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Qu’est-ce qui se passe en Ukraine ?

Explications d’une invasion redoutée.

Par
Jean Bourbeau
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L’invasion semblait imminente, mais on croit toujours aux promesses de paix avant les premières explosions. Alors quand j’ai lu la notification avisant l’entrée des troupes russes en Ukraine, j’ai compris que ça n’augure rien de bon.

Après avoir cité à voix haute la déclaration guerrière du président ukrainien Volodymyr Zelensky à mes amis, j’ai réalisé à travers leur hésitation que ce n’est pas une maigre tâche que celle de voir clair dans le conflit actuel. Pour mieux comprendre la situation, il faut revenir un peu en arrière.

La genèse du conflit

Autrefois un important bastion industriel de l’Union soviétique, l’Ukraine obtient son indépendance par la voie d’un référendum démocratique en 1991, donnant un dur coup à la superpuissance en déclin.

Après la chute de l’Empire soviétique, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) commence une politique expansionniste vers l’Est, intégrant dans ses rangs de nombreux anciens pays communistes.

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En 2008, l’OTAN dévoile son intention de proposer l’adhésion à l’Ukraine. Une manœuvre peu appréciée du Kremlin, car pour Vladimir Poutine, l’Ukraine fait partie de la Russie. Culturellement, linguistiquement et politiquement. L’OTAN déplaçant son influence vers l’Est incarne une menace pour l’influence de son pays.

Si une partie de la population russophone de l’Est de l’Ukraine partage ce point de vue, la population de l’Ouest aux tendances nationalistes est davantage favorable à une plus grande intégration à l’Europe.

Du Maïdan à la guerre

Début 2014, à la suite d’imposantes manifestations pro-européennes, la révolution du Maïdan éclate dans la capitale Kiev, conduisant à la destitution de Viktor Ianoukovitch, président proche de Moscou. Les statues de Lénine tombent partout au pays. Des amendements sont apportés à la constitution. L’influence de Poutine s’effrite dans l’ouest du pays.

La place de l’Indépendance (Kiev) après un assaut des forces de sécurité lors d’Euromaïdan (février 2014). Source : Wikipedia
La place de l’Indépendance (Kiev) après un assaut des forces de sécurité lors d’Euromaïdan (février 2014). Source : Wikipedia
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La Russie répond au Maïdan avec l’annexion de la péninsule de Crimée et en appuyant militairement et financièrement les séparatistes du Donbass, région minière de l’Est historiquement russophone.

La tension passe de l’insurrection à la guerre entre l’armée ukrainienne, les milices nationalistes de Maïdan et les Ukrainiens russophones séparatistes de l’Est. Un conflit meurtrier sur tensions historiques, culturelles et géopolitiques entre deux visions de l’Ukraine, articulant en parallèle l’ingérence du soft power russe sur l’échiquier mondial.

Le conflit au Donbass fait plus de 14 000 morts et n’a jamais semblé complètement éteint. Malgré un accord de cessez-le-feu signé en 2015, les deux parties n’ont pas connu d’accalmie concrète avec de nombreux attentats au cours des dernières années.

Depuis, les efforts de Poutine pour ramener l’Ukraine dans le giron russe ont été accueillis avec hostilité par la population ukrainienne, révélant qu’une majorité du pays est désormais favorable à l’adhésion à l’OTAN.

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Au cours des huit dernières années, Moscou a été accusé de mener une guerre de coulisse envers l’Ukraine : cyberattaques, pressions économiques et propagande pour semer la zizanie. Les tensions entre les deux pays ont récemment été exacerbées par l’aggravation d’une crise énergétique, le pays au drapeau jaune et bleu coincé au centre d’un important projet de pipeline entre l’Allemagne et la Russie.

Capture d’écran YouTube
Capture d’écran YouTube

Accord de paix et invasion

Ces derniers mois, la Russie a déployé une artillerie lourde d’aussi loin que de la Sibérie pour se rapprocher des frontières ukrainiennes, l’entourant rapidement par près de 150 000 soldats. Conséquemment, le discours du président russe s’est durci jusqu’à nier l’État ukrainien et déchirer l’accord de paix.

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Mardi soir, les feux d’artifice rayonnaient dans le ciel du Donbass alors que les automobilistes klaxonnaient en montrant fièrement leurs drapeaux russes. Les régions de Donetsk et de Lougansk sont déclarées par Moscou nouvellement indépendantes du régime de Kiev.

Selon la dernière étude de l’institut de sondage VtsIOM, 73 % des Russes soutiennent la décision de Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des Républiques séparatistes. Une opération qui préparait, selon plusieurs expert.e.s, une offensive en sol ukrainien.

Jeudi matin, le scénario tant redouté s’est mis en place. Les forces russes ont envahi l’Ukraine par voie terrestre, aérienne et maritime, ciblant majoritairement les aéroports et les quartiers généraux militaires. Le gouvernement ukrainien rapportait des explosions à Kiev, Odessa, Kharkov et dans plusieurs autres villes du pays.

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On peut d’ailleurs témoigner d’images alarmantes montrant d’interminables cordons de voitures citoyennes fuyant les grands centres urbains, tandis que le trafic aérien est complètement arrêté.

L’objectif stratégique de Poutine serait ultimement de prendre le pouvoir de Kiev et d’y implanter un gouvernement allié à son régime.

La suite des événements

Cette nation démocratique de 42 millions d’habitant.e.s se transforme donc potentiellement en théâtre du plus grand conflit militaire européen depuis la guerre des Balkans. Un affrontement ouvrant la voie à un risque de morts vertigineux, une crise de réfugié.e.s et des bouleversements économiques pouvant affecter l’entièreté du marché mondial. À titre d’exemple, l’actuelle hausse du prix du carburant est symptomatique de l’escalade des dernières semaines.

Actuellement, 5 700 soldats américains sont localisés à la frontière polonaise et 4 800 soldats de l’OTAN en périphérie, dont une majorité en pays baltes. Le président américain Joe Biden a promis de tenir la Russie responsable, mais ne compte pas pour l’instant intervenir sur le terrain.

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La quasi-totalité du monde, outre la Chine, a condamné l’attaque. Justin Trudeau a accusé Moscou de violation à la souveraineté ukrainienne. L’Union européenne a annoncé qu’elle imposera des sanctions aux banques qui financent Poutine. Les États-Unis et le Royaume-Uni entendent poser des gestes similaires. La première vague de riposte s’installe donc autour d’une tactique d’isolement bancaire. De l’avis de plusieurs spécialistes, ces sanctions initiales s’avéreront peu efficaces.

L’impérialisme russe en Ukraine met en danger la paix en Europe et la suite des événements pourrait affaiblir l’entièreté des structures sécuritaires du continent.

Le futur de la situation ukrainienne s’annonce inquiétant et l’avenir rapproché difficile à évaluer, car le passé nous rappelle qu’on ne sait jamais ce qu’il y a dans la tête de Vladimir Poutine.

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