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Pourquoi tout coûte plus cher alors que les multinationales font d’énormes profits ?
On l’a tous et toutes remarqué, tout coûte plus cher. Comme le rapporte Le Monde, « en décembre 2021, le taux d’inflation dans la zone euro s’est élevé à 5 % sur un an, du jamais vu depuis la création de l’office européen des statistiques Eurostat, en 1997. Même constat outre-Manche, où l’inflation est au plus haut depuis trente ans, et plus encore aux Etats-Unis, où les prix à la consommation ont augmenté de 7 % en 2021, un rythme que le pays n’avait plus connu depuis 1982. » Les marchands et les fabricants aussi ne cessent de nous le répéter : c’est une combinaison malchanceuse d’une pandémie mondiale, de problèmes dans la chaîne d’approvisionnement et d’une pénurie de main-d’œuvre.
Dans les dernières semaines, beaucoup de grosses compagnies ont prévenu, durant des appels avec les investisseurs, que les prix de la plupart de leurs produits allaient (encore) augmenter en 2022. Pourtant, la plupart d’entre elles ont enregistré des records de profits l’an dernier. Alors pourquoi augmentent-elles leurs prix, et pourquoi certaines annoncent-elles des mises à pied ?
Il y a de fortes chances que vous n’ayez jamais entendu le nom de Reckitt-Benckiser, une multinationale anglaise de produits personnels et ménagers. Mais avec dans son portfolio des marques comme Lysol, Durex et Air Wick, c’est sûr que vous avez déjà acheté ses produits. La compagnie a annoncé que ses coûts d’opération globale avaient augmenté de 11 % l’an dernier, mais a rassuré que ses prix n’augmenteraient pas aussi drastiquement, bien qu’il faille s’attendre à une légère hausse. Jeudi dernier, les actions de Reckitt avaient augmenté de près de 5,4 %.
Si vous comptiez boire une bière bien fraîche pour faire passer le goût amer du coût de la vie, évitez la Heineken. Malgré le fait que ses revenus nets aient atteint 21,9 milliards d’euros, une hausse de 11,3 % année sur année, et que ses profits aient augmenté de 80 %, le brasseur hollandais annonce lui aussi des hausses. Idem pour Nestlé (+16,2 milliards de profit net en 2021), Starbucks (+352,36 % de profits nets en 2021), PepsiCo, Procter & Gamble et Kimberly-Clark. Il faut évidemment aussi prendre en considération que l’année 2020 avait été moins fructueuse pour beaucoup de ces compagnies, qui ont vite dû s’adapter à la crise sanitaire et à ses impacts sur leurs opérations dans différents pays.
Comment, alors, expliquer que ces entreprises fassent payer plus cher le consommateur, dont le pouvoir d’achat a baissé ? Simplement résumé : parce qu’elles le peuvent.
Dans l’absolu, malgré tout ce avec quoi elles ont dû composer depuis le début de la pandémie, ces compagnies ont réussi à dégager des profits et à remettre de l’argent dans les poches des investisseurs. Comment, alors, expliquer que ces entreprises fassent payer plus cher le consommateur, dont le pouvoir d’achat a baissé ? Simplement résumé : parce qu’elles le peuvent.
Les restaurants ne vont pas, du jour à l’autre, cesser de servir du Coca-Cola ou du Pepsi parce que les prix ont augmenté : ils vont simplement augmenter le prix pour le client. Et, en tant que consommateur, on ne peut pas vraiment cesser d’acheter des essentiels comme des produits nettoyants ou des couches pour nos enfants. Donc, Reckitt-Benckiser (numéro un mondial des produits nettoyants) et Procter & Gamble et Kimberly-Clark (qui se partagent l’essentiel du marché mondial des couches) peuvent augmenter leurs prix. Juste un petit peu, ici et là, au-dessus du taux normal encouru par l’inflation, en chopant quelques centimes au passage. Des centimes qui s’accumulent vite quand on contrôle le quart du marché mondial d’une industrie !
Ça peut paraître cynique, et les gens des départements de finances de ces compagnies vous sortiront toutes sortes de tableaux Excel et de calculs pour justifier leurs hausses de prix. Mais la réalité est que ce ne sont souvent pas les employé.e.s de ces multinationales qui finissent par profiter des importants gains réalisés. Ce sont les PDG qui sont ressortis grand.e.s gagnant.e.s de la crise économique.
Alors que des millions d’employé.e.s avaient perdu leurs emplois, la plupart des PDG de grandes entreprises américaines avaient reçu des bonus qui se chiffraient dans les millions de dollars.
Comme le faisait déjà remarquer Forbes en juin 2020, alors que des millions d’employé.e.s avaient perdu leurs emplois, la plupart des PDG de grandes entreprises américaines avaient reçu des bonus qui se chiffraient dans les millions de dollars. Et ils justifient leur salaire en expliquant qu’ils sont excellents dans leur emploi. Comment, alors, expliquer que le détaillant américain JC Penney ait, juste avant de déclarer faillite, offert un bonus de 4,5 millions de dollars à son PDG?
Avant que quelqu’un qui a vraiment passé son cours d’économie ne me le rappelle, je dois insister sur le fait que c’est le but d’une compagnie publiquement cotée en bourse de faire un maximum de profit pour ses investisseurs. Je sais aussi qu’un bonus de quelques millions ne représente pas grand-chose dans le contexte où une compagnie rapporte des milliards par année. Par contre, dans un contexte de pandémie mondiale, où une partie non négligeable de la population est hautement inquiète de sa situation financière, se récompenser à coût de millions et hausser le prix de ses produits alors que l’on a mis à pied des milliers d’employé.e.s, c’est un peu… insensible ?
Un bon business move, peut-être, mais surtout un dick move.