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Pourquoi les finales de téléséries ne sont jamais à la hauteur de nos attentes ?

Les scénarios sont-ils réellement creux ou bien sommes-nous d’éternels insatisfaits ?

Par
Malia Kounkou
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Clap de fin pour la première saison de House of the Dragon ! Après plusieurs semaines de cinématographie impeccable saupoudrée d’inceste, le dernier épisode vient d’être dévoilé dimanche dernier. Et malgré avoir réuni le plus grand nombre de téléspectateurs et téléspectatrices que HBO ait connu depuis la finale de Game of Thrones, il semblerait que les fans ne soient pas entièrement satisfait.e.s de la tournure… asphyxiante des événements entre Daemon et Rhaenyra, dirais-je sans trop spoiler. Ni les événements entourant son accouchement. Ni des talents en conduite d’Aemond.

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Le contraire aurait été plus étonnant. En effet, rares sont les séries télévisées dont l’épisode final est jugé satisfaisant par les fans. Celles qui relèvent l’exploit pourraient même se compter sur les doigts d’une seule main : Breaking Bad, Better Call Saul, Desperate Housewives, Fleabag et je laisse la cinquième place vacante pour un potentiel dernier élu. À l’inverse, les productions télévisuelles dont les derniers instants sont crucifiés par ceux et celles qui les regardent pourraient être listées jusqu’à l’aube. Et très souvent, le désagrément général tourne autour d’une seule et même raison : l’écriture.

Des adieux bâclés

Le premier type d’écriture décrié est celui qui précipite tout d’un coup, par clair manque de temps. Pour le public, l’épisode est donc vécu comme un dernier sursaut de conscience de la part des scénaristes qui y résolvent toutes les zones d’ombre restantes, enjambant à la hâte toute la complexité des saisons précédentes pour tout faire rentrer d’un coup juste avant le générique de fin. Gossip Girl en est le malheureux exemple.

(Spoiler dans 3, 2, 1…) Lorsqu’il sera révélé que Dan Humphrey est la fameuse reine des potins terrorisant le beau monde de l’Upper East Side, les principales cibles de son emprise cruelle s’énerveront cinq minutes puis lui pardonneront à partir de la sixième. Cerise sur le cupcake : Dan Humphrey parviendra même à vivre son happily ever after avec Serena Van Der Woodsen malgré lui avoir consciencieusement pourri la vie pendant cinq longues saisons. La morale, dans tout ça ? Eh bien, à vrai dire, il n’y en a aucune.

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Second cas de figure : l’écriture incohérente. Ici, le problème se situe dans certains éléments présents au cours de l’épisode final qui seraient en totale contradiction avec tout ce qui a été établi jusqu’alors. Dans le cas d’une trame incohérente, cela crée une rupture dans l’immersion du public, mais dans le cas d’un personnage aux attitudes étrangères, ce changement est presque vécu par les fans comme une trahison.

est-ce la trame qui est mal écrite à la limite du blasphème, ou bien les fans qui n’acceptent de l’histoire que les portions qui leur plaisent ?

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C’est une accusation dont les scénaristes de l’univers Game of Thrones doivent régulièrement se défendre. Lorsque, dans la huitième saison finale, Daenerys Targaryen amorce une brutale descente vers la folie puis la mort, l’outrage sera presque généralisé, son traitement jugé aussi gratuit que cruel par la grande majorité du public. Ce même scénario se reproduit aujourd’hui avec Daemon Targaryen, la moitié de ses actions durant l’épisode final déclarées contradictoires par une bonne portion de la communauté House of the Dragon.

Mais ici, c’est assez souvent la poule et l’oeuf : est-ce la trame qui est mal écrite à la limite du blasphème, ou bien les fans qui n’acceptent de l’histoire que les portions qui leur plaisent ?

Un cinéma virtuel

Une autre explication derrière l’incapacité des finales de séries à atteindre le standard de leurs fans est tout simplement Internet. Sur les réseaux sociaux, visionner un épisode est devenu un événement collectif, bien que virtuel, que le système de sortie d’épisodes au compte-goutte accentue. Ainsi, lorsque HBO rend disponible chaque semaine à la même heure un nouveau volet d’Euphoria ou de Succession, tout le monde commente – ou live-tweet – en même temps ses impressions et vit les scènes au même moment.

Même si cette opinion n’est exprimée qu’en ligne et par une partie mineure des téléspectateurs et téléspectatrices, Internet lui donnera le poids d’une majorité.

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Puis vient le débreffage au cours duquel chacun.e fait part de son opinion à chaud, échange et s’influence jusqu’à ce qu’une opinion générale émerge. Même si cette opinion n’est exprimée qu’en ligne et par une partie mineure des téléspectateurs et téléspectatrices suivant Euphoria ou Succession à l’international, Internet lui donnera le poids d’une majorité. Ainsi, si cet avis est négatif, il se trouvera par la suite amplifié jusqu’à se trouver relayé dans les médias et s’imposer comme étant la voix du peuple.

Expérimenter une série en ligne signifie aussi choisir son camp, et surtout, son ship. Ce terme nautique désigne un couple réel ou imaginaire formé par deux personnages fictifs que les fans aiment voir ensemble. Ils combineront alors leurs deux noms et ne visionneront souvent le reste de la série plus que sous l’angle de leur relation. Dans House of the Dragon, il y aura donc le clan de celles et ceux imaginant Alicent et Rhaenyra (ou « Rhaelicent ») ensemble et celui s’en tenant au duo officiel formé par Daemon et Rhaenyra (ou « Daemyra »). Cela crée donc un monde à l’intérieur d’un monde et dans lequel les fans ne visionnent plus les séries qu’à travers leur couple de choix.

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La guerre des mots

Et gare aux scénaristes qui mettront le bonheur des fans en péril. Car si cela arrive, la situation peut tourner en guerre virtuelle et ouverte entre les fans et les créateurs ou créatrices de la série. Lors de la finale de Game of Thrones en 2019, par exemple, une pétition exigeant qu’une fin alternative avec des « scénaristes compétents » soit filmée réunira pas moins de 1,8 million de signatures. En 2022, des internautes la signent encore.

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Une tournure plus macabre serait celle des menaces de mort qui ne tardent jamais à pleuvoir dès lors qu’une tournure d’événement ne convient pas à la majorité. Samantha Irby, scénariste pour la série And Just Like That… (le nouveau chapitre de Sex and the City), en subira les affres jusqu’à quitter temporairement les réseaux sociaux. « Je n’étais pas prête à recevoir des menaces de mort pour les choix de relations fictifs d’un personnage fictif, s’étonne-t-elle dans son infolettre. J’ai vu [toutes les mauvaises opinions] ! Elles me font me sentir mal parce que c’était un travail pour lequel j’ai été embauché et je ne l’ai pas pris à la rigolade! »

Mais peut-être est-ce le moment d’être honnête avec nous-mêmes et de se demander : sommes-nous réellement capables, en tant qu’humains, d’être un jour capables de satisfaction complète? Pas si sûr. « Les fins agréables et proprettes ne se produisent jamais dans la réalité – quelque chose vient toujours après; un petit fil pend toujours », écrit Matt Charlton dans NME.

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