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Que faire quand on est une marque associée à une personnalité visée par des allégations d’inconduite sexuelle?
La vague de dénonciations de harcèlement sexuel qui déferle sur les réseaux sociaux impliquant plusieurs personnalités a été à l’origine de fins abruptes des collaborations entre des marques et leurs représentants. Les dernières en date, le départ de plusieurs cadres du géant du jeu vidéo, Ubisoft, accusés de harcèlement et d’agression sexuel, dans une enquête publiée par Libération.
Fin juin, plusieurs accusations envers deux employés du studio canadien d’Ubisoft sont apparus sur les réseaux sociaux. Rapidement, les langues se sont déliées et de nombreuses personnes parlent aujourd’hui d’une « ambiance toxique » au sein de l’entreprise. Serge Hascoët, directeur créatif et numéro 2 de l’entreprise française, est particulièrement visé par ces allégations et a remis sa démission le 12 juillet, tout comme le directeur du studio canadien, Yannis Mallat.
« Tout comportement toxique est en opposition totale avec les valeurs avec lesquelles je n’ai jamais transigé et avec lesquelles je ne transigerai pas. Je suis plus que jamais déterminé à mettre en œuvre des changements profonds afin d’améliorer et renforcer notre culture d’entreprise », assure Yves Guillemot, fondateur et PDG d’Ubisoft, dans un communiqué publié le 12 juillet.
Si certaines personnes ont pu juger ces décisions hâtives, selon la professeure d’éthique organisationnelle à HEC Montréal, Joé T. Martineau, elles sont tout à fait compréhensibles. «Dans la mesure où la personne mise en accusation reconnaît une partie des faits, les carottes sont cuites et l’entreprise doit avancer rapidement. Elles n’ont pas vraiment le choix de se dissocier de cette personne. Elles vont mettre en avant leurs valeurs et dire que la personne ne correspond pas à leurs valeurs», explique-t-elle. Mais est-ce la seule chose à faire? Lorsqu’une organisation se retrouve face à ce type de situation, jusqu’où s’étend sa responsabilité?
Être authentique dans ses valeurs
Selon Joé Martineau, les entreprises doivent être en phase avec la société dans laquelle elles font leurs affaires. Si elles sont authentiques dans leurs valeurs, cela devrait s’illustrer autant dans leur communication que dans leurs pratiques organisationnelles. «Est-ce qu’elles ont des programmes de sensibilisation ou de formation au sein de l’organisme pour tenter de minimiser ces enjeux à l’interne? Si c’est le cas, elles pourraient le mettre en avant.»
Dans son communiqué, Ubisoft estime que les accusations envers Yannis Mallat, dirigeant des studios canadiens d’Ubisoft « ne lui permettent pas de continuer à assurer ses responsabilités », alors que le PDG d’Ubisoft, Yves Guillemot assurera par intérim le rôle du numéro 2 Serge Hascoët à la suite de sa démission. Contacté à ce sujet, Ubisoft n’a pas répondu à nos sollicitions.
En matière d’actions à court terme, une boîte dans cette situation peut poser un geste concret en faveur des victimes. A la suite de l’enquête publiée par Libération et d’une enquête interne au sein de l’entreprise, Serge Hascoët, numéro 2 de l’entreprise, a démissionné et des cellules d’écoute ont été mises en place. Cette dernière mesure est indispensable selon Emmanuelle Piet, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Présidente et porte-parole du collectif féministe contre le viol (CFCV) : « La moindre des choses serait que les victimes puissent avoir un lieu pour parler et être accompagné dans leur plainte (…) Il faut absolument qu’elles soient entendues et que quelque chose s’organise au niveau des ressources humaines »
Diriger les victimes vers les ressources existantes
D’une façon assez simple, les compagnies peuvent ajouter à leurs publications des liens vers les organismes spécialisés dans le soutien et l’aide aux victimes. « Quand on travaille avec des entreprises où il y a eu des agressions sexuelles, nous proposons que notre ligne téléphonique soit utilisée, puisqu’on n’est pas partie prenante au sein de l’entreprise », propose Emmanuelle Piet.
Pour la présidente de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes, Arlène Gaudreault, ce n’est pas le rôle de ces entreprises d’aider les victimes. Elle considère néanmoins qu’elles ont une responsabilité à faire plus que juste entendre leur voix. «On doit inviter les victimes à se tourner vers les organismes qui sont là pour les aider et les accompagner. C’est ça le message qui doit être véhiculé et qui m’apparaît primordial», indique-t-elle.
C’est d’autant plus important en ce moment quand ces sujets font les gros titres de l’actualité et sont largement commentés sur les réseaux sociaux. Ces périodes de dénonciations peuvent être encourageantes pour les victimes, qui peuvent se sentir moins isolées face au problème, comme l’indique la Présidente du CFCV : « Si tout à coup, elles s’aperçoivent qu’elles ne sont pas toutes seules et qu’on peut être à plusieurs, ça renforce bien sûr le moral et la possibilité d’avoir des actions. Il faut qu’elles sachent que si elles se sentent mal, il y a des choses qui peuvent être faites pour les aider »
Nous avons inclus une liste d’organismes de soutien à la fin de cet article.
Des recherches en amont?
Mais plutôt que de tenter de limiter les dégâts, est-ce qu’on ne peut pas tenter d’anticiper l’avant? Selon Joé T. Martineau, c’est déjà le cas. «Ces entreprises, je suis sûre qu’elles font des recherches sur les casiers judiciaires et sur l’existant. Elles ont des avocats spécialisés dans ce genre de vérification pour essayer d’anticiper, mais c’est très difficile», note-t-elle.
Et améliorer cette pré-recherche? Cela semble compliqué pour la professeure. «C’est pour ça qu’elles bougent rapidement quand ces affaires émergent. Il y a toujours des clauses dans leur contrat, l’advenant ou si une situation comme celle-là éclate elles peuvent y mettre fin. Et c’est ce qu’elles font.»
Si vous ou un de vos proches a été victime de harcèlement ou d’agression sexuelle, voici les associations de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles que conseille le gouvernement :
3919
0 800 05 95 95
0800 08 11 11
01 40 01 90 90
01 43 48 10 87
01 30 31 05 05
01 45 84 24 24
FDFA – Femmes pour le dire Femmes pour agir
01 40 47 06 06