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Quand je veux juste dormir

Les Carnets de Dorothée Caratini.

Par
Dorothée Caratini
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Mais que je ne peux pas vraiment. Vous savez ce que c’est : on commence la journée fatiguée, parce qu’il a fallu se réveiller dans la nuit à cause d’un pipi, d’un cauchemar, d’un vomi, ou tout simplement parce que vous n’avez pas réussi à vous coucher tôt.

Dans ma vie d’avant (d’avant avant le COVID-19), quand je n’avais pas d’enfant, je sortais pas mal. J’allais écouter des concerts, je bossais tard, j’allais au bistro. J’ai encore un peu de cette vie en moi, alors parfois je sors « pas tard ». Et quand je ne sors pas, je ne veux pas me coucher tôt, je refuse d’être au lit à 21 heures. Je comprends très bien qu’on le fasse, bien sûr. On a envie d’être en forme pour le boulot, pour ses enfants, pour le week-end pour en profiter. J’en ai envie aussi ! Mais je réclame le droit de regarder un truc sur mon ordi tout en lisant ou regardant Twitter ou en jouant à Candy Crush, ou de faire un apéro visio. Ce droit est inaliénable, même si au fond de moi, je sais que je vais un peu le payer. Que je vais me réveiller fatiguée…

Quand les filles sont couchées, je mange, je range et je nettoie, et vient le moment de choisir : me coucher ou glander ?

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Au fond de moi, je sais que je dois faire une bonne grosse nuit, plusieurs même, pour me retaper. Mais je m’impose des désirs contradictoires. Dormir, avoir du temps pour moi, ce fameux temps pour soi, celui qu’on te supplie de prendre et qui est censé tout résoudre. C’est le bordel dans ma tête (ndlr : expression piquée à Koxie), comme dans mon lit quand le soir arrive. Quand les filles sont couchées, je mange, je range et je nettoie, et vient le moment de choisir : me coucher ou glander ? La troisième option, c’est travailler, ce qui ferait plaisir à mon éditeur, mais je dois dire que le soir, mon cerveau est un tas de bouillie fabriquée avec une base de maïzena. Genre ce que ma mère nous cuisinait les soirs de flemme (elle était aussi bonne cuisinière que moi).

Alors que se passe-t-il ? Ma soirée classique, c’est donc regarder un film (rarement en entier, tout de même) et d’essayer d’aller me coucher vers 23 heures. Je me pose ensuite tranquillement dans mon lit, j’écris un peu (genre ouais, t’sais j’suis écrivaine, ma vie mérite d’être racontée dans un journal intime), je prends un livre (si ma fille squatte mon lit, ce qui arrive un soir sur deux, je prends ma liseuse), et je lis, ce qui correspond au meilleur moment de ma journée. C’est vraiment un vrai plaisir qui vient de l’enfance, qui vient m’apaiser et m’aider à m’endormir. Ben là, je n’y arrive plus. J’attrape bien le moment où mes yeux se ferment et que je sens le doux voile du sommeil s’approche de moi, alors j’éteins et : rien. Je me retourne, je cherche la bonne position, je vérifie que je n’ai rien oublié pour le lendemain, je fais de la relaxation positive de Jacobson, je me lève vérifier où est le chat, si j’ai éteint le gaz, si mon cendrier n’est pas en flammes (cherchez pas, on a des idées fixes bizarres parfois), si les filles respirent toujours, je me fais un petit pschitt de mélatonine, je me refais un coup de relaxation, je finis par m’endormir, mais j’ai toujours l’impression d’avoir raté le train du dodo. Il s’est barré sans moi et j’ai dû prendre le train suivant. Et le matin suivant, je suis bien entendu fatiguée et je m’applique à gentiment tapoter mes petites poches sous les yeux avec ma petite huile à douze balles dans la salle de bains avant d’affronter le monde et les autres parents (qui n’ont pas l’air super frais, globalement).

Elles ont compris que binge watcher une nouvelle série documentaire sur un meurtre non résolu n’apportera pas, mystérieusement, le sommeil. Et encore moins la dernière clope avant d’aller se coucher.

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Je suis vraiment admirative de mes amies qui se couchent tôt, réduisent leur pile de livres en attente, sans rester devant une série pas maline jusqu’à tard. Elles font le bon choix, et elles n’en ont pas moins une vie intérieure riche, hein. Elles ne s’enferment pas dans une vie morne. Du tout. Juste elles sont plus futées que moi. Elles ont compris que binge watcher une nouvelle série documentaire sur un meurtre non résolu n’apportera pas, mystérieusement, le sommeil. Et encore moins la dernière clope avant d’aller se coucher.

Je veux bien changer de méthode, réduire mes petites anxiétés (la relaxation est là aussi pour ça) et les écrans, mais j’en arrive toujours à la conclusion que je devrais avoir trois jours toute seule chez moi juste pour dormir, en essayant de ne pas céder à la tentation d’en profiter pour ranger, trier, débarrasser. Alors j’en appelle à mon gang de meufs sûres : coachez-moi. Je veux dormir en même temps que vous.