèses et de méditations autour du Coran. «Certains bénévoles continuent aussi d’organiser différentes actions comme de la distribution de repas par exemple, dans le respect des règles sanitaires.»

C’est ici qu’Hassina se recueille pendant le ramadan en confinement.
C’est ici qu’Hassina se recueille pendant le ramadan en confinement.
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Concrètement, au quotidien, Hassina tente de s’organiser avec sa famille pour faire leurs prières ensemble dans un espace spécifiquement alloué et prendre leur repas de rupture du jeûne ensemble. «Le fait de ne pas pouvoir se retrouver avec le reste de notre famille et de nos proches nous fait apprécier la chance que nous avons d’être tous réunis sous le même toit en ce contexte singulier.» Autre avantage du confinement selon elle: pouvoir aménager son temps comme on le désire, que ce soit en termes d’acte d’adoration (lecture du Coran, prières, dhikr ou invocation), lecture, méditation/contemplation ou encore accorder du temps de qualité à ses proches. «Il est aussi possible de déconnecter sans que ça nous soit socialement reproché, pas que j’y accorde une quelconque importance, j’ai simplement l’impression que c’est plus compréhensible aujourd’hui, dans ce contexte, de vouloir être loin de tout ce qui est réseaux sociaux, etc», explique Hassina, un peu en manque du contact avec la nature mais qui prend son mal en patience, “autre vertu à développer en ce mois” comme elle le dit elle-même.

Ouissem, quant à lui, y voit un autre inconvénient. «Le Ramadan est un mois où l’on fait traditionnellement beaucoup d’aumônes et vu que l’on ne sort pas en ce moment, on a moins l’occasion de faire ces dons. Et puis, le mois doit se conclure avec la fête de l’Aïd-el-Fitr qui est un jour spécial, où l’on fait la prière avec toute la communauté musulmane avant de passer un moment en famille et s’offrir des cadeaux. Là ça ne va pas être possible alors c’est comme passer Noël seul…», lance le Marseillais.

«S’il y a bien une chose que ce confinement nous a donné la possibilité de faire, c’est de nous interroger sur notre manière de vivre avant confinement»

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Malgré tout, Hassina reste positive et voit cette crise sanitaire comme une occasion de faire naître des initiatives, de révéler des faux-semblants, de mettre en lumière la nécessité de se remettre en question en tant qu’humanité et, paradoxalement, de renforcer des liens. «S’il y a bien une chose que ce confinement nous a donné la possibilité de faire, c’est de nous interroger sur notre manière de vivre avant confinement, en tant qu’individu et société -si ce n’était pas déjà le cas- et d’agir en conséquence à notre niveau. Et à une plus grande échelle, cela nous permet de reconsidérer notre rapport à notre environnement. C’est d’ailleurs dans cette introspection ou autocritique et cette transformation que réside le propre du mois de Ramadan.»

Pour éviter de poser des questions bêtes à celles et ceux qui font le ramadan, c’est par là! De rien.