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Ça y est. J’y suis. Omicron, cuvée avril 2022. Maux de crâne, grosse fatigue, courbatures, essoufflement. Depuis presque une semaine, je suis coincée chez moi, avec ce virus que j’avais esquivé jusque-là. Je m’en veux de l’avoir attrapé, je me sens responsable. C’est idiot, je sais. D’autant que mes filles n’ont rien. Merci au virus, il n’a pas eu l’air intéressé.
À quel moment rester allongée en respirant péniblement, ça ressemble à des vacances ? (…) Je ne comprends pas bien le concept de vacances en Maladie.
Les premiers jours, mon Covid n’était « qu’un » bon état grippal, le nez un peu pris mais pas trop. Fatiguée, pour sûr. Le cerveau moelleux comme un flan, aussi. Les enfants peuvent aller à l’école, mais il y a le week-end, et je n’ai personne pour m’aider, et c’est dur, oui, je suis KO, quand même. C’est mon scénario catastrophe qui se produit. Malade du Covid, seule. « Profites-en pour te reposer », qu’on m’a dit plusieurs fois. Profiter ? Reposer ? J’ai eu des pics de température, je ressens une fatigue extrême, plus des maux de crâne, la tête qui tourne… à quel moment rester allongée en respirant péniblement, ça ressemble à des vacances ? Je tiens à présenter des excuses à toutes les personnes malades à qui j’aurais dit : « Profites-en pour te reposer ». Je ne comprends pas bien le concept de vacances en Maladie. Je dors, certes, mais mal. La première nuit, j’ai rêvé que j’agonisais et que je faisais mes adieux. J’arrive à passer le balai et à cuire des pâtes, c’est vrai, mais je m’écroule de fatigue ensuite.
On est sur du lâcher prise puissance mille : oui, ma chérie, tu peux remettre ce film au début même si tu regardes des dessins animés depuis des heures.
Et j’angoisse que ça empire, oui. J’angoisse de rester chez moi seule avec mes filles et de leur transmettre. J’angoisse qu’elles souffrent de la maladie. Et je suis triste pour elles parce que je ne suis pas capable de grand chose. On est sur du lâcher prise puissance mille : oui, ma chérie, tu peux remettre ce film au début même si tu regardes des dessins animés depuis des heures. Et toi, ma puce, bien sûr que tu peux renverser l’intégralité de ce bac à instruments de musique en hurlant mais seulement si tu chantes moins fort. Tenez mes chéries, j’ai cuisiné des céréales aux gnocchis avec de la glace.
J’aime bien dramatiser, alors que je sais que la situation pourrait être pire. Nous pourrions être malades toutes les trois, ah ah. MDR LOL XOXO. On pouvait être confinées toutes les trois sans Netflix ni Lunii ni enceinte connectée et avoir une télévision avec une seule chaîne sans rien d’autre que des patates à manger.
Seulement voilà, au quatrième jour de « mon » Covid, patatras. Au réveil de ma sieste, une profonde, intense et sourde douleur débarque dans mon oreille droite. Un clou qu’on plante dans on mon crâne. Ai-je envie de hurler ? C’est un peu la panique. J’ai besoin d’un médecin, de médicaments, de m’enfoncer la tête dans du sable chaud, je suis seule, confinée, avec les enfants. C’est là qu’il faut respirer un grand coup et faire le tour des solutions qui existent. J’arrive à faire venir un médecin en appelant le 116 117 (je ne savais même pas que ça existait). Je vous passe les remarques désagréables et mal placées. À ce moment-là, j’ai tellement mal que je suis à la fois paralysée et dans l’incapacité de rester sur place. Je bouge dans tous les sens. J’arrive à faire à manger à mes filles, à leur lire une histoire, à les coucher. Quelques amis m’aident de loin. On me conseille de mettre du chaud sur mon oreille. Hop, je réchauffe ma ceinture lombaire en pépins de crise au micro-ondes : que la personne qui me l’a offerte soit bénie et voit tous ses vœux réalisés jusqu’à la fin de ses jours.
La médecine arrive à 21 heures. Diagnostic rapide. Ordonnance prête. Étape 2 : aller to the pharmacie. Enfin pas moi, d’abord j’ai le Covid, ensuite j’ai aussi deux enfants en bas âge que je ne peux pas laisser seules et je suis, de toutes façons, trop mal pour sortir.
Dimanche, je me réveille épuisée de fatigue et de douleur mais je souffre un peu moins, même si je me fais larguer par SMS, ce qui n’est pas de très bon goût mais pas dramatique.
Mon sport fou, c’est de raconter ma vie sur les réseaux, je poste une story Insta qui explique le problème. Une amie la voit, elle m’appelle. Elle ne vit pas tout près, alors j’envoie l’ordonnance à sa pharmacie. À 22h50, elle est chez moi avec les médicaments. Marie, tu es une reine, une championne, une queen. Dimanche, je me réveille épuisée de fatigue et de douleur mais je souffre un peu moins, même si je me fais larguer par SMS, ce qui n’est pas de très bon goût mais pas dramatique ; à ce moment-là je ne suis qu’une oreille qui palpite de douleur. Et puis j’ai des amis au poil qui prennent mes filles dans la journée, que je ne vois pas filer vu que je dors toute la journée. Lundi soir, un copain arrive avec des chips, du chocolat et du saucisson : un pack de survie pour affronter le début de semaine.
Je suis là, maintenant, j’écris cette chronique, en faisant des pauses, parce que je fatigue vite, je sens des battements dans mon oreille qui me fait toujours mal et qui après trois jours d’antibio n’est toujours pas guérie et je regarde l’horloge qui tourne en craignant le retour des filles de l’école parce que je vais devoir trouver de l’énergie pour m’en occuper.
Je pense à ses courageuses personnes qui ne peuvent pas appeler des amis pour les soulager une journée et à qui personne n’apporte de chips le soir.
Tout ça, je le sais, est provisoire. Je suis assez vernie, malgré tout, avec un Covid peu violent, c’est l’otite qui est violente. Mais je pourrai avoir deux enfants malades à gérer. Je pense aux familles nombreuses, aux mères qui travaillent à des postes précaires, peu payés, qui ne peuvent pas se permettre de perdre de l’argent et qui vont travailler malgré tout. Je pense à ses courageuses personnes qui ne peuvent pas appeler des amis pour les soulager une journée et à qui personne n’apporte de chips le soir. Je pense aux longues heures de travail avec de la fièvre qu’elles doivent supporter en plus du travail domestique et je veux leur dire que je suis avec elles dans leur solitude, je voudrais prendre un peu de leur douleur et leur offrir du répit et une aide concrète et efficace.
(Et je pense à ma boss qui va relire ce texte écrit entre deux poussées de fièvre et de douleur, bon courage à elle, bisous à elle.)
Ndlr: la “boss” t’envoie un free hug, Dorothée <3 Avec ou sans Covid, c’est toujours un plaisir de te relire.