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Quand la crise sanitaire fait maturer les idées

Au-delà des champs.

Par
Anonyme
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Je m’appelle Aude et je vis à Carcassonne. Evidemment me direz-vous… J’ai contribué pendant quelques années à promouvoir une des spécialités de ma ville. Et puisque nous sommes dans les évidences, vous allez induire que je suis une spécialiste du cassoulet ! Mais c’est en fait dans la viticulture que j’ai travaillé jusqu’à récemment.

Je suis fille d’agriculteur conventionnel, passé au bio au tournant du nouveau millénaire. En l’an 2000, j’avais 12 ans et des convictions déjà. Voir mon père s’orienter vers une culture plus respectueuse de l’environnement m’a façonnée très jeune. Depuis lors, je n’ai cessé de vouloir contribuer à une bonification de notre agriculture française.

En 2014, c’est vers les viticulteurs que je me suis tournée, afin de les accompagner à produire dans le respect de la nature. Me voilà donc débarquée dans cet univers masculin dont les membres regardaient d’un œil parfois moqueur cette femme de 26 ans qui semblait si sensible. Que venait-elle faire ici cette rêveuse au cœur mou ? Pensais-je, en effet, révolutionner la viticulture ? Infléchir les mentalités vers plus d’écologie et moins de produits chimiques ?

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Si certains étaient attentifs à mes arguments, d’autres n’avaient de cesse de me toiser et de brandir sous mon nez désherbants et autres insecticides… Je finissais par être totalement désalignée entre mes convictions, à l’origine de mon engagement dans ce secteur, et ce que je constatais sur le terrain.

Jusqu’à un certain 17 mars 2020, quand fut décrété le premier confinement en France pour lutter contre l’épidémie de la Covid 19.

Pour moi, ce confinement a eu l’effet inverse de celui ressenti par la majorité de la population : au lieu de m’enfermer, il m’a permis d’être au chômage partiel et m’a donc offert la possibilité de redécouvrir l’extérieur au détriment des bureaux. J’ai recommencé à arpenter les champs familiaux, sentir les odeurs de ces derniers, et quand la douceur du printemps est revenue je pouvais passer des heures en tête à tête avec les rayons du soleil.

C’est donc résignée que j’y suis retournée… Jusqu’au jour où mon corps m’a fait entendre ce que ma tête ne voulait comprendre

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Autant vous dire que le déconfinement a sonné le glas de cette parenthèse enchantée !

Je crois que comme beaucoup de personnes hypersensibles à tendance introvertie, je me suis sentie complètement à l’aise dans ce cocon de repli temporaire. Reprendre mon activité auprès des viticulteurs « comme avant » m’était devenu impossible. Mais les impératifs économiques ont très vite eu raison de moi. C’est donc résignée que j’y suis retournée…

Jusqu’au jour où mon corps m’a fait entendre ce que ma tête ne voulait comprendre. A savoir qu’il m’était insurmontable de quitter tous les matins cette nature si chère à mon cœur pour aller me terrer dans des caves où j’allais donner des explications sur les dernières certifications en vigueur.

Sans ce déclic, je serai certainement encore en train d’essayer de faire rentrer des tonneaux dans des carrés.

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Les quatre mois d’arrêt maladie qui s’en suivirent m’ont permis de revenir sur ce qui était à l’origine de mon engagement : la simple volonté de choyer la nature, d’en extraire uniquement les matières brutes.

A ceci j’avais envie d’ajouter ce qui constituait mon identité : ma sensibilité aux autres, mon besoin de les accompagner, de les soigner autrement. Ces deux éléments mis bout à bout m’ont menée directement à me former à la naturopathie que je commencerai à exercer à l’issue de ce parcours, initié grâce au confinement de 2020.

Il a agi chez moi comme un déclencheur. Il a mis en lumière l’inanité de mon quotidien de travail et a redonné des couleurs à mon environnement naturel. Le déconfinement, lui, m’a forcée à prendre soin de moi, pour mieux prendre soin des autres ensuite.

Sans ce déclic, je serai certainement encore en train d’essayer de faire rentrer des tonneaux dans des carrés.

Témoignage recueilli par Fanny Marais.