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Projet de loi Immigration : un texte voué à l’échec ?
Une vieille promesse
Présenté régulièrement comme LE projet de Gérald Darmanin, il ne faut pas oublier que la loi immigration est à l’origine une promesse d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle 2022.
Dès 2019, le président de la République avait annoncé vouloir appliquer 100 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) dans une interview exclusive accordée à l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs Actuelles.
Gentil flic / méchant flic
Une foi Macron réélu, le bébé est confié à Gérald Darmanin qui veut présenter une loi équilibrée qui durcit les expulsions tout en régularisant la situation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension.
Le ministre de l’Intérieur trouve alors sa formule magique : “Gentil avec les gentils, méchant avec les méchants.”
Un vieux marronnier
Mais la France ne manque pas de lois sur l’immigration. L’Assemblée nationale en a voté 29 depuis 1980.
Lois Pasqua, Debré, Chevènement, Sarkozy, Hortefeux, Besson, Valls, Cazeneuve, Collomb… Depuis 1945, la France vote en moyenne une loi sur l’immigration tous les 2 ans.
Sauf que c’est l’Union européenne qui est la plus pertinente lorsqu’il s’agit de la régulation des flux migratoires. En Italie, Giorgia Meloni, néo-fasciste devenue 1ère ministre l’a bien compris.
Un texte polico-chaotique
Présentée en février 2023, la loi connaît un parcours chaotique : son vote est reporté suite aux mobilisations contre la réforme des retraites, puis elle est récupérée par le Sénat qui droitise totalement le texte.
La commission des lois de l’Assemblée s’est débarrassée des points les plus clivants, mais le texte reste très dur :
- Refus ou retrait d’un titre de séjour en cas de non respect des “principes de la République”,
- Durcissement des conditions du regroupement familial
- Expulsion des étrangers condamnés pour des crimes et délits punis de 5 ans d’emprisonnement ou plus…
Une loi ambitieuse pour Gérald
Alors que la loi débarque ce lundi à l’Assemblée, le texte n’a convaincu personne : trop doux pour LR et le RN, beaucoup trop dur pour la NUPES.
Les écologistes ont déposé une motion de rejet qui empêcherait tout examen du texte par les députés. « Ça serait un rejet du débat, un déni de démocratie », a réagi Gérald Darmanin, pourtant habitué aux 49-3 d’Élisabeth Borne.
Le ministre de l’Intérieur a fait de la loi Immigration un combat personnel qui doit nourrir ses ambitions post-Macron en 2027.
Un moyen de survie pour LR
Du côté des Républicains, le passage au Sénat de la loi a été un moyen inespéré de peser sur l’opinion publique après une présidentielle 2022 désastreuse.
Les sénateurs LR ont supprimé la régularisation des travailleurs, l’aide médicale d’État et ont restreint les droits aux minimas sociaux…. Des mesures très médiatiques qui peuvent être rejetées par le Conseil constitutionnel, mais qui permettent aux Républicains de faire parler d’eux, coincés entre les macronistes et le RN.
Du pain béni pour Le Pen
Pour le RN, voir Gérald Darmanin et Éric Ciotti se battre pour savoir comment mieux expulser du migrant sans avoir à intervenir dans le débat, c’est déjà une grande victoire.
Marine Le Pen peut même se permettre de faire la fine bouche dans ce contexte. « On peut la voter, mais ça ne règlera pas la question de l’immigration clandestine », a commenté la présidente du groupe RN à propos de la loi.
Et la gauche dans tout ça ?
Que ce soit la France Insoumise, EELV, le PS ou même le PCF, toute la gauche semble avoir disparu du débat autour de la loi immigration. Contrairement aux lois Pasqua ou portées par Nicolas Sarkozy, il n’y a eu aucune grande mobilisation.
En septembre, des députés dont Fabien Roussel (PCF), Julien Bayou (EELV), Boris Vallaud (PS) et Sacha Houllié (Renaissance) ont signé une tribune pour la régularisation des travailleurs sans papiers. Mais depuis, les débats sont surtout centrés sur les thématiques de droite radicale.
ET MAINTENANT ?
La motion de rejet déposée par les écologistes a été adoptée. Le gouvernement ne pourra pas débattre du texte, ni même utiliser de 49.3 pour faire adopter la loi sans vote. Une situation inédite pour cette législature.
Mais la majorité peut toujours :
- Envoyer en seconde lecture le texte voté par le Sénat
- Trouver un compromis à huis-clos en commission mixte paritaire.
Le gouvernement pourrait aussi carrément abandonner sa loi. « Ce sera un tel échec politique qu’il n’aura pas le choix », estime Benjamin Lucas qui a déposé la motion de rejet pour le groupe écologiste.