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Quand la flamme olympique alimente le brasier de la colère
A quel degré de déni, de dissonance cognitive ou d’hypocrisie se trouvent certain.es de nos élu.es pour s’obstiner à mettre en avant leur engagement écologique dès qu’on leur tend un micro, et continuer dans le même temps à se palucher sur l’organisation des J-O ? Tandis que chaque nouveau rapport du GIEC est plus alarmant que le précédent, que la priorité absolue devrait être de préserver les zones naturelles de la bétonisationne de milliers d’hectares de terre tous les ans, on essaye encore et toujours de nous faire prendre des vessies dopées aux anabolisants pour des lanternes olympiques.
Tous ces grands chantiers, tous ces projets de construction pharaonique au service d’un soi-disant soft-power culturel et sportif, sont des aberrations sur tous les plans, qu’ils soient humains ou environnementaux. On persiste à tenter de nous vendre l’organisation d’une coupe du monde, ou l’accueil des Jeux, comme une occasion en or de rayonner sur la scène internationale, mais la médaille en chocolat qu’on nous promet derrière la ligne d’arrivée est déjà en train de fondre.
Alors bien sûr, il n’est pas question de priver les athlètes olympiques et paralympiques qui s’entraînent dur toute l’année d’une occasion de briller, mais ne pourrait-on pas repenser la logistique de ces évènements pour que les victoires des champion.nes n’aient plus un arrière-goût amer de défaite sociale et écologique ? Car à un an de la compétition qui doit se tenir à Paris et un peu partout en France en 2024, et pendant que la pression s’accentue sur les instances décisionnaires du sport français pour tenter de transformer le visage de la capitale et l’expurger de ses points noirs – à savoir : les plus précaires et les défenseurs et défenseuses de l’environnement – les scandales se multiplient dans les vestiaires des J-O.
CASSEZ-VOUS LES PAUVRES !
Parce que le monde entier aura les yeux rivés sur la Ville Lumière et que voir des SDF zoner près de la Tour Eiffel, ça fait mauvais genre, les sans-abris, migrant.es et personnes isolées sont gentiment prié.es de débarrasser le plancher pendant les trois semaines que durent les J-O. Ben oui, les touristes n’ont quand même pas fait tout ce chemin pour se taper une mauvaise reprise au kazoo de La Vie en Rose, ou se faire taxer deux euros par un type en béquilles dans une rame de métro.
Et pour ce faire, le gouvernement a déjà incité depuis le mois de mars les préfectures de régions à créer des structures temporaires pour désengorger les centres d’accueil d’Ile de France. Les personnes à la rue sont donc invité.es à faire l’aumône en Bretagne ou à continuer de crever la dalle en Bourgogne-Franche-Comtée. Ce qu’on fera ensuite de tous ces individus ? On ne sait pas trop. Mais au moins ils vont voir du pays… En langage de technocrate complètement déconnecté de la réalité et de la notion d’empathie, on appelle ça cacher la misère sous le tatamis.
MON GROS SOLARIUM DANS TON PETIT JARDIN
“Echange hectares de végétation, de biodiversité et de potagers contre piscine olympique et gros solarium. Coût environnemental : à débattre”. La proposition vous paraît peut-être lunaire, pourtant c’est à peu près le discours que tient Plaine Commune, l’établissement public territorial chargé d’aménager et d’implanter – en dépit de tout bon sens – une partie des structures olympiques à Aubervilliers. Et ce n’est que grâce à l’intense mobilisation et l’obstination d’une partie des Albertiviliarien.nes et de militant.es pour l’environement pour préserver les jardins ouvriers des Vertus de la pelleteuse, que ces espaces de vie, d’échange, mais aussi de culture maraîchère centenaire, sont pour l’instant en sursis, bien que déjà amputés de quelques parcelles.
Car après une décision de justice mettant à l’arrêt le chantier, rendue par la cour d’appel administrative de Paris, ainsi qu’un avis défavorable à la poursuite du projet rendu par la commissaire chargée de l’enquête publique, les autorités, à commencer par la préfecture du département de Seine Saint-Denis, continuent de vouloir passer en force. Et pour celles et ceux qui voudraient du rab de particules fines, d’autres chantiers de grande envergure sont également prévus, telles que la destruction et l’abattage d’une partie du parc Georges Valbon, un espace boisé situé en bordure d’une zone Natura 2000 qu’il a fallu déclasser pour le rendre urbanisable afin d’y installer le Village des Médias, mais aussi la construction d’un échangeur autoroutier à quelques encablures d’une école.
ETUDIANT.ES PRÉCAIRES : RENTREZ CHEZ VOS MÈRES
A compter du 1er juillet et alors que l’Ile de France manque déjà cruellement de logements étudiants, plus de 3000 chambres vont être réquisitionnées par le gouvernement pour loger le personnel de l’événement (sécurité, secouristes, soignant.es). Les locataires précaires qui ne rentreraient pas dans leurs familles pendant les vacances pour – au hasard – bosser durant la période estivale et avoir un peu d’épargne afin de bouffer autre chose que de la semoule assaisonnée à rien le reste de l’année, sont donc contraint.es de débarrasser toutes leurs affaires rapidement.
Le Ministère des Sports a tout de même précisé que les personnes qui mettront leur “chambre à disposition” (vous apprécierez ces remarquables éléments de langage pour ne pas dire “les personnes qui se font dégager”) se verront proposer un logement de remplacement. Mais il ne dit pas où, et par quel tour de force il va y arriver, alors que le gouvernement n’est toujours pas parvenu à faire les travaux nécessaires dans les résidences étudiantes insalubres qu’il avait pourtant promis de réhabiliter il y a déjà un moment…
LES BÉNÉVOLES SONT DES SALARIÉ.ES COMME LES AUTRES
Pour le Comité d’organisation des J-O, c’est “l’aventure d’une vie, et une occasion unique de participer à l’atmosphère des jeux”. Pour d’autres, c’est du travail dissimulé. En effet, en plus des salarié.es, pas moins de 45 000 bénévoles devront se rendre disponibles durant une dizaine de jours cet été, sans autre contrepartie que le plaisir d’accueillir des journalistes ingrats pour leur donner leurs accréditations, de guider le public vers les tribunes en pleine canicule, et d’être un des petits maillons invisibles d’une grosse chaîne qui va rapporter des milliards d’euros.
Près de 10h de boulot gratos par jour, 6 jours par semaine, et un seul repas quotidien, mais aucune proposition d’hébergement pour les volontaires non Franciliens : voici les conditions de travail que les personnes sélectionnées devront accepter. Pour rappel : le village des athlètes sera implanté dans le département de Seine Saint-Denis, c’est-à-dire le département le plus pauvre de France métropolitaine, mais on préfère recruter des retraité.es débonnaires ou des pongistes amateurs sans les rémunérer, plutôt que de permettre aux habitant.es de bénéficier au moins un peu de l’organisation des J-O.
Alors si la pratique n’est pas nouvelle et que la main d’oeuvre gratos est la pierre angulaire des Olympiades depuis près de 50 ans, on s’interroge tout de même sérieusement sur les motivations des quelque 300 000 personnes qui ont déjà candidaté pour se faire crier dessus en allemand par des touristes paumés.