L’autrice est sexologue. Pour encore plus de conseils éclairés, visitez son compte Instagram et son blog La Tête dans le cul.
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Question quiz : parmi ces situations, qu’est-ce qui constitue une infidélité ?
– Flirter
– Embrasser
– Avoir une relation sexuelle
– Sexter
– Regarder du porno
– Fantasmer sur son.sa collègue de bureau
⏱️Tic, tac, tic, tac… Verdict ? Toutes ces réponses et… aucune de ces réponses !
Je vous explique.
La notion d’infidélité peut être vue de bien des manières. Dans sa définition la plus simple, il s’agirait d’un manquement à un engagement. Parmi ses synonymes, on retrouve : adultère, abandon, déloyauté, et j’en passe.
Pour comprendre ce qui peut mener à la considérer comme une trahison, il faut d’abord s’intéresser à ce qui définit son antonyme : la fidélité.
Une notion bien différente selon chaque personne et, surtout, selon chaque configuration relationnelle.
Dans certains cas, le simple fait que le ou la partenaire regarde du porno en solo peut déclencher des insécurités importantes et le sentiment qu’il y a manquement au sein d’une entente d’exclusivité. Tandis que chez un autre couple, la limite pourra s’étirer à l’acceptation d’une relation sexuelle en dehors du couple, tant qu’il s’agit d’un.e inconnu.e et qu’on n’en parle pas.
Rappelons-nous que, comme société occidentale, nous avons mis la fidélité sur un piédestal via la monogamie. Si, à certaines époques, celle-ci servait surtout à assurer la « pureté » d’une lignée familiale, elle demeure quand même un jalon important de notre écosystème social, ce qui fait que l’infidélité est assez mal vue, merci.
Cela dit, elle fait encore et toujours le bonheur des presses à potins et, malgré la mauvaise réputation des faiseurs ou faiseuses de cocu.e.s, les tricheurs et tricheuses persistent et signent. Comment cela s’explique-t-il ?
HUIT MOTIVATIONS
Selon une étude* américaine de 2020 qui a eu beaucoup d’échos dans les médias à l’époque, on estime que ces huit facteurs poussent les gens à être infidèles :
– La colère (Tu m’as trompé.e ?!)
– L’estime de soi (J’ai besoin de me retrouver !)
– L’absence d’amour (Je me demande si je t’aime encore…)
– Un faible engagement (Je ne me sens pas/plus impliqué.e. dans le couple…)
– Le besoin de variété (J’ai envie de vivre d’autres expériences !)
– La négligence (Tu ne t’intéresses plus à moi !)
– Le désir sexuel (Notre sexualité n’arrive pas à me combler…)
– Une opportunité qui se présente (J’avais besoin de me vider la tête et c’est juste arrivé…)
C’est à la fois intéressant et pas si surprenant que ça et il y a des parallèles évidents avec ce que je vois en clinique. J’y reviens.
Mais, mais, mais…
Je le redis : il faut garder en tête que ces éléments existent au sein d’un paradigme monogame. Il s’agit d’un rappel important, car de plus en plus de gens s’intéressent à la non-monogamie, entre autres parce qu’on y redéfinit la notion de fidélité et d’engagement amoureux. Mais attention, ça ne veut toutefois pas dire que tout est nécessairement rose bonbon dans toutes les configurations non-monogames ! Tout le monde a ses enjeux et l’infidélité existe aussi dans la non-monogamie. C’est plutôt que ces motivations, lorsqu’on les analyse via une lunette sensible aux multiples configurations relationnelles, apparaissent pour ce qu’elles sont : des barrières qui pourraient être vécues et perçues différemment, voire surmontées.
« Bon, elle veut qu’on vire toustes non-monogames ! »
Vous avez tout compris. C’est mon plan machiavélique depuis le début. MOUHAHA! 😈
Ben non. 😉
Mais comme sexologue qui travaille entre autres avec de la clientèle non-monogame, il me semble important de souligner que, si l’infidélité demeure une constante dans la longue histoire du couple monogame, c’est peut-être… parce qu’on est pas toustes fait.e.s pour l’être ! Bref.
LA RÉALITÉ EN CLINIQUE
Revenons donc à nos moutons (moutons, sauter la clôture, oui ? Vous avez le droit de me dire #okboomer, je le prendrai pas mal 👵).
En clinique, donc, j’observe beaucoup ces différents scénarios :
La connexion intellectuelle/émotive/physique avec une autre personne que son ou sa partenaire
Ça arrive plus souvent qu’on le pense et le bureau est un lieu important pour faire des rencontres significatives. Pas vraiment étonnant quand on sait qu’on passe énormément de temps au travail, parfois même plus qu’à la maison dans certains cas.
Le sabotage
Lorsqu’une relation traîne de la patte, ne va plus, mais que personne n’ose bouger par peur/habitude/confort, etc. Ce n’est pas toujours évident de mettre fin à une relation, alors parfois, le message passe via l’infidélité. Est-ce l’idéal ? Pas vraiment. Mieux vaut en parler et affronter la situation plutôt que de créer des blessures émotionnelles supplémentaires. Mais ça arrive et c’est la vie.
Le besoin de se sentir désiré.e
Après un certain temps, la plupart des couples deviennent routiniers et un confort s’installe. On prend peut-être un peu l’autre pour acquis.e et les différentes stratégies pour attirer son attention prennent le bord.
Pas étonnant alors qu’on puisse ressentir le besoin de plaire à nouveau, via des yeux frais et disponibles.
Bref, on recherche de la validation qu’on ne reçoit peut-être plus autant de la part de son ou sa partenaire de vie.
La recherche de sensations fortes
Pour certaines personnes, l’attrait de l’infidélité réside dans le thrill de tromper, de jouer avec le feu. L’envie de vivre quelque chose d’interdit, la transgression peut être excitante pour des gens qui ont un grand besoin de sensations fortes. Il y a souvent derrière cela l’idée de « se sentir vivant.e ». Dans certains cas, c’est également une forme de fuite et d’évitement de la réalité.
FIDÉLITÉ, INFIDÉLITÉ… BREF, FAUT EN PARLER !
Évidemment, si l’infidélité fait peur à de nombreuses personnes – monogames et non-monogames –, c’est qu’elle est souvent associée à beaucoup de souffrance (blessures d’égo, sentiment de trahison, d’abandon, etc.), ce qui contribue à sa mauvaise réputation. Par contre, c’est aussi parce qu’encore trop peu de gens se permettent d’aborder le sujet pendant leur relation, souvent à cause de ce qu’on s’est dit au bar lors d’un premier ou deuxième date (« Moi, l’infidélité, c’est tolérance zéro ! »). Il y a toutefois de fortes chances que, 5 ans plus tard, le discours soit plus nuancé, voire complètement différent… ou pas. Tout dépend de vos expériences de vie, de votre façon de percevoir la relation, de son évolution, de vos limites, de vos besoins, etc. Tous ces éléments peuvent changer et évoluer au fil de votre vie.
Pour éviter les grands drames, on peut simplement avoir une discussion honnête et laisser la porte ouverte pour revisiter le sujet de temps à autre, question de voir si on est toujours sur la même longueur d’onde.
Et tout bonnement aussi parce que le manque de communication… est souvent nommé parmi les raisons d’être infidèle. The more you know, comme on dit ! ✌️
*L’étude est à prendre avec un grain de sel étant donné son petit échantillonnage (495 personnes) et la faible représentativité de la diversité sexuelle et la pluralité des genres (majorité de personnes hétérosexuelles).