.jpg)
Eh beh, ce n’est pas une partie de plaisir, que ce soit un choix, ou non. Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai pas beaucoup d’exemples en tête de familles monoparentales avec un.e parent épanoui.e. dans mes proches, il faudrait peut-être fouiller du côté des personnalités visibles, mais la donne n’est pas vraiment la même quand tu as de l’argent et des aides à domicile qui peuvent t’aider H/24 (et tant mieux pour ces stars, hein).
Pour être précise, une famille monoparentale, d’après l’Insee, comprend « un parent isolé et un ou plusieurs enfants célibataires (n’ayant pas d’enfant). » Il n’y pas de co-parent, pas de garde alternée, il n’y a qu’un seul adulte responsable de la bande plus ou moins grande de petites personnes mignonnes et exigeantes (qu’on aime très fort).
Ça peut faire rêver, parfois, cet isolement. Les copaines en couple avec des enfants et qui doivent prendre en compte les besoins de tout le monde, enfants et du conjoint.e compris.e, aimeraient bien être à ma place, quelques fois, je le sais. Rester devant la télé aussi longtemps que je veux devant le programme que j’ai choisi, laver la salle de bains seulement si j’en ai envie, manger des céréales tous les soirs : ah oui, gros panard.
Personne ne ronfle dans mon lit. Personne ne me râle dessus parce que je me suis trompée de marque de yaourts, ou parce que j’ai pas nettoyé les vitres (enfin, j’espère qu’aucun être humain ne fait ça), ou parce que je n’ai pas toujours fait la vidange de la bagnole. Personne avec qui négocier le partage des tâches ménagères, ou les jours de garde pour les parents séparés. Personne, non.
Du coup, personne pour payer une partie du loyer, des courses, des charges diverses, personne pour aider aux tâches quotidiennes, personne pour me relayer si je suis malade ou accidentée, personne pour aller chercher les enfants à l’école, personne, non. Sans parler de la tendresse. Et de la charge émotionnelle.
« Une famille sur quatre est monoparentale. Deux millions de familles en France. Et qui en parle ? Qui s’inquiète de la santé mentale de la ou du parent qui élève, éduque, soigne, nourrit un ou des enfants ? Et qui s’inquiète pour les enfants ? »
Il y a aussi la confrontation constante avec les attentes sociétales. Une partie de la société attend encore des mamans qu’elles restent à la maison, une autre pense qu’il vaut mieux être indépendante financièrement. Il faut être disponible pour les réunions scolaires, les sorties et avoir un super job. Mais travailler à temps plein quand on doit s’occuper d’un ou plusieurs enfants, ça peut relever de l’exploit olympique. Dans mon cas, j’ai quatre jours à consacrer au travail, de 9 heures à 16 heures. Je suis contrainte par les horaires d’école. Pour des tas de très bonnes vraies raisons concrètes (puisqu’il faut toujours se justifier de tout, comme si nous étions d’avance coupables de quelque chose, en particulier d’assistanat et de fainéantise), je ne peux pas faire autrement. Une de mes filles est handicapée, elle a un suivi médical important. Je dois être là. J’ai parfois un peu d’aide extérieure, mais ce n’est pas pareil qu’un deuxième parent et ce n’est pas tout le temps. Tout cela pour dire que mon niveau d’employabilité n’est pas élevé et que plus le temps passe, plus il baisse.
Toujours d’après l’Insee, une famille sur quatre est monoparentale (25 % des huit millions de foyers comptant un ou plusieurs enfants). Deux millions de familles en France. Et qui en parle ? Qui s’inquiète de la santé mentale de la ou du parent qui élève, éduque, soigne, nourrit un ou des enfants ? Et qui s’inquiète pour les enfants ? En 2018, 41 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté. Un tiers des parents dans ce type de famille n’a pas d’emploi.
Et, constate l’Insee, les situations des familles plus nombreuses et des familles monoparentales sont souvent similaires. Dans le premier cas, la mère est souvent éloignée de l’emploi, elle est « au foyer » (on dirait qu’elle est enchaînée à sa maison, c’est souvent le cas, mais ça peut être un choix aussi, qui se défend mais bon c’est pas le sujet). Dans le second cas, les mères –qui représentent la majorité des parents isolés- n’a pas la possibilité de travailler 35 heures par semaine. Et c’est ça qui entraîne la pauvreté, entre autres. Que dit encore l’Insee ? « Les enfants en famille monoparentale avec leur père sont moins souvent pauvres que ceux résidant avec leur mère ». Ah. Ces pères sont plus souvent propriétaires de leur logement, ils sont mous souvent au chômage et ils sont plus souvent cadres en entreprise. Serait-ce… serait-ce que la société « serait » encore patriarcale et que les hommes, quelle que soit le contexte, bénéficieraient de conditions plus favorables alors que les femmes seraient sorties de l’emploi ou seraient moins payées et vivraient plus dans la précarité, hum ? Au hasard.
Je vous raconte tout ça et je sais que, même avec ma situation un peu nulle, je suis privilégiée, parce que je suis une femme cis blanche sans handicap visible qui ne subit pas de discriminations (autre que celles liées à mon genre) et que je n’ai pas trop de scrupules à demander de l’aide auprès des organismes. Cela fait que je n’ai pas honte d’avoir ce besoin d’assistance et de la réclamer. Encore faut-il la trouver, cette aide, parmi toutes les possibilités qui existent, conditionnées à des critères parfois abscons, et comprendre les démarches à accomplir. Encore faut-il avoir la force de prendre la mesure de sa détresse.