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Quoi regarder ce week-end : Metal Lords

Un regard sur l'intensité de adolescence qui louvoie habilement à travers les clichés.

Par
Benoît Lelièvre
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Mes parents écoutaient peu ou pas de musique à la maison. Ils ne souffraient pas nécessairement d’amusie ou de misophonie (ma mère en souffre peut-être un peu), c’était juste pas quelque chose de très important dans leur quotidien. L’héritage musical en général, ça vient beaucoup de l’enfance et de la famille. Dans mon cas, ça vient surtout de l’école, et à mon école, c’était chelou.

Voyez-vous, j’ai grandi à une époque où les seules façons de découvrir de nouveaux artistes, c’était via MusiquePlus et les magazines spécialisés. C’était aussi la dernière grande époque de la musique rock où les Nirvana, Pearl Jam, Alice in Chains et compagnie dominaient les palmarès.

À mon école secondaire, ces groupes ont servi de point de départ pour une course à qui allait trouver la musique la plus extrême et violente sur terre. Notre appréciation de la musique qu’on découvrait était plus ou moins importante, notre éducation musicale commune était une chasse aux trésors occultes. C’est comme ça que je suis devenu « métalleux ». Entre deux extrêmes, j’ai découvert Slayer, Mayhem, Cattle Decapitation, Meshuggah et plusieurs autres compromis brutaux taillés à ma sensibilité.

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L’importance de la musique rock et métal a beaucoup diminué dans la culture populaire depuis vingt ans, mais elle reste à la base d’une sous-culture robuste et dédiée dont je fais fièrement partie. Le métal, c’est une identité et un style de vie. C’est pour ça que l’idée même d’une comédie de type coming-of-age à propos de cette sous-culture aussi passionnée qu’intransigeante m’apparaissait une proposition risquée, mais Metal Lords louvoie habilement à travers les clichés du genre et passe le test haut la main.

La sagesse impromptue

En résumé, Metal Lords est l’histoire de deux adolescents : Hunter et Kevin. Le premier est un musicien torturé, obsédé avec l’idée de fonder un groupe de métal avec son meilleur ami, même s’il semble être la seule personne au monde qui démontre un intérêt authentique envers le projet. Le deuxième est un jeune geek timide et sensible qui joue du tambour dans l’orchestre de l’école. Kevin se fout un peu de la passion de son meilleur ami, mais il accepte la transition à la batterie métal par sens du devoir.

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Quand on est jeune et vulnérable, c’est pas anormal de se sentir redevable envers ceux qui ont été là pour nous dans le passé.

Si vous croyez savoir exactement où Metal Lord s’en va avec cette prémisse, détrompez-vous. Kevin ne se trouve pas une petite blonde qui l’aide à tenir tête à la passion excessive de Hunter et s’affirmer comme batteur de rock plate. C’est là où Metal Lords brille par son ingéniosité et son inspiration. C’est en étant techniquement « un suiveux » que Kevin se découvre un talent et une passion qui le rendront intéressant et populaire aux yeux des autres, mais aussi une éthique de travail et des standards musicaux qui le rapprocheront de son ami.

Les créateurs du film Peter Sollett et D.B Weiss ne fournissent ni aux personnages ni à l’audience des réponses tout cuit dans le bec et ça, c’est rafraîchissant comme approche.

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À travers les allégories musicales règne une idée très simple et importante en psychologie : les sources de validation internes. En développant un talent dans un domaine plus en demande que le tambour d’orchestre, l’identité de Kevin se construit autour d’une variable qu’il peut contrôler. Plus il travaille fort derrière sa batterie et plus il s’améliore, plus il devient en demande socialement et professionnellement. Il ne cherche plus l’approbation dans le regard des autres comme tous les adolescents vulnérables de films coming-of-age : elle lui vient directement à cause de ce qu’il sait faire.

Contrairement aux clichés de films du genre, la source de sagesse qui permet aux protagonistes de faire un apprentissage important est vraiment nulle part dans Metal Lords. Il se passe une série d’événements qui ne sont pas nécessairement interreliés, mais qui changent profondément Kevin. Les créateurs du film Peter Sollett et D.B Weiss ne fournissent ni aux personnages ni à l’audience des réponses tout cuit dans le bec et ça, c’est rafraîchissant comme approche.

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La musique du diable comme métaphore

Non, vous n’êtes pas obligé.e d’être « métalleux » ou « métalleuse » pour apprécier Metal Lords. Vous en tirerez assurément une plus grande appréciation si vous l’êtes. La bande sonore contient des classiques comme Painkiller de Judas Priest, Blood and Thunder de Mastodon et The Trooper de Iron Maiden. La chanson du groupe de Hunter et Kevin Skullfucker sonne comme une copie édulcorée des vieux albums de Metallica. On y voit aussi quelques caméos surprises qui font chaud au cœur.

Metal Lords aurait été un film similaire si Kevin s’était dédié au skateboard ou au mangeage de hot dogs compétitif. Le métal est employé par Sollett et Weiss de façon symbolique. C’est une muse impitoyable, qui demande une discipline et un dévouement total, mais qui offre aussi une passion et une éthique de travail transformatrice. Ce qui est drôle aussi, c’est qu’en 2022, 99 % de la planète s’en fout. Le ton du film est assez universel et bon enfant pour que vous le compreniez et l’appréciez sans avoir à sacrifier un agneau pour boire son sang.

Metal Lords aurait été un film similaire si Kevin s’était dédié au skateboard ou au mangeage de hot dogs compétitif.

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Au-delà de la métaphore, l’image que Metal Lords renvoie d’un jeune métalleux rebelle est attendrissante. Hunter est d’abord et avant tout un jeune homme passionné, pris au piège dans une situation familiale toxique. Vous n’avez pas besoin de vénérer le diable pour vous identifier à sa frustration et sa colère. Ses sentiments ne sont pas déviants.

Faire un film à propos d’une sous-culture aussi passionnée qu’intransigeante semble une drôle d’idée d’un point de vue commercial, mais les subtilités et nuances de Metal Lords l’aident à naviguer un genre bourré de stéréotypes ennuyeux. C’est un peu comme le cousin bizarre de American Pie et Sex Education. Vous savez, celui qui a un couteau et qui ne parle à personne dans les réunions de famille ?

Si vous êtes à la recherche d’un film avec une bande sonore QUI TUE ou juste d’un divertissement au grand cœur, je vous garantis un bon moment avec ces apprentis suppôts de Satan.