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Pourquoi tout s’accompagne toujours d’une version premium ?

Est-ce juste une autre façon de prendre plus d'argent dans mes poches ?

Par
Gabrielle Thibault-Delorme
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Connaissez-vous la « premiumisation» ? Il s’agit du nouveau terme marketing à la mode à Wall Street et repris maintes et maintes fois lors de rencontres avec des investisseurs. Imaginez un Kendall Roy de Succession enchaînant les buzzwords et vous verrez un peu le topo. La premiumisation (prononcée à l’anglaise), c’est dans le vent.

Mais en quoi les entreprises en profitent ? Et est-ce que le consommateur y trouve son compte ?

Les clés d’un concept

Avant toute chose, il est important de savoir de quoi il s’agit, ici. La premiumisation consiste à faire monter en gamme un produit ou service existant. En quelque sorte, cela consiste à proposer une version « luxe » d’un produit. Si on voit souvent des versions premium pour des abonnements ou des applications, la premiumisation peut aussi toucher des produits aussi banals que des donuts.

l’abonnement apporte non seulement un consommateur plus payant, mais plus fidèle aussi.

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Au premier abord, il semble évident que le but premier d’une telle stratégie est d’augmenter facilement la marge de profit de ces produits pour une entreprise. Le coût de fabrication du produit premium est négligeable. Par exemple, le lubrifiant WD-40 offre une version premium de son produit qui vient avec une petite « paille intelligente » de plastique. Le coût de fabrication de la petite paille (quelques sous) permet d’en réclamer davantage au consommateur.

Pour les applications et les abonnements, l’avantage du produit premium est encore plus évident pour l’entreprise, car l’abonnement apporte non seulement un consommateur plus payant, mais plus fidèle aussi. Une fois qu’on a goûté à un Spotify sans pub, on ne veut pas retourner en arrière.

Le club sélect

Une scène du récent film Air (bientôt dispo sur Prime Video), qui retrace la création de la fameuse chaussure Air Jordan, démontre bien l’intérêt de la premiumisation. Lorsque le designer de la sneaker propose d’en fabriquer quelques-unes pour les présenter, le personnage principal l’arrête en lui disant que moins ils en fabriquent, plus leur valeur augmente. C’est l’effet de rareté.

La valeur que le consommateur accorde à ces objets n’est donc pas uniquement liée à leur conception, mais aussi à l’impression de faire partie d’un club sélect.

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Les marques de luxe connaissent bien cette stratégie. Elles ne déclinent que quelques exemplaires de leurs produits pour en conserver la valeur et même l’augmenter à des niveaux parfois stratosphériques. Pensons notamment au sac à main Birkin qui fait patienter les acheteurs sur une liste d’attente pour un produit qui se chiffre à environ 30 000 euros.

La valeur que le consommateur accorde à ces objets n’est donc pas uniquement liée à leur conception, mais aussi à l’impression de faire partie d’un club sélect. Dans certains cas, la premiumisation peut reproduire ce même sentiment, surtout si l’objet premium a une durée de vie limitée.

À l’abri de l’inflation

L’objet premium « nouveau et amélioré » peut aussi protéger la marge de profit contre l’effet pervers de l’inflation en camouflant la hausse réelle des produits de base. En ajoutant une gamme de produits premium, on peut conserver le prix des produits de base, tout en allant chercher de nouveaux consommateurs et une marge de profit plus importante ailleurs. Bref, on garde le Big Mac au même prix, mais on y ajoute le Big Mac au bacon pour une durée limitée.

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Et le consommateur, dans tout ça ?

Est-ce que le consommateur en a pour son argent dans la premiumisation ? Tout dépend de la valeur qu’il accorde à cette plus-value. Que ce soit l’absence de publicités, l’impression de faire partie d’une élite ou la curiosité gustative, la premiumisation n’a pas que du mauvais.

Il doit toutefois rester attentif à la tentative sournoise de remplacer le produit de base par une version premium à laquelle s’ajoutera une nouvelle version premium, et ainsi de suite.

Le problème n’est donc pas la premiumisation, mais plutôt la disparition du produit de base.