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Quand va-t-on enfin s’occuper des mal-logés en France ?

70 ans après l'appel de l'Abbé Pierre, le mal-logement en France reste alarmant.

Par
Lisa Coll
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Il y a soixante-dix ans jour pour jour, l’Abbé Pierre lançait à la radio son appel à l’aide en faveur des sans-abris. Aujourd’hui, et comme tous les ans, la fondation Abbé Pierre vient de rendre public son 29e rapport sur « L’état du mal-logement en France ». Ce qui ressort de cette analyse de plusieurs centaines de pages : 2023 restera l’année d’une aggravation alarmante de la crise du logement.

2023, c’est donc 330 000 personnes sans domicile (contre 143 000 en 2012), 8 351 personnes en demande non pourvue au Samu social chaque soir dont plus de 2 822 mineurs mais aussi 26 % des ménages qui ont eu froid chez eux en 2023 (contre 14 % en 2020). Ces 25 dernières années, jamais autant de personnes n’avaient vécu sous le seuil de pauvreté, avec au total 9 157 000 cas recensés. La demande étant quatre à cinq fois supérieure à l’offre, le logement social est saturé et la liste des demandeurs s’allonge encore et encore.

Le rapport parle d’un « déni de fraternité » dans une société pourtant riche qu’est la France, reflétant une forme d’abandon des plus précaires. Laurent Desmard, président de la fondation, met également l’accent sur « l’habitat indigne », qui ne cesse d’augmenter, que ce soit dû à la dégradation de la structure des logements, à leur équipement ou à leur entretien. Moins marquant et visible, il n’en demeure pas moins urgent.

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Une crise globale

Ces constatations s’inscrivent dans une crise de l’immobilier plus globale, qui dure depuis plusieurs années déjà. Pour résumer : on ne construit pas assez d’habitations, les acheteurs modestes n’arrivent plus à acheter, les banques prêtent moins et les locataires ne trouvent plus rien à louer à des prix abordables.

L’effort public global consacré au logement n’a jamais été aussi faible. Par rapport à 2010 par exemple, ce sont 15 milliards d’euros en moins, dont 4 milliards à cause du réajustement des APL.

Malmenée depuis 2017, la question du logement continue d’être traitée en surface par l’État d’après la fondation, et avant tout à travers le prisme budgétaire, au détriment de la dimension sociale du mal-logement. L’absence de réponse réelle est sûrement liée au refus de prise en compte de la complexité et de la gravité de la situation.

Une violente absence de réponse

Parce qu’il faut tout de même remarquer quand des efforts ont été fournis, même si à eux seuls ils ne suffisent pas, on peut féliciter le fait que la rénovation énergétique des habitations soit devenue un réel enjeu dans la lutte contre le réchauffement climatique. En 5 ans, les aides de l’État pour la rénovation ont été quadruplées.

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Dommage que cela se fasse au détriment de la lutte contre l’habitat indigne. Les deux enjeux se retrouvent en concurrence alors que les interventions devraient être pensées de façon complémentaire.

L’année 2023 a également vu les pouvoirs publics tenter de reprendre la main en animant un Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement. Mais le sujet n’a débouché sur aucune réelle décision. Une occasion ratée dénoncée par l’ensemble de la filière.

Une loi immigration qui pourrait aggraver la situation

Le rapport de la fondation souligne les conséquences de la loi immigration sur les personnes en exil. Au-delà de porter atteinte à leurs droits fondamentaux, il est certain que les migrants auront encore moins accès au soin, à l’accueil, à l’intégration, au travail et au logement que tout humain mérite, même sans papiers.

Même si la censure de plus de 35 articles par Conseil constitutionnel a été annoncée, il y a fort à parier que les étrangers se retrouvent en précarité plus qu’ils ne le sont déjà et que, faute de mieux, ils se tournent vers des réseaux illégaux de travail et de logement, ce qui serait complètement contre productif.

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La fondation Abbé Pierre préconise, entre autres et comme base de réflexion, l’instauration d’un ministère du logement. Ce n’est pas le cas jusqu’à présent, ce qui illustre à nouveau un manque de volonté sur ce sujet, « souvent considéré comme un sujet technique et très coûteux ».