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« Maman, j’ai mal au ventre ». « Madame, vous pouvez venir chercher votre fille ? Elle a un problème ». Ah, ces petites phrases qui transforment votre journée planifiée au carré en problème de mathématiques insoluble, genre quadrature du cercle. Vous voyez ?
Vous êtes sur le chemin du travail, vous pensez à ce qui vous attend, la présentation chez le client d’un nouveau plan de communication révolutionnaire avec JeanMi dit « le relou », le déjeuner avec Caro la super copine, les courses avant d’aller chercher l’enfant à la crèche ou à la garderie ou à l’école, et le portable sonne. C’est l’école. La prunelle de vos yeux a de la fièvre, ou il a vomi. Évidemment, on vous appelle vous, pas le papa (si nous sommes dans le cas d’une famille hétéro), mais vous, vous l’appelez. Et idéalement, je dis bien idéalement, il prend le relais, récupère la progéniture, l’emmène chez le médecin, la dorlote.
Même scénario si l’enfant tousse, se blesse, ou se lève en rendant à Dame Nature tout ce qui lui est due sur le tapis du salon : avec votre coparent, vous vous organisez. Et donc, idéalement, vous partagez les tâches (j’insiste sur l’idéalement. On se rappelle de la polémique qui avait entouré une vidéo de Titiou Lecoq, l’autrice de l’indispensable Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale qui avait choisi de laisser le père gérer l’otite de son petit garçon). A la prochaine grippe, ce sera votre tour de sacrifier un jour de repos ou « enfant malade » et à vous aussi de manger des gâteaux devant Pat’Patrouille.
Je vous envie. La dernière fois, j’ai dû emmener ma fille aux urgences pédiatriques (y’avait rien, ne vous en faites pas), l’autre était à l’école. Et aller aux urgences, on sait quand ça débute, mais on ne sait pas ça se termine. Du coup, pendant que les médecins défilent, faut s’organiser (pour ce coup, ce jour-là, ce fût facile).
Il m ’est arrivé un grand nombre de fois de me dire : « Heureusement, je ne travaille pas ». Enfin, je ne travaille pas, les parents savent ce que je veux dire.
Et j’ai l’habitude, hein, mon aînée est épileptique, on en a vécu des crises et des hospitalisations, et des trajets en ambulance. C’était moins facile, la fois où elle a fait une crise dans la rue, au retour de l’école, alors que sa frangine était en crèche. Porter la môme, appeler les pompiers, demander à la crèche d’exceptionnellement garder la petite plus longtemps, appeler les copains pour qu’ils la gardent parce que je vais être bonne pour une nuit à l’hôpital vu l’heure, voir sa première fille partir en ambulance, préparer des sacs pour tout ce petit monde, aller à la crèche et déposer la deuxième enfant chez les copains qui vivent LOIN mais qui sont mes sauveurs, retourner à l’hôpital sans avoir aucune nouvelle de sa fille aînée… J’vous jure, c’est épuisant. Et ce n’est pas quelque chose de rare. Il m’est arrivé un grand nombre de fois de me dire : « Heureusement, je ne travaille pas ». Enfin, je ne travaille pas, les parents savent ce que je veux dire.
Je n’imagine pas trop les contraintes supplémentaires que ça m’apporteraient d’avoir un boulot de bureau. Il me faudrait faire de la paperasse en plus pour bénéficier de congés de présence parentale (c’est un nombre de jours limités que l’on a droit de prendre en cinq ans quand on a un enfant malade ou en situation de handicap, le nombre de jours ne double pas si on est un parent isolé, bien entendu). J’ai essayé de travailler quelques heures par semaine, mais c’était vraiment compliqué de jongler entre les rendez-vous médicaux et le boulot.
Quand les deux enfants sont malades en même temps, c’est presque trop fastoche, parce qu’au moins, je n’ai pas de problème de garde.
Du coup, je suis chez moi. Quatre jours par semaine, de 8 heures 30 à 16 h 15 (l’heure à laquelle le taxi ambulance me ramène mon aînée), je peux travailler de chez moi. Pour vous, cher.ères lecteurices. Et pour le foyer. Une de mes occupations favorites, c’est le tri des médicaments. J’ai tellement de crèmes différentes pour mes filles que je me demande si entamer une collection pourrait valoir le coup. L’eczéma, la peau atopique, les boutons de moustique, les bleus, les démangeaisons mal placées. Et puis les antibiotiques, les sirops, les poudres… Chaque boîte ou flacon me rappelle des petits souvenirs (rarement mignons). « Ah ça, c’est le pieds-mains-bouche de l’année dernière ! Et ça, c’est la gastro de février, je garde. Et ce truc, c’est contre les poux, mais c’est ouvert depuis trois ans, hum. Voyons, je dois renouveler cette ordonnance et racheter du désinfectant… Ah non, j’ai au-moins trois sprays de marques différentes ! »
Quand les deux enfants sont malades en même temps, c’est presque trop fastoche, parce qu’au moins, je n’ai pas de problème de garde. Je m’occupe des deux en les cajolant et en surveillant, armée de mon fidèle thermomètre électronique, leur température. Faut juste pas que je chope leurs saletés de microbes.
Parce que ça, le parent qu’est seul, c’est une de ses angoisses supérieures. J’ai une espèce de garantie auprès de ma banque : si je me pète un bras, j’ai de l’aide à domicile à foison. Mais pour une grippe, un Covid (double angoisse, je croise les doigts), une gastro, rien, queud’, nada, je me démerde. J’ai déjà allégrement vomi dans mon évier alors que mes filles pleuraient sur le palier, enfermées dans la poussette, j’ai failli m’évanouir, j’ai souffert le martyre avec ma double otite : c’était vraiment, pardon pour le terme, le gros caca. Pas le choix, dans ces cas-là, faut appeler à l’aide. J’envoie, généralement, des sms à mes ami.es, quitte à ce que trop de personnes soient prêtes à m’aider. Qu’ielles en soient ici remercié.es, car toujours des solutions ont été trouvées.
Mais la charge mentale qui se rajoute à la maladie, que ce soit celle de nos enfants ou la nôtre, c’est vraiment le bouton de fièvre sur le gâteau au paracétamol.