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Pourquoi la France détruit des millions de litres de vin (plutôt que de me laisser les boire)?
Si vous êtes, comme moi, un amateur de nectar de vignes, vous avez sans doute appris avec effroi la destruction à venir de près de 3 millions d’hectolitres de vin en France. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, espère que cette mesure mettra un frein à « l’effondrement des prix, afin que les producteurs de vin puissent retrouver des sources de revenus ».
Eh oui, la surproduction des dernières années menace de faire tomber les prix des bouteilles sous le seuil de profitabilité, pour les vigneronnes et vignerons. Pour un pays connu pour ses vignobles réputés et riches d’histoire, qui se targue de produire certains des vins les plus fins de la planète, c’est une bien mauvaise nouvelle ! Seule solution, donc : la pénurie artificielle à travers la destruction de stocks.
Compères bons vivants, je vous entends déjà vous demander : pourquoi détruire l’équivalent de 120 piscines olympiques remplies de ce vin alors qu’on pourrait tous se réunir pour le boire ?
Surtout que cela coûterait au moins 200 millions d’euros en indemnités pour les vignerons concernés.
Trop d’offre, pas assez de demande
Blagues à part, si on veut assurer que l’industrie française du vin survive, tout ne dépend que d’un petit principe que vous connaissez bien : l’offre et la demande.
Depuis les dernières années, on a bu moins de vin qu’avant. Mais genre, vraiment moins de vin. La France est passée de 130 litres par an et par habitant il y a 70 ans à 40 litres aujourd’hui, selon des chiffres de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Toutefois, la demande a augmenté aux États-Unis et en Chine, et des vignobles dans le Bordelais et le Languedoc se sont un peu trop emballés au niveau de la production, sans parvenir à écouler leur stock.
Derrière l’aéronautique, la filière viticole est la deuxième plus importante dans la balance commerciale de l’Hexagone, rapportant des dizaines de milliards d’euros à l’économie française chaque année, en plus d’employer près d’un demi-million de personnes.
Bon, lorsqu’on parle de destruction, il serait plus juste de parler de revalorisation, car tout ce vin ne finira pas à la poubelle.
Une bonne partie de cet alcool sera distillé pour être utilisé dans des produits cosmétiques ou pharmaceutiques, ou encore pour faire du gel antiseptique comme on l’a vu durant la pandémie.
Mais pourquoi ne pas le vendre ?
Qu’arriverait-il de si terrible si on l’avait plutôt embouteillé et vendu à bas prix ? Assurément, on pourrait trouver un juste équilibre entre prix abordable et vin de qualité moyenne…
Mais si on le faisait, on créerait une crise qui frapperait de plein fouet une industrie déjà mise à mal dans les dernières années. Les prix s’effondreraient d’autant plus et des vignerons se verraient contraints de mettre clé sous porte. C’est un vrai enjeu, car de grandes multinationales et des intérêts étrangers transforment le visage de l’industrie, notamment en rachetant de petits domaines pour les intégrer à leur portfolio.
De plus, on note chez les vignerons des niveaux élevés de détresse mentale : on a perdu trois des rockstars du vin nature en quelques semaines.
Pour plusieurs exploitants, cette enveloppe de 200 millions d’euros est une bouée de sauvetage bien tombée, mais d’autres craignent que cela ne suffise pas. Un collectif de vignerons dans la Gironde demande l’arrachage d’au moins 15 000 hectares de vignes, avec une prime de 10 000 euros par hectare.
« Nous sommes convaincus que ça va s’amorcer un plan social massif dans notre filière : on craint entre 100 000 et 150 000 emplois menacés dans les dix ans à venir », affirmait Bernard Farges, président du Comité National des Interprofessions des Vins, en entrevue avec Le Figaro.
Il faut se rappeler que le métier de vigneron est, à la base, un métier de fermier.
Entre crises climatiques et consommation d’alcool en baisse, ces femmes et ces hommes se retrouvent dans des situations de plus en plus précaire, en proie au rachat par de grandes entreprises et à l’automatisation.
Donc bien que cela puisse faire mal de voir tout ce vin disparaître sans être consommé, il faut se rappeler que c’est pour la bonne santé économique de l’industrie. Et si c’est pour assurer un futur durable à la profession, on lève notre verre à ces bouteilles détruites.
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