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Quand l’anti-ambition est la clef du bonheur

Faire ce qu'on aime dans la vie, ça veut parfois dire mettre le succès en veilleuse.

Par
Alexandre Perras
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Est-il possible d’être heureux sans nécessairement s’accomplir selon les codes de réussites dominants? De bonnes notes à l’école, un bon travail (prestigieux, si possible), une belle maison, de beaux voyages, tout ça au vu et au su de tous?

Imaginons-nous dans un univers parallèle dans lequel le succès et la compétition n’agissent pas comme carburant de notre société.

Un univers où être juste OK serait bien. Très bien même.

Un univers où aspirer aux premières positions et être le ou la meilleur.e de la classe n’aurait plus réellement d’importance. Un univers où être juste OK serait bien. Très bien même.

Cet univers est celui de Paul Douard, auteur du livre Je cultive l’anti-ambition, qui, après s’être fait royalement chier dans un bar de danseuse de Budapest, a choisi de changer sa vision du bonheur.

Le rédacteur en chef du média VICE France a pris la décision de laisser les choses se faire et d’accepter le sort que la vie lui réservait. Ce faisant, il a finalement obtenu « l’inaccessible », soit une vie meilleure.

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L’anti-ambition, un concept « complexe » à adopter

D’entrée de jeu, on pourrait imaginer l’anti-ambition comme le manque de volonté ou la loi du moindre effort et c’est ce que c’est, techniquement. Toutefois, Paul Douard l’aborde selon une perspective plus personnelle, disons.

« À première vue, on pourrait croire à tort que je prône de rester chez soi, pour ne rien faire et attendre que les choses se passent. Mais non, ce n’est pas ça. C’est plus une question d’équilibre entre des choix personnels et des choses qu’on n’a pas vraiment envie de faire », m’explique-t-il.

Ne pas avoir le goût de se forcer dans son cours de comptabilité, mais s’impliquer à fond dans les Jeux du commerce. Se faire chier au travail, mais revenir à la maison pour écrire des articles pour un média. Mettre ses énergies dans ce qu’on aime faire finalement.

« Les adeptes de l’anti-ambition n’ont ni le profil du parfait branleur, qui fout rien du tout, mais ne sont pas non plus les premiers de classe qui décrochent tous les diplômes. »

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« Les adeptes de l’anti-ambition n’ont ni le profil du parfait branleur, qui fout rien du tout, mais ne sont pas non plus les premiers de classe qui décrochent tous les diplômes. On se retrouve donc entre deux modèles », raconte Paul Douard.

Aussi simple soit-il, ce juste milieu semble plutôt difficile à adopter tant « notre société occidentale nous fait croire chaque jour dans des articles LinkedIn et Medium que tout est possible à force de travail et d’abnégation ».

Pourquoi aller à contre-courant du discours populaire alors?

Vivre pour le périple et non la finalité

« J’ai trop longtemps fait des choses que je n’aimais pas. Et je me suis demandé ce que j’avais réellement envie de faire? Écrire ça me fait rire, j’aime bien. J’ai essayé et j’ai échoué plusieurs fois, mais c’est ce qui me rendait heureux », poursuit l’auteur.

Celui qui est rédacteur en chef de VICE France depuis presque un an aborde son périple jusqu’à cette position et la rédaction d’un livre comme un long voyage.

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« Je ne suis pas arrivé ici en claquant des doigts, il y a trois ans et demi, je n’avais rien de tout ça et ça a commencé parce que je me suis lancé dans quelque chose que j’aimais vraiment faire. Pas dans ce qui me ferait gagner de l’argent. »

Il était au chômage et livrait des burgers en vélo à Paris. L’auteur venait de se faire virer d’un travail qu’il détestait et n’avait aucune idée où se diriger malgré ses études et tout le fla-fla entourant les premières expériences de la vie d’adulte.

C’est à ce moment qu’il a décidé de se laisser aller. Arrêter de forcer pour réussir dans ce qu’il semblait être bon, pour ainsi arrêter de courir après la vie parfaite et le bonheur. Il était dorénavant question de surfer sur les échecs pour se laisse surprendre par un bonheur moins « construit ».

« Beaucoup de gens sont dans l’optique d’essayer de foncer vers un but ultime puisqu’il n’y a que cette finalité qui est intéressante, sans considération pour le périple. »

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« Beaucoup de gens sont dans l’optique d’essayer de foncer vers un but ultime puisqu’il n’y a que cette finalité qui est intéressante, sans considération pour le périple. Si ça foire, c’est hyper décevant parce qu’ils ont l’impression que tout ça n’a servi à rien en fait », m’explique-t-il.

« Je considère que l’anti-ambition c’est d’ultimement accepter le chemin entre ses balbutiements dans la vie d’adulte et le but ultime, peu importe la teneur de ce but. C’est se dire qu’il n’y pas juste la finalité qui compte, sinon c’est toujours décevant. »

Et l’ambition, elle?

Bon. Cette tentative d’aller à contre-courant de la majorité ne serait-elle pas alimentée par un désir d’être cool? D’être plus original que son voisin? Tout en affirmant haut et fort ne pas l’être et dire qu’on est anti-ambitieux? Parce que l’ambition peut aussi avoir un impact positif dans la vie de beaucoup de monde.

« Pour moi, il n’y a rien de cool là-dedans. J’en suis arrivé à penser de la sorte parce que je ne réussissais tout simplement pas auparavant », raconte-t-il.

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« Je ne me sentais pas bien, je ne savais pas ce que je voulais faire, je ne me sentais pas à ma place dans le monde du travail. L’école me fatiguait parce que je ne comprenais pas et on me forçait à apprendre des tas de choses qui, j’estimais, ne me servaient à rien », laisse tomber Paul Douard.

Généreusement saupoudré de cynisme, ce livre ouvre les yeux sur notre propre relation au travail, au succès et à la manière dont nous voguons dans cette réalité.

Je cultive l’anti-ambition, c’est finalement le récit d’un homme ayant choisi d’arrêter d’être déçu. C’est un récit franc, comique et grinçant. Généreusement saupoudré de cynisme, ce livre ouvre les yeux sur notre propre relation au travail, au succès et à la manière dont nous voguons dans cette réalité.

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Certains trouveront cette vision plutôt drastique et impensable, d’autres l’embrasseront, mais personne ne restera indifférent. Question de vous mettre en appétit, je vous laisse sur ce délicieux passage lors duquel l’auteur réfléchit à l’ambition dans notre société.

« La drogue est un élément essentiel de la vie de tout ambitieux. Elle permet de faire face à notre société génératrice d’angoisses. Se droguer permet d’oublier la douleur et l’insignifiance d’une vie sédentarisée vers laquelle je me tournais sans envie. […] Elle est une arme contre la société, au même titre que la non-ambition. […] La non-ambition est un bouclier, la cocaïne une arme. »