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Ho Ho Ho ! C’est bientôt Noël, la fin d’année et l’heure des bilans ! Ce que je retiens de ces derniers mois ? Oh, plein de good vibes, de chouettes rencontres, les chroniques ici, mon livre paru chez Bouquins, franchement c’était bien. Et aussi, je note au passage que j’en ai PLEIN LES COUETTES, j’en ai ras la casquette, je suis saoulée puissance mille et je me retiens vraiment très fort de le dire encore plus fort. Dans mes modestes tribunes vous relatant mes turpitudes de mama solo, comme dans la vie, j’essaie vraiment de relativiser mais je dois vous le dire : j’en ai marre. Oui, archi marre. De quoi ? Eh bien, de devoir vous plaindre, de devoir vous comprendre.
Ces gens pas solos qui ont plein de solutions pour moi alors qu’ils n’en savent rien, je les connais par cœur.
Je suis vraiment navrée (non), mais j’en ai marre de relativiser ma situation en prenant en compte les sensibilités des parents en couple qui ont beaucoup moins de difficultés que moi à tout gérer. Les « mais pour nous aussi c’est pas facile ». On m’a tellement bourré le mou à coup de « nan mais tu sais j’en ai deux aussi, des enfants, et leur père est souvent absent, j’sais ce que c’est ». Bah nan, en fait, tu n’en sais rien. « Excuse-moi Dorothée, je sais que c’est dur, mais j’ai un job moi ». Ah oui, pardon, j’ai juste écrit un livre, pardon, et j’avais oublié que gérer deux enfants, seule, tout le temps, ce n’est pas un vrai boulot. Pas du tout. Et puis c’est un choix, il paraît. Je pourrai très bien travailler, même si les horaires de ma fille aînée rendent ça compliqué puisqu’elle rentre à 16h15 (oui, les journées sont courtes) ainsi que ses nombreux rendez-vous médicaux. Ces gens pas solos qui ont plein de solutions pour moi alors qu’ils n’en savent rien, je les connais par cœur.
« Pardon mais moi j’en ai cinq et j’ai un travail à une heure de route et en plus JeanMi a une nouvelle mission blablabla », ok mais en fait je m’en fiche Germaine de ta vie. Bien sûr qu’elle n’est pas toujours facile la tienne, mais là c’est moi qui me plains. Note que je te dis ça, mais toi et moi nous sommes privilégiées, des centaines de femmes vivent dans la précarité la plus totale, avec leurs enfants, sans aide, perso j’en ai conscience, mais je le sais ça au-moins, alors que toi, Germaine, quand tu viens me balancer tes problèmes de riche, tu n’en as cure. Tu m’envies même un peu. Et tu trouves que j’en rajoute, aussi, que je pourrais faire un effort.
Pour te faire plaisir, et pour faire preuve d’empathie, et de compréhension, et d’écoute, je tâche donc de relativiser mes propos, de checker mes privilèges (qui existent) mais j’ai pas vraiment envie d’être la seule à le faire, et pis quoi en plus ce sont MES chroniques sur MA VIE et j’ai pas de amoureuxse à qui parler le soir, pas de prétendant.e, rien.
Quand je vois comment les statuts de maman solo et mère au foyer sont raillés, méconnus, pas pris en compte, ça me donne envie de mordre.
T’sais, Germaine, je sais que tu travailles comme une folle et que tu gères un max de trucs et je m’inquiète pour toi parce que frises le burn out, mais pendant que nos enfants grandissent, toi tu te construits une carrière, tu gagnes assez d’argent pour t’acheter un logement, te payer plusieurs vacances dans l’année, tu cotises pour ta retraite. Tu as à tes côtés une personne qui peut s’occuper des enfants s’ils sont malades, ou de toi, qui peut vider une machine, qui sait cuisiner pour toute la famille et peut même te masser les pieds. Pendant ce temps-là, je vends mes fringues sur Vinted et j’arrête de cloper pour payer une colonie de vacances adaptée au handicap de ma fille en août prochain et ma retraite sera aussi épaisse qu’un sandwich SNCF. Oui, j’en ai marre de faire comme si j’étais désolée pour toi quand tu me parles des capacités incroyables de ton fils alors que je te parle des troubles autistiques de ma fille. Oui, j’ai envie de hurler très longtemps dans tes oreilles quand je te dis que je dois prendre rendez-vous pour un énième truc chiant et long qu’on va infliger à la chair de ma chair et que toi tu me réponds par un « oh oui je sais, tu sais Camomille va chez l’orthophoniste toutes les semaines, ça nous prend un temps fou ». Une orthophoniste qu’elle verra deux ans au mieux, recommandée par une pédopsy dont ta fille n’a pas besoin, c’est juste tes angoisses que tu projettes sur elle. Ouais, je suis MECHANTE. Mais quand je vois comment les statuts de maman solo et mère au foyer sont raillés, méconnus, pas pris en compte, ça me donne envie de mordre.
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Note de l’autrice : Enfin je dis ça, mais je pense pas à mes nombreuses amies qui vivent des situations professionnelles et familiales souvent complexes, je ne pense pas non plus à mes proches qui sont au turbin toute la journée, et je ne pense pas non plus aux nombreuses femmes qui sont en burn out, qui ont subi de nombreuses tensions et pressions depuis le début de la crise du Covid (enfin, je veux dire : des pressions supplémentaires), et je ne veux pas vexer celles qui essaient de répondre aux attentes de notre société capitaliste et patriarcale qui exige que les femmes soient à la fois des mères poules et des working girls, et surtout je pense aux plus précaires, pauvres, démunis, aux plus fragiles, aux plus… Oh, wait…