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Quand je suis vernie

Les Cahiers de Dorothée Caratini.

Par
Dorothée Caratini
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Oui, je suis vernie. Comme des chaussures, des Derbies qui brillent après qu’on les ait frottées avec une crème nourrissante et un torchon doux (on sait tous.tes qu’on va utiliser un vieux morceau de drap découpé qu’on a conservé sous son évier pendant cinq ans en se disant « Un jour, ça servira »).

J’ai la chance de vivre avec deux personnes absolument incroyables, douces, drôles, intelligentes et pleines de vie. Elles n’ont que sept et cinq ans, et quel bonheur de les voir grandir, évoluer, gagner en autonomie, et surtout kiffer la vie !

Quand la petite a fait ses premiers pas, a prononcé ses premiers mots, a appris le pot, quand elles sont toutes les deux l’une après l’autre rentrées à l’école, pour toutes ces premières fois, il y a eu ce pincement au coeur : l’autre parent rate ça. Il ne sait pas ce qu’il perd. Et ça ne change pas grand chose de se le dire. Dans mon cas, leur père est décédé et c’est irréversible…

Je ne regrette plus l’absence de leur père, depuis qu’il n’est plus là, j’ai construit notre famille à ma manière.

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Mais dans d’autres cas, comment ça se passe ? Quand l’autre parent a tout simplement mis les voiles sans se préoccuper de quoi quoi où qui, c’est quoi le projet ? C’est souvent la mère qui reste. En 2020, d’après l’INSEE, 18% des familles monoparentales sont des familles avec un père. Les mères de famille qui s’occupent de leur(s) enfant(s) ont à la fois toute la charge mentale, domestique, parentale et aussi toutes les joies que peuvent leur apporter leur descendance. Avec un géniteur qui ignore ça. Qui a choisi de s’en éloigner.

Tant pis pour eux, voire tant mieux pour les enfants qui n’ont peut-être pas perdu au change.

Découvrir l’intégrale d’Aldebert, réécouter Anne Sylvestre, lire quatorze fois d’affilée Caca boudin, aider pendant les devoirs, cuisiner ensemble des cookies avec de GROSSES pépites de chocolat, se déguiser au carnaval, faire croire au Père Noël, aller au musée, dormir ensemble en cas de gros cauchemar, tracer un trait au crayon sur le mur pour les mesurer, céder sur un dessin animé, ramasser des cailloux par dizaines, tout cela je ne l’échangerais pas contre un paquet de Bonux. Même quand c’est la galère, même avec les premiers du mois où le compte en banque est déjà dans le rouge, même quand elles sont mignonnes-mais-reloues, même quand elles ont une bronchite ou une angine ou une gastro le soir où j’avais un date, vraiment, je ne regrette rien. Je ne regrette plus l’absence de leur père, depuis qu’il n’est plus là, j’ai construit notre famille à ma manière (et aussi un peu à la manière des filles…). Je n’imagine pas comment serait notre vie s’il n’était pas mort il y a bientôt cinq ans.

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Mes enfants vont bien. Elles sont vives et énergiques. Je fais ce que je peux, pas toujours comme il faudrait, avec une dose d’improvisation et une bonne pincée d’anxiété, mais ça va.

Et à tous les parents solos, qui se disent que, peut-être, à deux c’est mieux, et que le seul modèle qui vaille c’est la famille classique parce que c’est ce qu’on leur dit en les faisant culpabiliser, je leur dis d’avoir en confiance en eux, en leurs capacités, de construire un réseau d’entraide autour d’eux, de ne pas avoir honte de demander de l’aide et de profiter de leurs enfants.

D’ailleurs, certains.es choisissent d’être parent solo, c’est un choix tout à fait valide, ce sont d’aussi bons parents que n’importe lequel autre parmi les bons parents. Et ces familles méritent autant de respect et de soutien que les autres.

Dans tous les cas, on a le droit de râler, de se plaindre, d’être à bout, et en même temps de profiter de nos enfants (tant qu’ils ne deviennent pas d’affreux ados ou étudiants qui fumeront des joints dans leur chambre fermée à clé).

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