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Quoi regarder ce week-end : « Loot »

Loot, c'est chanmé.

Par
Benoît Lelièvre
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Quand Mackenzie Scott a jarté l’homme le plus riche au monde en 2019, la romancière s’est fait un nombre incalculable d’ami.e.s. Non seulement c’est extrêmement payant de divorcer Jeff Bezos, mais c’est aussi bon pour l’image. En foutant le camp avec son petit bonheur et pas moins de 62 milliards de dollars, Scott a remis un « intouchable » à sa place. Des histoires comme ça, le commun des mortels en raffole.

Sans en être directement inspirée, la série Apple+ Loot fait écho au divorce de la milliardaire et pose une question simple à formuler mais à laquelle il est difficile de répondre : en quoi consiste la vraie richesse ?

Composée de dix épisodes de trente minutes diffusés hebdomadairement, la saison inaugurale de Loot arrive à mi-chemin aujourd’hui. Mettant en vedette l’inénarrable Maya Rudolph, Michaela Jaé Rodriguez et Ron Funches, Loot est à la fois accessible, hilarante et surprenamment humaine. Courte et légère sans nécessairement être l’une de ces séries où « on met son cerveau en mode off », elle vous fera passer un bon moment sans vous enchaîner devant votre téléviseur.

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La richesse morale ou la morale de la richesse

Loot raconte l’histoire de Molly Wells (Rudolph), l’épouse d’un milliardaire vaguement inspiré de Jeff Bezos et d’Elon Musk (joué par Adam Scott, le gars de Severance), qui prend la décision de divorcer très publiquement en plein milieu de sa propre fête d’anniversaire après avoir appris les infidélités de ce dernier.

Il faut comprendre que Molly était aux côtés de John avant qu’il ne soit riche et a beaucoup contribué au succès de son entreprise avant de lui en laisser le contrôle et de commencer à profiter de leur fortune. Après avoir fait la teuf bien comme il faut pour soigner son cœur brisé, Molly décide de s’investir dans la fondation qui lui appartient mais dont elle ignorait jusque-là l’existence. Le cœur rempli de bonnes intentions, Molly devra sortir de sa tour d’ivoire et d’opulence afin de faire une vraie différence dans la vie des moins fortuné.e.s et ce sera… un processus plus long que prévu, on va dire.

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Bien qu’il s’agisse d’une comédie très assumée, Loot pose une question complexe et intéressante : est-ce possible d’être riche tout en possédant une conscience morale, ou est-ce que vivre moralement implique d’abord et avant tout le don (de soi, de son temps, de son argent, etc.) ?

Le génie de la série, c’est de prendre un problème à la base universel et théorique et d’y greffer des implications personnelles entre les personnages, et c’est franchement très réussi.

La culture américaine a toujours été un peu assise entre deux chaises à ce propos. D’un côté, les protagonistes riches à craquer ont toujours fait partie du paysage : Bruce Wayne, Tony Stark, Gomez Addams, Picsou, etc. Tout comme Molly, ils sont dépeints comme bien intentionnés, mais parfois maladroits dans leur désir d’aider les autres. Il y a aussi les riches méchants comme Ozymandias (de Watchmen), Willy Wonka et Harry Osborne, qui incarnent les inégalités systématiques et le gouffre infranchissable entre les classes sociales.

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Loot n’a pas la prétention d’offrir une réponse définitive à cette question, mais elle offre un regard différent à travers sa légèreté et le conflit idéologique entre Molly et la directrice de sa fondation Sofia Salinas (une Michaela Jaé Rodriguez au sommet de son art). Elles ont toutes deux le cœur à la bonne place, mais devront chacune faire leur bout de chemin afin de pouvoir se comprendre, s’apprécier mutuellement et travailler efficacement ensemble.

Le génie de la série, c’est de prendre un problème à la base universel et théorique et d’y greffer des implications personnelles entre les personnages, et c’est franchement très réussi.

L’art d’incorporer le comique au dramatique

Un autre aspect de Loot très réussi, c’est sa capacité à passer du comique au sérieux et du sérieux au comique dans la même scène. Parfois même entre deux plans. Non seulement cette agilité narrative garde la série hautement imprévisible, mais elle lui donne une plus grande portée dramatique. C’est plus facile de s’émouvoir du sort d’un personnage qui nous a tout d’abord fait rire, comme c’est plus facile de rire des déboires d’un personnage auquel on est déjà attaché.e.

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Au risque de me répéter, ce contraste prend vraiment vie à travers le personnage de Sofia Salinas, la directrice rigide et intimidante. Déstabilisée dans la hiérarchie professionnelle où elle occupait l’échelon supérieur avant l’arrivée de Molly, elle se retrouve confrontée dans ses valeurs et bouleversée par la philosophie de cette dernière, qui prône le self-care, la bonne humeur et l’harmonie avant le sentiment du devoir accompli. Cette tension fait crépiter non seulement les échanges entre Sofia et sa nouvelle patronne, mais aussi avec le personnel plus qu’heureux d’adopter un mode de vie moins austère.

C’est la parfaite comédie à regarder en début de soirée avec un p’tit verre de vin, peu importe si vous avez des plans ou non.

On aura droit à un nouvel épisode de Loot chaque vendredi pendant la majeure partie de l’été. C’est la parfaite comédie à regarder en début de soirée avec un p’tit verre de vin, peu importe si vous avez des plans ou non. Parce qu’une bonne comédie, c’est d’abord et avant tout un rendez-vous avec des personnages à travers lesquels on se retrouve et on se comprend mieux, et non pas juste une série de blagues sans queue ni tête. Les auteurs Matt Hubbard et Alan Yang ont plus que réussi à créer et à nourrir cet univers.

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Loot, c’est relax, drôle, touchant et parfois quand même profond. À apprécier sans « mettre son cerveau en mode off ».