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Pourquoi la proposition de réforme du RSA ne passe pas

Parce qu'on nous prend pour des fainéant.es. Mais pas seulement.

Par
Lucie Inland
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Monsieur le Président, lors de la présentation de votre programme le jeudi 17 mars à Aubervilliers, vous avez proposé de conditionner l’accès au RSA au moyen d’une « obligation de consacrer 15h à 20h par semaine pour une activité permettant l’insertion professionnelle ». C’est indigne et voué à être inefficace. Je pense que vous le savez déjà et que vos intentions sont autres. La priorité ce n’est pas de pallier au chômage de masse faute d’emplois disponibles (treize fois plus de chômeur·euses que d’emplois vacants en septembre 2021) mais de maintenir un contrôle féroce envers une population déjà fragilisée par la pauvreté.

Pour rappel le seuil de pauvreté pour une personne seule est de 1063€.

Je suis hyper en colère contre vous.

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Pour commencer, les comptes ne sont pas bons. Actuellement le RSA pour une personne seule sans enfant à charge est de 565€, sans la prise en compte du calcul des APL, et le Smic mensuel net pour un emploi à temps plein est de 1269,03€, soit 8,37€ net de l’heure. 565€ représente donc 67 heures mensuelles rémunérées au Smic, soit moins de 15h par semaine. C’est pire que ce que proposait Marc-Philippe Daubresse dans un rapport commandé par Nicolas Sarkozy en septembre 2011, et c’était déjà inacceptable. Pour rappel le seuil de pauvreté pour une personne seule est de 1063€.

Qui dit travail salarié dit contrat de travail et obligation d’être rémunéré·e pas moins que le Smic, d’avoir droit à des congés payés et de cotiser pour la retraite et l’assurance maladie. Sinon ça s’appelle un travail d’intérêt général. « Être pauvre devient une infraction. Les travaux d’intérêt général sont d’ordinaire réservés aux délinquants. Et là, le pire, c’est qu’ils ne peuvent pas se défendre. » C’est aussi l’avis de Jean Merckaert, interrogé par Mediapart au sujet du rapport « Sans contreparties – Pour un revenu minimum garanti » qu’il a co-écrit pour le Secours Catholique avec l’association Aequitaz. Vous devriez lire attentivement ce rapport monsieur le Président, au lieu de contraindre les personnes (sur)vivant du RSA à ces emplois de façade, qui ne créeront aucune véritable embauche car pourquoi s’emmerder à payer une personne si on peut la faire travailler gratos ? Je pourrais aussi vous parler des services civiques mais un problème à la fois.

Savez-vous qui (sur)vit du RSA ? Beaucoup de mères solo, n’ayant ni possibilité d’avoir un boulot ni de vivre dans un logement décent.

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Savez-vous qui (sur)vit du RSA ? Beaucoup de mères solo, n’ayant ni possibilité d’avoir un boulot ni de vivre dans un logement décent. « Il faut travailler, madame » même si rien ne les aide dans ce sens – et qu’elles travaillent déjà, à s’occuper de leur foyer, sauf que ça ne compte pas. Pareil pour les personnes isolées, celles abîmées par un emploi précédent ou d’autres violences, les plus âgées, les handicapées et les sans domicile fixe, celles qui lisent mal le français, ne maîtrisent pas l’informatique, ou qui n’ont pas accès à un véhicule (surtout vu le prix de l’essence). Mais peut-être pensez-vous que tout ça n’est qu’une question de volonté à être moins fainéant·e ? Votre réforme nous plongera dans ce que subissent déjà les précaires allemand·es depuis les réformes Hartz.

On veut une revalorisation du Smic et des minima sociaux face à l’inflation

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Monsieur le Président votre réforme du RSA on en veut pas. J’ai honte de vivre dans un pays riche qui organise la mort – car la pauvreté tue oui – d’une bonne partie de sa population sous prétexte qu’elle ne mérite pas sa minuscule allocation de solidarité. On veut une revalorisation du Smic et des minima sociaux face à l’inflation, pas de votre chantage aux boulots sans issue juste pour donner bonne conscience aux bourgeois·es qu’on ne vit pas sur leur dos, tandis qu’iels ne paient plus l’ISF et pratiquent l’optimisation fiscale pour éviter de trop financer les hôpitaux et les écoles.